24ième dimanche C

Frères et Sœurs,
Les trois paraboles que nous venons d’entendre
ont toutes le même cliché :
quelqu’un ou quelque chose était perdu
et une fois retrouvé c’est l’invitation à partager la joie des retrouvailles.

 

Nous allons nous arrêter davantage sur la troisième parabole
non seulement parce qu’elle est plus étoffée
mais parce qu’ elle nous enseigne
le comportement des personnes au sein d’une famille.
Et,
par la présentation que fait Jésus du père dans la parabole,
il nous donne, c’est mon avis,
une merveilleuse image de Notre Père des Cieux.

Ainsi commence cette parabole :
« UN HOMME AVAIT DEUX FILS… »
Tout d’abord une remarque qui peut avoir son importance.
Il n’est pas question de la mère dans cette parabole.
Or,
dans une famille, la mère est incontournable.
Que l’autre sexe ne reste pas sur sa faim,
Il n’est pas négligé
car dans l’attitude,
dans le comportement du père
il y a quelque chose de profondément maternel.

Si, pour schématiser,le père représente l’autorité
tandis que pour la mère ce serait plutôt la tendresse.
D’ailleurs
dans l’œuvre picturale du peintre Rembrandt, intitulée
« LE RETOUR DE L’ENFANT PRODIGUE »
qui se trouve au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg,
les DEUX MAINS du père
se posent sur les épaules du fils cadet qui revient.

La main gauche plus forte suggère l’autorité paternelle,

tandis que la main droite du père beaucoup plus fine
qui se pose comme une caresse sur l’épaule de l’enfant
exprime un geste maternel.

C’est là le génie de Rembrandt…
si bien qu’on peut dire que dans cette parabole,
le père et la mère ne font qu’un.
CE PÈRE À UN CŒUR DE MÈRE.

La parabole commence ainsi :
« UN HOMME AVAIT DEUX FILS »
Mais, c’est explicite dans la parabole,
ces derniers ne se reconnaissent pas vraiment COMME FILS
si bien qu’ils ne se considèrent pas l’un vis-à- vis de l’autre COMME FRÈRES.
Lorsque le sens filial est absent, c’est le sens fraternel qui en souffre.
La preuve :
«LORSQUE LE FILS AINÉ REVIENT DES CHAMPS
ET ENTENDANT LA MUSIQUE À LA MAISON
IL DEMANDA À UN DOMESTIQUE CE QUI SE PASSAIT.
EN APPRENANT LA RAISON…IL REFUSE D’ENTRER.

SON PÈRE QUI ÉTAIT SORTI, LE SUPPLIAIT.
MAIS LE FILS AINÉ LUI REPLIQUA :
« IL Y A TANT D’ANNÉES QUE JE SUIS À TON SERVICE SANS AVOIR JAMAIS DÉSOBÉI À TES ORDRES
–le père est bien perçu, dans cette parabole,
comme un régisseur, un employeur–
ET JAMAIS –ajoute l’ainé- TU NE M’AS DONNÉ UN CHEVREAU POUR FESTOYER AVEC MES AMIS.
MAIS, QUAND TON FILS
- il ne dit pas -quand MON FRÈRE-
« QUAND TON FILS QUE VOILÀ EST ARRIVÉ
APRÈS AVOIR DÉPENSÉ TON BIEN AVEC DES FILLES
TU FAIS TUER POUR LUI LE VEAU GRAS ! »
LE PÈRE RÉPONDIT : TOI, MON ENFANT,
TU ES TOUJOURS AVEC MOI ET TOUT CE QUI EST À MOI EST À TOI…. »

Les biens de la famille sont un BIEN COMMUN
et l’héritage qui en découle est essentiellement un don
mais c’est un don qui devient vite un dû pour les intéressés.

Si nous nous tournons vers le fils cadet :
« PÈRE, DONNE-MOI LA PART D’HÉRITAGE QUI ME REVIENT. »
Autrement dit:
« J’EXIGE MON DÛ »
Voyons donc ce comportement du fils cadet
qui n’a pas plus que le fils ainé LE SENS FILIAL.

L’esprit de famille ne pèse pas lourd dans les sentiments
de l’un et de l’autre fils.

Le père dans la parabole ne revendique pas les valeurs
qui sont fondamentales dans une vie de famille.

L’autorité du père qui est réelle ;
il en était fait allusion
dans la façon dont le peintre Rembrandt exprime
CETTE AUTORITÉ
PAR LA MAIN VIRILE DU PÈRE SUR L’ÉPAULE DU FILS CADET.
Mais cette autorité parentale
selon la racine latine du mot
C’est une autorité qui fait grandir celui sur qui s’exerce cette autorité
et non pas
une autorité qui pèse sur le cadet.

