Veillée pascale - Mars 2018

 Frères et sœurs, dimanche et vendredi derniers, nous avons réentendu les évangiles de la Passion qui se terminent par la mise au tombeau du Christ, qui s’achèvent dans le silence et l’absence. C’est dans ce même silence que nous nous sommes rassemblés, dehors, dans la nuit, d’où s’est élevé une flamme, un feu, une lumière, derrière laquelle nous avons voulu nous mettre en route, ensemble. Et c’est encore ensemble que, depuis la Genèse jusqu’à saint Paul en passant par les prophètes, nous avons entendu ces textes qui récapitulent l’œuvre de Dieu pour les hommes, son dessein de salut ; et nous y avons répondu, là encore ensemble, par autant de psaumes, comme dans une folle espérance, dans une folle attente.

 

C’est peut-être cette attente qui caractérise ces 3 femmes qui se sont mises en route avant nous - petit reste dérisoire de la gloire des Rameaux ; dernières disciples avant de devenir les premières. On peut dire que ces femmes y ont cru jusqu’au bout, qu’elles sont restées fidèles, mais que cela ne les a menées qu’à un tombeau, lieu de souvenirs, lieu de la séparation, lieu de la pierre roulée entre les morts et les vivants. L’histoire du prophète de Nazareth aurait pu s’achever ici, et l’histoire du salut que nous avons si longuement écoutée aurait gardé son secret, sa pierre angulaire. Cette mort de Jésus aurait donc été comme toutes nos morts, comme celles de nos proches qui nous sont irrémédiablement enlevés sans que nous puissions y changer quoi que ce soit.

Mais si nous sommes ici cette nuit, c’est bien parce que ce tombeau avait autre chose à dire que la mort. Ce que les femmes croyaient fermé et rempli de la présence d’un corps inerte, ce qu’elles pensaient finalement inaccessible, elles le découvrent ouvert, vide de ce à quoi elles s’accrochaient encore, mais surtout - au-delà d’ « un jeune homme vêtu de blanc » - elles découvrent un tombeau habité par une parole qui nous est adressée. Frères et sœurs, la résurrection est d’abord un message, une parole, et si nous voulons voir le Christ ressuscité, nous devons l’écouter.

Parole qui, comme dans toutes les théophanies, nous rassure - « Ne soyez pas effrayés ! » ; la résurrection traverse nos peurs, et des peurs nous en avons.

Parole qui dit le mystère de notre foi : « Il est ressuscité » celui qui, indissociablement, a été crucifié. La résurrection est donc action de Dieu en faveur de son Fils qui atteste et confirme tout ce que Jésus a dit et fait, et qui proclame sur terre et dans les cieux la gloire qui lui est donnée. Et parce que sa mort et son tombeau sont bien ceux des hommes, identiques aux hommes, sa résurrection nous est aussi donnée, offerte, promise : le Père agit avec nous comme il a agi avec le Christ. « Il est ressuscité », il nous précède en Galilée, et tel le bon berger, le véritable roi, il marche à notre tête pour nous emmener, ensemble, en Eglise, en communauté, là où il est désormais, c’est-à-dire dans la Vie. Le Christ ressuscité est donc dorénavant notre avenir, notre horizon, notre vie. Et cette vie, il nous faut sans cesse la découvrir ; sans cesse, « de grand matin », nous rendre à ces tombeaux pour entendre de nouveau la Parole. Il nous le faut pour nous, pour nous nourrir, pour être vivants, mais il nous le faut aussi pour le monde parce que c’est nous, nous qui cheminons avec lui depuis tant d’années, qu’il a choisi pour témoigner.

La foi qui nous habite, nous le savons, ne peut pas se communiquer par des raisonnements, des démonstrations, des preuves, même pas par un tombeau ouvert et vide. Par contre, elle s’entrevoit quand elle offre une autre façon d’entendre, de lire, de déchiffrer le réel, les évènements, nos morts et nos vies. Alors roule enfin la pierre qui nous obstruait l’horizon de Dieu. La foi nous met non seulement en relation avec le Christ ressuscité, mais aussi, à travers lui, les uns avec les autres.

Ces femmes qui, « de grand matin », pensaient prendre l’initiative, se sont découvertes précédées, attendues, espérées, par cette Parole qui crée le monde, libère Israël, suscite les prophètes. Cette Parole c’est Jésus ressuscité, c’est-à-dire celui qui a consenti à nous aimer jusqu’au bout, jusqu’à la mort, le Crucifié ; c’est celui qui, serviteur, s’est mis aux pieds de ses disciples dont il a fait ses amis ; celui qui a pris notre chair, qui a pris nos routes, pour guérir, libérer, s’approcher. Cette Parole qui dit la vie, qui dit l’amour, qui dit Dieu et sa proximité, nous précède encore aujourd’hui. Dieu nous aime et nous sert, avant même que nous envisagions à notre tour de l’aimer ou de le servir. Alors, si nous voulons savoir comment le suivre à notre tour, comment l’entendre, écoutons, méditons, contemplons chaque jour ce qu’il a fait pour le salut des hommes, ce qu’il continue de faire pour nous encore aujourd’hui, et c’est ainsi que nous vivrons et témoignerons de la Bonne Nouvelle qui jaillit en cette nuit.