C PÂQUES 01 JEAN 20, 01-09 (10)

Chimay :17.04.2002

 

Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, nous célébrons avec tous les chrétiens la résurrection du Christ. Il s’agit de sa victoire sur la mort et le péché. Cet événement s’est produit sans que personne ne puisse le voir ni le décrire. Du plus grand mystère de l’histoire, il n’y a pas de témoins directs, ni de caméras cachées pour nous le faire voir.

Après la mort de Jésus, deux hommes s’étaient occupés de son corps : Joseph d’Arimathie et Nicodème : « Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate d’enlever le corps de Jésus, et Pilate le permit. Il vint donc et enleva son corps. Nicodème, qui précédemment était venu vers lui de nuit, vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes avec les aromates, selon la manière d’ensevelir en usage chez les Juifs. Or, au lieu où il avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne n’avait encore été mis. C’est là, le sépulcre étant proche, qu’ils mirent Jésus » (Jn 19,38-42).

Pendant ce temps-là, les apôtres s’étaient cachés. Ils avaient peur d’être poursuivis et mis à mort comme leur Maître. Nous n’avons pas à les juger. Nous, chrétiens, nous savons bien que dans un monde hostile ou indifférent, nous avons du mal à affirmer notre foi. Devant le Seigneur, nous sommes sans doute invités à reconnaître nos erreurs et nos lâchetés. C’est la raison de la monition pénitentielle au début de la messe : « Préparons-nous à la célébration de l’eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs ».

L’Évangile d’aujourd’hui nous montre que Marie-Madeleine a fait preuve d’un plus grand courage. Elle n’a pas eu peur des menaces qui pesaient sur les disciples de Jésus. De bon matin, elle se rend au tombeau. Mais quand elle y arrive, elle voit qu’il est ouvert et vide. Elle en déduit qu’on a enlevé le corps de Jésus ; elle court prévenir Pierre et Jean ; tous deux arrivent devant le tombeau vide ; ils voient les linges restés sur place et bien rangés ; Pierre est perplexe. Mais pour Jean, c’est différent. Quelques mots disent sa foi : « Il vit et il crut » (Jn 20,8). 

C’est important pour nous aujourd’hui : nous n’aurons jamais d’autre preuve de la résurrection de Jésus que le tombeau vide et le témoignage des disciples qui s’est transmis de génération en génération. Bien sûr, il y a les apparitions du Christ. Les quatre Évangiles nous en donnent le récit. Mais aucune de ces preuves n’est vraiment contraignante. Si nous croyons au Christ ressuscité, c’est parce que nous faisons confiance au témoignage des apôtres et à celui des communautés chrétiennes qui nous ont été transmis de génération en génération.

C’est ce témoignage que nous trouvons dans le livre des Actes des Apôtres aujourd’hui (Ac 10,34-43). Il s’agit d’un discours de Pierre chez un centurion de l’armée romaine. Nous nous rappelons qu’au moment de la Passion, Pierre avait renié son Maître devant de simples domestiques. Or aujourd’hui, il se trouve à Césarée qui est le lieu de résidence de Pilate et de ses légions. C’est là qu’il ose proclamer la Bonne Nouvelle de la résurrection de Jésus. Les mots de son discours sont audacieux : « Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois de la croix, Dieu l’a ressuscité le troisième jour » (Ac 10,39-40). C’est dire que les apôtres, spectateurs désemparés de la mort de Jésus, deviennent désormais pour tous les hommes les témoins convaincus de sa résurrection.

Tout cela se passe chez un centurion de l’armée romaine, donc un païen et un membre de l’armée d’occupation de la Palestine. C’est une manière de dire que le salut offert en Jésus Christ est proposé à tous, même à ceux qui sont très loin de la foi. Dieu n’exclut personne. Quelle que soit sa nation ou sa langue, chacun peut recevoir le salut dans la mesure où il accueille l’Évangile. La Bonne Nouvelle doit être proclamée au monde entier. C’est pour tous que le Christ a donné sa vie sur une croix.