Le fils tout cadet qu’il soit est majeur;
la parabole ne le précise pas mais la majorité religieuse
était précoce dans le contexte de l’époque.

Si bien que le père,
tout en sachant que son fils va courir de grands risques
L’AUTORITÉ DU PÈRE
n’est PAS UN POUVOIR QUI PÈSE sur son fils
CE PÈRE RESPECTE LA LIBERTÉ DE SON FILS.
Le fils cadet est un homme jeune mais un homme libre.
Le père a certainement demandé à son fils de prendre un peu de recul quant à sa décision.
Il l’a certainement encouragé à bien réfléchir avant de partir.
RESPECTER LA LIBERTÉ DE L’AUTRE
QUAND ELLE S’EXERCE DANS DES CONDITIONS NORMALES
EST UNE VALEUR SACRÉE.

QUAND ON AIME, ON CROIT EN L’AUTRE
le père ne retire sa CONFIANCE,
il croit toujours en son fils parce qu’il l’aime.

QUAND ON AIME ON ESPÈRE EN L’AUTRE.
Le père ne désespère pas de son fils et même il l’attend.
Il espère encore en son fils parce qu’il l’aime.

ET QUAND ON AIME,
ON ACCEPTE, LE CŒUR BRISÉ, QUE LE FILS S’EN AILLE…
avec tous les risques que cela comporte
Le père respecte la liberté de son fils parce qu’il l’aime.

« PEU DE JOURS APRÈS – nous dit ce passage d’évangile-
LE PLUS JEUNE RASSEMBLA TOUT CE QU’IL AVAIT, ET PARTIT POUR UN PAYS LOINTAIN.
Il part avec sa part
« ET GASPILLA SA FORTUNE EN MENANT UNE VIE DE DÉSORDRE. »
L’histoire nous dit que
« QUAND IL EUT TOUT DÉPENSÉ,
UNE GRAND FAMINE SURVINT DANS CETTE RÉGION,
ET IL COMMENÇA À SE TROUVER DANS LA MISÈRE.
IL NE TROUVA COMME EMPLOI QUE DE GARDER LES PORCS. »
Comble de l’ignomilie pour un juif :
garder les porcs :l’animal impur s’il en est.
ET PERSONNE NE LUI DONNAIT CE DONT LES PORCS SE NOURRISSAIENT.
En fait, la question fondamentale :
ce jeune homme à faim !

C’est cela et rien que cela qui l’ amène
à faire un retour sur lui-même.
« TANT D’OUVRIERS CHEZ MON PÈRE ONT DU PAIN EN ABONDANCE ET MOI, JE MEURS DE FAIM. »
Ce fils cadet dont le père respecte tellement la liberté,
Ce fils n’est pas libre.
Il est prisonnier mais
IL EST PRISONNIER DE LUI-MÊME.
Il n’ y a pas de prison plus carcérale que soi-même.
Et dans un beau mouvement de conversion…du moins apparemment, il se dit :
« JE VAIS RETOURNER CHEZ MON PÈRE ET JE LUI DIRAI :
PÈRE, J’AI PÉCHÉ CONTRE LE CIEL ET CONTRE TOI.
JE NE MÉRITE PLUS D’ÊTRE APPELÉ TON FILS..
Ce fils sait qu’il a rompu les ponts avec son père,
Tandis que le père, lui, n’a pas rompu les ponts avec son fils

Du côté du fils il n’y a AUCUN SIGNE venant du cœur
POUR DEMANDER PARDON
EN VUE DE RENOUER SA CONDITION FILIALE
ET FRATERNELLE.
Il dira plutôt « TRAITE-MOI COMME L’UN DE TES OUVRIERS. »
En se disant : eux ils ont à manger et moi j’ai faim.

Ce n’est pas son cœur qui parle c’est son estomac.

« IL PARTIT DONC POUR ALLER CHEZ SON PÈRE… »
tout en gardant le front bas…
il n’a vraiment pas de quoi être fier ;

Par contre ,
son père, toujours aux aguets, aperçut son fils
alors qu’il était encore loin;Il courut non pas pour lui dire :
« SI TU SAVAIS COMME TU M’AS FAIT DE LA PEINE. »
« IL COURUT SE JETER À SON COU ET LE COUVRIT DE BAISERS. »

Le fait de se jeter au cou de son fils
et le couvrir de baisers est déjà, de la part du père,
la manifestation du PARDON ACCORDÉ.
Avant que le fils ait ouvert la bouche,
Le père, lui, a déjà pardonné

