C BAPTÊME DU SGR LUC 03,15-16.21-22 (12)

Chimay : 09.01.2021

 

Frères et sœurs, le jour de Noël, nous avons fêté la naissance de Jésus : il a été manifesté aux bergers et, à travers eux, aux petits, aux pauvres et aux exclus. Le jour de l’Épiphanie, dimanche dernier, cette révélation a été offerte aux mages. Cette fête nous a aidés à comprendre que le Christ est venu aussi pour les étrangers, pour ceux qui ne connaissent pas Dieu ; son amour est offert à tous. Et aujourd’hui, c’est une autre manifestation du Seigneur que nous célébrons : c’est Jean Baptiste qui nous le montre ; il vient annoncer la venue de Celui qui apporte le Salut au monde.

 

Cette bonne nouvelle était déjà proclamée par le prophète Isaïe (40,1-5.9-11). Ce texte est un message de consolation pour un peuple qui vient de vivre 50 ans d’exil à Babylone : « Voici le Seigneur Dieu : il vient avec puissance… » (Is 40,10). Mais cette puissance n’est pas celle que l’on croit ; il ne vient pas pour venger ni pour punir. Cette puissance c’est celle de l’infinie tendresse de Dieu qui pardonne et qui sauve. Le Seigneur est là pour réconforter son peuple. Son amour est offert à tous : « Là où le péché a abondé, l’amour a surabondé » (Rm 5,20). C’est quand le Seigneur vient à nous que nous retrouvons la vraie joie.

Dans sa lettre à Tite (Tt 2,11-14 ; 3,4-7), saint Paul nous parle du salut offert à tous les hommes ; au jour de notre baptême, nous avons été plongés dans l’amour infini de Dieu qui est Père, Fils et Esprit Saint. C’est un changement radical qui nous entraîne vers une nouvelle manière de vivre. Avec Jésus, c’est une vie nouvelle qui commence. Pour les nouveaux convertis, plus rien ne peut être comme avant. Nous avons tous besoin de retrouver la force de cette présence du Seigneur dans notre vie et notre monde.

Dans l’Évangile, nous retrouvons Jean Baptiste qui annonce la venue de Celui qui apporte la « consolation au monde ». « Moi, je vous baptise dans l’eau, mais il vient Celui qui est plus puissant que moi… Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3,16). Saint Luc nous dit que « tout le peuple se faisait baptiser ». C’est dire l’impact que devait avoir la prédication de Jean Baptiste. C’est dire le rayonnement dans lequel il aurait pu se complaire. Or, tandis que le Précurseur baptise à profusion, sa catéchèse est inlassablement annonciatrice d’un Autre. On vient à lui mais il désigne Jésus. Plus grand que lui. Devant lequel sa destinée est de décroître afin que, l’envoyé du Père, grandisse et baptise dans l’Esprit. Jésus n’entreprend pas de baptiser « à son tour » comme si se vivait une simple transmission de Jean envers Lui. Il est baptisé Lui aussi. « Jésus priait et le ciel s’ouvrit » (Lc 3,21). L’Esprit descend sur Lui. Il reçoit de son Père l’indicible parole venue du ciel : Tu es mon Fils. La fête baptismale est trinitaire.

Fêter le Baptême de Jésus n’est donc pas réducteur à un relais passé entre le Baptiste et le Christ. C’est recevoir de son engendrement notre naissance nouvelle. Notre propre baptême puise aux sources vives de la tendresse que le Père exprime à son Fils. Nous sommes devenus qui nous sommes par l’amour de Dieu. Comme disait saint Patrick, à notre tour, « nous pouvons nous lever aujourd’hui par une force puissante et invoquer la Trinité ». Baptisés dans le Christ, nous sommes son peuple appelé à témoigner de sa grâce. L’Esprit Saint est l’artisan principal de notre baptême. Il est Celui qui brûle et détruit le péché du monde ; il nous libère de la domination des ténèbres et du péché. Il nous transfère dans le Royaume de Lumière qui est celui de l’amour et de la paix.

C’est cela que nous découvrons dans le baptême de Jésus. Il rejoint ce peuple de pécheurs qui viennent accomplir un geste de pénitence. Les uns et les autres étaient invités à se convertir. Jésus n’avait pas de péché à se faire pardonner. Mais s’il entre dans l’eau du Jourdain, c’est pour rejoindre ce monde pécheur qu’il est venu chercher et sauver. Le Christ consent à ce rite parce qu’il s’assimile à tous les pécheurs. Il prend le rang des hommes pour les sauver et son abaissement est authentifié par le Père qui lui rend témoignage par l’Esprit : « En toi, je trouve ma joie » (Lc 3,22). Puisqu’il est au milieu du peuple quand il s’approche du Baptiste, il se conduit dès maintenant comme le bon berger qui rassemble ses agneaux et les porte sur son cœur, selon le prophète Isaïe (40,11). Déjà il associait « la gloire du Seigneur », « sa venue avec puissance » à son affection de pasteur envers son troupeau. Il nous rejoint au plus bas dans l’abîme de la perdition, dans l’horreur de notre iniquité et de notre déchéance. Tout ce péché qui nous accable, il le prend sur lui pour nous en libérer.

Cet événement nous apporte un éclairage nouveau sur la différence entre le baptême de Jésus et celui que nous avons reçu : au jour de son baptême, Jésus a été plongé dans le péché du monde ; il l’a entièrement pris sur lui pour nous en libérer. Pour nous chrétiens, c’est le contraire : nous avons été immergés dans cet immense océan d’amour qui est en Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Nous sommes devenus un avec Dieu. Le baptême chrétien nous donne le Christ pour passer avec lui de la mort à la vie, du péché à la sainteté, de l’angoisse à l’amour.

C’est aussi à chacun de nous que la voix du Père se fait entendre : « Tu es mon enfant bien aimé » (Lc 3,22). Voilà une parole que nous devons nous répéter inlassablement : nous sommes tous les enfants bien-aimés du Père. Il nous aime tous tels que nous sommes. Désormais, plus rien ne peut être comme avant dans notre vie ; nous retrouvons une assurance nouvelle, une nouvelle manière de nous tenir debout et d’exister. Aujourd’hui, nous commémorons notre propre baptême et nous sommes appelés à raviver notre volonté de pratiquer « la justice et la piété » (Tt 2,12) afin de vivre selon la sainteté que nous recevons de Dieu.

C’est aussi une responsabilité : au jour de notre baptême, nous sommes entrés dans une grande famille qui s’appelle l’Église ; l’autre est aussi enfant de Dieu, tout comme moi ; et je dois en tenir compte dans mes rapports avec lui. C’est un appel à réagir contre la violence, contre la misère et contre tout ce qui dégrade l’homme. Il reste beaucoup à faire pour instaurer le règne du Christ dans nos villages, nos quartiers, nos lieux de travail et de loisir. Nous sommes tous envoyés pour construire un règne de paix et de justice, un règne de vérité et d’amour. Et que chacun puisse s’entendre dire : « Tu es mon enfant bien-aimé. Tu fais toute ma joie » (Lc 3,22).