Trinité A - Juin 2017

 La Trinité. Voilà un mystère indissociable de notre foi, un mystère sans lequel nous ne serions pas chrétiens, et pourtant un mystère qu’il nous est souvent malaisé d’expliquer tant il est difficile, voire impossible, de penser véritablement une distinction en Dieu lui-même, un Dieu unique en trois personnes, une « tri-unité ».

Alors, vous le savez, il serait inutile d’éplucher la Bible pour y chercher le mot « Trinité », car ce terme n’a été forgé que dans la seconde moitié du deuxième siècle.

Par contre, nous pouvons y découvrir trois noms divins, à l’instar des paroles de saint Paul aux Corinthiens que nous avons entendues en deuxième lecture : « Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. » Dans le Nouveau Testament, seul le Père est appelé Dieu ; le Fils, par la Résurrection, reçoit un titre propre à Dieu : celui de Seigneur ; et enfin l’Esprit, le « Paraclet », semble étroitement lié au Père et au Fils de par la mission divine qui lui est confiée. C’est donc de cette distinction, mais encore de l’action de Dieu dans notre vie, de sa Révélation, qu’est née toute la réflexion sur la Trinité. Dans l’histoire du salut, Dieu se manifeste en trois personnes : Le Père qui crée et qui envoie, le Fils qui s’incarne, et l’Esprit qui soutient et anime. Donc, si la Bible ne dit pas explicitement que Dieu est Un en trois personnes, elle montre néanmoins qu’il se manifeste comme Père, Fils et Esprit. Après bien des débats, que nous nous épargnerons ici, l’Eglise a reconnu, cru et proclamé, que Dieu est Trinité : un seul Dieu en trois personnes.

 

Alors finalement, en quoi cela est-il important ? En quoi cela nous concerne-t-il ? Qu’est-ce que ça peut vraiment changer dans nos vies ? Là encore, nous ne pourrons pas tout dire, mais évoquer rapidement quelques points.

En confessant la Trinité, l’Eglise nous dit que Dieu s’est révélé à nous, que Dieu se révèle à nous, tel qu’il est. C’est tout entier qu’il se montre et se donne ; c’est dans tout ce qu’il est, avec tout ce qu’il est, qu’il vient à nous. Dieu ne nous envoie pas un lieutenant, un subalterne, mais il vient lui-même jusqu’à chacun d’entre nous.

Et s’il vient jusqu’à nous, c’est pour, comme le dit l’évangile de ce dimanche, aimer, donner, sauver, nous obtenir la vie éternelle. Et cette vie éternelle, ce n’est pas un paquet qu’il aurait dans son sac, ce n’est pas quelque chose qu’il aurait en plus, voire en trop. Non, cette vie éternelle, c’est lui-même, c’est ce qu’il est. C’est sa vie qu’il nous communique ; c’est sa vie à laquelle il nous associe dans le Fils, à laquelle il nous associe comme fils. Le contenu du Salut n’est pas autre chose que Dieu lui-même qui se communique et se donne.

Et donc quelle est cette vie de Dieu, cette vie en Dieu ? Cette vie en trois personnes est évidemment une vie qui n’est pas solitaire, qui n’est pas tournée, bridée sur elle-même, mais qui est relation, communication, communion, amour, don, ouverture à l’autre. En confessant un Dieu trinitaire, l’Eglise proclame un Dieu qui s’intéresse à l’autre, qui se donne à nous - et ce jusqu’à la mort sur la croix – parce qu’en lui-même il fait l’expérience de la différence, et loin de la rejeter, il l’accepte, l’aime, la désire ; connaître la différence pour ne pas être indifférent. Dieu n’est pas le moteur immobile des philosophes enfermé dans sa tour, mais « Celui qui vient », car en lui-même il accepte de se déplacer pour l’autre, c’est-à-dire de lui faire de la place. Et ainsi Dieu fait de nous un peuple de l’Exode, un peuple de l’Exil, un peuple de pèlerins, parce qu’à notre tour, il nous invite à nous mettre en route pour pouvoir accueillir celui qui vient et ce qui arrive, ce qui nous arrive.

Vivre ce don d’amour et d’accueil - qui est la vie-même de la Trinité - non parce que c’est beau, parce que c’est grand, parce que c’est bon, mais parce que c’est également le cœur, la source, le moteur de notre vie ; « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Comme le disait le Père Maurice Zundel : à l’image de la Trinité, « On est soi dans un pur regard vers l’autre…On ne subit plus son être parce qu’on l’assimile et le saisit en le donnant. » Dernièrement j’entendais un chanteur français répondre à la question de l’existence de Dieu en disant : « si Dieu existe, c’est son problème, pas le mien ! ». Et bien non ! Si Dieu existe et s’il veut se révéler à nous, et se révéler dans sa vie trinitaire, c’est bien parce que ça nous concerne aussi, c’est bien parce que c’est en même temps révélation de ce que nous sommes, de ce que nous sommes appelés à vivre et à devenir. C’est le jaillissement de vie au sein de la Trinité, entre ces trois personnes indissociables, qui est la source et le terme de notre vie, éternité.

La Trinité n’est pas affaire de logique, de raison, une équation à résoudre, mais elle est un acte de foi à consentir, une expérience à découvrir, et une vie, la vie, à resplendir.