Bref, le fils lui dit :
« PÈRE, J’AI PÉCHÉ CONTRE LE CIEL ET CONTRE TOI. »

« JE NE MÉRITE PLUS D’ÊTRE APPELÉ TON FILS…. »
Mais comme si le père pressentait
ce que le fils allait ajouter
et pour éviter que son fils ne soit humilié
par ce que le fils pensait ajouter, à savoir,
« TRAITE-MOI COMME UN DE TES OUVRIERS. »

Le père n’aurait pas supporté d’entendre de la part de son fils :
« TRAITE-MOI COMME L’UN DE TES OUVRIERS »
Aussi,
LE PÈRE SANS L’OMBRE D’UNE HÉSITATION
DIT À SES SERVITEURS :
« VITE, APPORTEZ LE PLUS BEAU VÊTEMENT POUR L’HABILLER.
Le plus beau vêtement c’est pour les jours de grandes fêtes.

« METTEZ-LUI UNE BAGUE AU DOIGT… »
C’est le signe de l’alliance retrouvée

« ET DES SANDALES AUX PIEDS »
comme il convient à un homme libre.

ÊTRE UN HOMME LIBRE…
mais c’est justement pour cela qu’il était parti avec sa part d’héritage.

Il l’a vite perdue SA LIBERTÉ.
Même la liberté de manger à sa faim normalement.
Même pas
jusqu’ à ne pas avoir à manger ce que mange les porcs…
Pour un juif qui ne mangeait que des produits casher c.à.d.
des aliments
dont la consommation est autorisée par la loi de Moïse.
Qu’elle humiliation !
Bien au contraire, « ALLEZ CHERCHER LE VEAU GRAS,
TUEZ-LE. » -s’écrie le père- « MANGEONS ET FESTOYONS.
CAR MON FILS QUE VOILÀ, IL ÉTAIT MORT,
MORT…
ALORS QU’IL FAISAIT BON DE VIVRE…EN FAMILLE.
MORT ET IL EST REVENU À LA VIE ;
IL ÉTAIT PERDU
comme cette femme qui avait perdu une pièce de monnaie, mais qu’est-ce qu’une pièce d’argent à côté d’un fils ;

Ou comme cette brebis qui s’était égarée…
mais perdre un fils c’est encore autre chose qu’une brebis égarée.
« MON FILS ÉTAIT PERDU, ET IL EST RETROUVÉ.
ET ILS COMMENCÈRENT LA FÊTE.

FRÈRES ET SŒURS,
dans cette parabole, Jésus nous donne une belle image
de Notre Père des Cieux
dont nous connaissons maintenant le prénom :
ce Père s’appelle : MISÉRICORDE
À travers tout l’évangile mais plus encore dans l’évangile selon S. Jean,
Jésus nous parle de son Père avec un tel enthousiasme que l’apôtre Philippe lui dit un jour :« SEIGNEUR,
MONTRE-NOUS LE PÈRE ET CELA NOUS SUFFIT. »

Quant au grand Origène, père de l’Eglise d’Orient,
au premier abord, la réflexion qu’il fait a de quoi nous surprendre:
« QUAND VOUS PRIEZ, précise Origène,
IL NE FAUT PAS PRIEZ LE FILS DE DIEU,
IL FAUT PRIER LE PÈRE. »

AUX DISCIPLES QUI DEMANDENT À JÉSUS :
« APPRENDS-NOUS À PRIER
COMME JEAN-BAPTISTE L’APPRIT À SES DISCIPLES »
JÉSUS LEUR RÉPOND :
« QUAND VOUS PRIEZ DITES : »NOTRE PÈRE… »

Mais quiconque prie le Père ne peut le faire qu’en étant
un avec le Christ.
D’autant plus que Jésus lui-même dira :
« PERSONNE NE VA AU PÈRE SANS PASSER PAR MOI ; »

Origène à donc raison :
il faut prier le Père mais cela on ne le peut
qu’en ne faisant qu’un avec Jésus, un avec son corps ressuscité.

C’est bien pour cela que tout à l’heure
nous allons communier sacramentellement au corps du Christ.

car il est le seul à pouvoir dire en vérité :« Père » à Dieu son Père
et que nous pouvons, nous aussi, comme nous l’avons appris du sauveur nous osons dire: « NOTRE PÈRE »

« L’HEURE VIENT, dit Jésus à la Samaritaine, OÙ VOUS ADOREREZ LE PÈRE EN ESPRIT ET EN VÉRITÉ. »
En Esprit,
S. Paul qui nous l’affirme dans sa lettre aux Galates, 4,6
« DIEU A ENVOYÉ DANS NOS CŒURS L’ESPRIT DE SON FILS, QUI CRIE : « PÈRE. »