B 24 MARC 08,27-35 (13)

Chimay : 12.09.2021

Frères et sœurs, les textes bibliques de ce dimanche nous adressent un appel à progresser dans la foi. La première lecture (Is 50,5-9a) nous renvoie à un peuple qui est devenu sourd aux appels de Dieu. Mais quelques-uns sont restés en éveil « pour entrer chaque matin en conversation avec lui » (Is 50,4) ; ils sont obligés de ramer à contre-courant ; ils sont victimes de sarcasmes, de rebuffades et de persécutions. Mais le prophète Isaïe ne se décourage pas : « Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats » (Is 50,6). Il garde toute sa confiance en Dieu qui vient à son secours. Servir le Seigneur, c’est ne pas se dérober à sa parole et, par conséquent, aux souffrances qui accompagnent son annonce.

 

Nous recevons ce témoignage du prophète comme un appel à la conversion. C’est vrai qu’à certains jours, on peut avoir envie de tout abandonner. C’est à ce moment-là̀ que nous avons besoin d’être plus vigilants dans la prière et plus attentifs aux paroles du Seigneur Dieu.

Pour avancer sur le chemin de la conversion, nous sommes invités à accueillir l’amour qui est en Dieu. La foi est une attitude d’accueil et de reconnaissance de la grâce de Dieu. Mais saint Jacques (2,14) nous dit que la foi sans les œuvres ne sert à rien ; elle ne suffit pas à nous sauver ; c’est sur notre amour, sur nos gestes d’accueil, de partage et de solidarité que nous serons sauvés. A travers celui qui a faim, celui qui n’a rien pour s’habiller, celui qui est exclu, c’est Jésus que nous accueillons ou que nous refusons (Mt 25,31-46). Avoir la foi c’est avoir des idées justes et un comportement juste. Il ne suffit pas d’être croyant. Il faut mettre sa foi en pratique, nous rappelle saint Jacques

Dans l’Evangile de ce jour, nous retrouvons Jésus qui ne se contente pas de parler ; il est toujours en mouvement. Aujourd’hui, nous le retrouvons à Césarée de Philippe, en plein territoire païen. Il va à la rencontre de ceux qui ont besoin d’être guéris et relevés. En Décapole, il a guéri un sourd-muet (Mc 7,31-37) ; il lui a permis de mieux communiquer, d’être de nouveau en relation ; il lui a donné la vie en quelque sorte ; il lui a également permis de mieux écouter la Parole de Dieu et aussi de la partager.

Et bien sûr, les gens se posent des questions sur Jésus qui parle avec autorité et qui pose des actes forts. Qui est-il vraiment ? Pour entrer dans cette méditation, déplaçons-nous intérieurement vers la région de Césarée-de-Philippe. Les disciples ont suivi Jésus jusque tout au nord de la Galilée. Ils sont pratiquement aux pieds du mont Hermon, dont les psaumes chantent la hauteur et la beauté (Ps 132,3). C’est là que le Jourdain prend sa source. L’eau y est claire et vivifiante, contrairement au Jourdain qui, plus il descend vers la Mer Morte, plus il rétrécit et devient vaseux. Aujourd’hui encore, à l’endroit où la source émerge, de hautes falaises rocheuses s’élèvent. On y voit encore les traces d’un sanctuaire païen dédié au culte du dieu Pan. C’est ici, sur un lieu où ce faux dieu est adoré, lieu emblématique, que Jésus emmène ses disciples pour interroger leur foi au Dieu véritable : « Qui suis-je, d’après ce que disent les hommes ? » C’est la question qu’il va poser à ses disciples : « Pour les gens qui suis-je ? » (Mc 8,27). Chaque réponse le compare à un homme qui a marqué l’histoire : se faisant leurs porte-paroles, les disciples répondent que certains le prennent pour Jean Baptiste, d’autres pour Élie ou Jérémie. Bref ils le prennent pour un prophète. Pas des moindres, mais un prophète quand même ! Jean Baptiste était le prophète du baptême de la conversion. Élie était le prophète défenseur du monothéisme (1R 18,20 ss.) et le premier prophète qui avait ressuscité un mort (1R 17,17 ss.). Jérémie était le prophète annonciateur d’une alliance nouvelle (Jr 31,31).