Nous chrétiens d’aujourd’hui, nous avons à rendre compte de nos raisons de croire. Sur notre route, nous rencontrons des jeunes et des moins jeunes qui doutent. Ils ont besoin de notre témoignage. Mais n’oublions pas : pour témoigner de l’espérance qui nous anime, il nous faut puiser à la Source, rencontrer le Seigneur dans la prière, nous nourrir de sa Parole et de son Eucharistie. Ce témoignage que nous avons à donner n’est pas le nôtre mais celui du Christ vivant en nous.

Dans l’épître aux Colossiens (3,1-4), l’apôtre Paul nous recommande d’enlever de nos cœurs le vieux levain, c’est-à-dire tous les ferments mauvais de pourriture. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner le monde, ni passer sa journée à regarder vers le ciel. Il s’agit pour nous de fixer notre regard vers le Christ. C’est un appel à lui manifester chaque jour notre amour. Cette manifestation, nous pourrons la vivre dans la prière, dans les sacrements, dans la charité et dans notre témoignage. Alors, comme saint Paul, nous pourrons dire fièrement : « Pour moi, vivre, c’est le Christ et mourir est un avantage » (Ph 1,21). 

En ce jour de Pâques, de nombreux baptêmes sont célébrés dans la plupart des églises du monde entier. Des enfants, des jeunes et des adultes entrent dans la grande famille des chrétiens. Pour eux aussi, c’est un nouveau départ. Toutes ces personnes qui sont baptisées s’engagent sur la même route que nous. Sur cette route, ce n’est pas toujours facile. Comme nous, ils connaîtront le doute et le découragement. Ils auront besoin de sentir que Jésus ressuscité c’est quelqu’un d’important, qu’il est vraiment la Lumière de notre vie.

Le Seigneur ressuscité ne demande qu’à enlever de nos cœurs la pierre qui nous enferme dans les ténèbres. Il veut que la lumière de Pâques brille dans le monde entier. Si nous voulons que nos communautés chrétiennes soient vivantes, il faut qu’elles soient missionnaires. Le Christ ressuscité compte sur notre témoignage à la place qui est la nôtre. Il désire que nous soyons porteurs de cette Bonne Nouvelle auprès de tous ceux qui nous entourent.

Submergé par la peur, Pierre a renié trois fois le Maître. Au pied de la Croix avec la Vierge Marie, Jean a vécu la mort du Seigneur. L’un et l’autre ont quelques raisons de penser à Jésus au passé. Alors que le Christ a été enseveli, ils pourraient enterrer aussi leur espérance et oublier la joie que Jésus faisait naître en eux. Tourner la page et reprendre le chemin de leur vie, comme feront momentanément les disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35).

Mais lorsque Marie Madeleine les réveille ce matin-là, ce choix n’est plus possible. En un instant, ils retrouvent l’énergie de courir au tombeau. Il y a peut-être l’envie d’y croire encore mais surtout ce besoin de voir ce qui reste de Jésus. Pierre et Jean ne trouvent qu’un linceul et le suaire posé d’une manière bien curieuse. Comment relier le vide de ce tombeau à la présence qui a rempli leur cœur et bouleversé leur vie durant trois ans ? Jean le premier a la lucidité de se rappeler tout ce que Jésus leur avait annoncé : « Il vit et il crut » (Jn 20,8).

La résurrection n’est pas un événement qui concerne Jésus seul. Elle est aussi notre joie de retrouver le Christ après l’épreuve de la mort ou la trahison de nos péchés. Jésus s’est livré pour nous une fois pour toutes. Conformément aux Écritures, le Père l’a ressuscité d’entre les morts. Désormais, la vie du ressuscité commence en chacun de nous. Aujourd’hui, nos églises rayonnent de cette foi. La résurrection bouleverse notre actualité. Vivant, le Christ nous offre un avenir.