Bien sûr, Jésus accomplit toutes ces figures prophétiques. Mais il reste encore quelque chose de plus à dire sur lui. C’est Pierre qui, inspiré par le Père du ciel, comprend comment Jésus se démarque des anciens prophètes : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » (Mc 8,29), s’écrie-t-il. Il est le Messie, c’est-à-dire que c’est lui qui arrive dans la continuité des prophètes déjà mentionnés. Il est celui qu’annoncent tous les textes de la Bible. De plus, il est, par opposition au lieu dans lequel ils se trouvent, le Fils du Dieu vivant ! Le dieu Pan était une idole façonnée de mains d’hommes. Jésus, lui, est le Fils du Dieu vivant. Il n’est pas le serviteur, l’esclave ou l’ami du Dieu vivant, mais son Fils ! Cette relation filiale dit d’une certaine manière la divinité de Jésus. C’est en cela que Jésus se démarque complètement des autres prophètes. La réponse de Pierre est la meilleure : « Tu es le Christ » (Mc 8,29). Cette réponse est porteuse de toutes les espérances du monde juif : on attendait un Messie qui libérerait le pays de l’occupant étranger ; il rétablirait la royauté en Israël. Avec lui, ce serait l’avènement d’un règne de Dieu puissant et fort. Mais ce n’est pas de cette façon que Jésus a voulu établir le règne de Dieu. Pour la première fois, il enseigne à ses disciples que le Messie va souffrir pour sauver son peuple. Cette conception d’un Messie souffrant leur est étrangère. Elle choque tellement leur attente que Pierre veut s’y opposer. Mais Jésus maintient fermement que celui qui veut être son disciple doit envisager de le suivre jusqu’à la croix.

Après la profession de foi de Pierre, Jésus fait la sienne, sa profession de foi peut-on dire, en Pierre lui-même : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16,18). Aux pieds de ces falaises imposantes, Jésus fait de Pierre la pierre sur laquelle reposera l’Église. Même le paysage parle ! Les puissances de mort qui étaient adorées en ce lieu seront vaincues et n’engloutiront jamais la jeune Église à peine naissante que Jésus fait reposer sur Pierre. Il s’agit d’une promesse étonnante, car fragile… Comment la personne de Pierre pourrait-elle soutenir une construction plus solide que la mort ? De fait, à peine quelques versets plus tard (Mc 8,33), Jésus réprimandera durement ce même Pierre pour ses pensées qui ne sont pas conformes à celles de Dieu… Pourtant, Jésus ne craint pas de choisir notre humanité faible et défaillante pour faire son œuvre. « Il choisit ce qu’il y a de faible dans le monde pour confondre ce qu’il y a de fort », dira plus tard saint Paul (1 Co 1,27). C’est cela le mystère de l’Église qui subsiste aujourd’hui encore, deux mille ans après la promesse de Jésus.

Aujourd’hui, la même question nous est posée à nous : qui est Jésus pour nous ? Beaucoup voient en lui un homme généreux, un sage, un homme qui a fait beaucoup de miracles. En fait, on ne sait pas trop ; la plupart ne sont pas certains de sa véritable identité. Comme les disciples, nous avons besoin d’apprendre à écouter Jésus. Lui seul peut nous faire découvrir quelle est sa mission de Messie et comment il peut nous libérer et nous redonner vie.

En nous révélant sa mission, Jésus nous montre un chemin exigeant et difficile. C’est un chemin qui passe par la croix. Mettre notre foi en lui, c’est marcher à sa suite. Nous sommes sur un chemin de croix, non plus le nôtre mais celui de Jésus. Rappelons-nous cette parole : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mc 8,34). Cette croix, nous la portons peut-être en boîtant. Mais elle ne nous empêche pas de chanter : « Victoire, tu régneras, o croix, tu nous sauveras » (H 32 – Passion. David Julien).