C 31 LUC 19,01-10 (15)

Chimay : 30.10.2022

 

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce jour nous invite à tourner notre regard vers l’infinie miséricorde de Dieu envers les pécheurs que nous sommes. Le Seigneur veut nous sortir de cette situation de faiblesse dans laquelle nous nous enfonçons, un peu comme dans des sables mouvants qui nous tirent par le fond. Bien-sûr, avec la grâce de Dieu, nous sommes tous appelés à nous convertir. À la misère des hommes répond la miséricorde de Dieu. Cette bonne nouvelle est aujourd’hui pour nous le point de départ d’une grande espérance.

L’auteur du livre de la Sagesse (11,22-12,2) nous parle précisément de l’infinie miséricorde de Dieu pour chacune de ses créatures : « Tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent » (Sg 11,23). Ce passage du livre de la Sagesse manifeste une vision extrêmement positive de la relation entre Dieu et nous. Le Seigneur ne cesse de manifester sa patience envers les pécheurs : en fait, il épargne tous les êtres, parce que nous sommes à lui. Il apprécie nos petits progrès quand nous nous engageons sur la bonne voie. Le livre de la Sagesse nous pousse à changer notre regard sur nous, sur notre prochain, sur nos ennemis et sur ceux qui nous laissent indifférents. Il nous invite à regarder tout le monde avec le regard de Dieu. Dieu aime tout ce qui existe ; il n’a « aucune répulsion envers ses œuvres ». La vraie conversion nous amène à regarder l’autre avec le regard même de Dieu, un regard plein d’amour. Ainsi se prépare la révélation qui éclate dans le Nouveau Testament : « Dieu est Amour » (1 Jn 4,8). Malheureusement, nous vivons dans un monde où beaucoup n’ont rien compris. Toutes ces violences et ces massacres commis au nom d’une religion ne sont pas compatibles avec l’existence du vrai Dieu. Le vrai Dieu est amour, compréhension et miséricorde. Il est du côté des petits, des pauvres, des exclus et de tous ceux que l’on fait souffrir. Il envoie son Fils Jésus pour chercher et sauver ceux qui vont à leur perte. Il donne à chacun la possibilité de se convertir et de se reprendre lorsqu’il tombe. C’est de cet esprit que nous avons à témoigner par nos paroles et par toute notre vie.

Dans sa lettre aux Thessaloniciens (2 Th 1,11-2,2), l’apôtre Paul nous invite à centrer toute notre vie sur le Christ, afin qu’« il nous trouve dignes de l’appel qu’il nous a adressé ». C’est par lui et avec lui que nous pouvons progresser sur le chemin de la sainteté. Quand on l’a vraiment accueilli, notre rencontre avec lui ne peut que transformer notre vie. Il est là, « au cœur de nos vies » et il nous recommande de veiller dans l’attente de son retour. Bien plus, « par sa puissance il nous donne d’accomplir tout le bien que nous désirons » (1Th 1,11).

L’événement qui nous est rapporté dans l’évangile de ce jour est bien connu de tous, y compris dans les groupes d’enfants du catéchisme.  Cela se passe à Jéricho, une ville païenne, une ville de pécheurs, la ville la plus basse du monde, située à environ 250 mètres en dessous du niveau de la mer. Chaque fois que Jésus y entre, c’est pour en faire sortir quelqu’un, pour le faire émerger du péché et le ramener à Dieu (la prostituée Rahab, Bartimée, Zachée ; deux aveugles y sont guéris). Aujourd’hui Jésus s’invite à demeurer chez Zachée, et celui-ci en est tout transformé. « Vite il descendit et reçut Jésus avec joie » (Lc 19,6). Se savoir aimé de Jésus, comme Zachée, qui l’a accueilli avec joie, est une extase au sens littéral, une sortie de soi.

C’est ce qui se passe avec Zachée. Il ne pouvait qu’être détesté par toutes ces pauvres gens accablées par les impôts qu’il fallait payer à l’occupant romain. Il avait la réputation d’être intraitable et de profiter de sa position dominante. De plus en tant que chef des publicains, il était tenu pour responsable du comportement et des violences de ses collaborateurs. Sa position le rangeait dans la catégorie des traîtres, de ceux qu’on méprisait avec des mots grossiers.

Or voilà que cet homme a un ardent désir de voir Jésus, mais sans être vu. Il court au-devant, il monte sur un sycomore – parce que de petite taille – pour voir Jésus qui devait passer par là sans être vu. À partir de ce moment, tout va se passer bien au-delà de ce qu’il avait prévu : Jésus lève les yeux et le voit. Leurs regards se rencontrent, Zachée est touché en plein cœur. Lui qui voulait simplement voir est vu. Et Jésus s’invite dans sa maison ; cette décision provoque des remous. Les « bien-pensants » estiment que Jésus aurait mieux fait d’aller dans une bonne famille. Au lieu de cela, il va chez un voleur notoire. Pour eux, c’est un scandale injustifiable. En ne voyant que le passé de Zachée, ils ne lui laissent aucune chance. Jésus devient aussi pire que ceux qu’il fréquente. Qui se ressemble s’assemble.

Acrobate malgré lui, champion d’accrobranche, clown du bon Dieu, qui est Zachée ? Nous aimons fantasmer sur ses qualités... et ses défauts. Tant il nous semble proche, incapable de défier par sa petite taille les mannequins renommés, mais pas plus saints que les vertueux. Il est à portée de nos vies en clair-obscur. Et nous retrouvons en lui une part de notre enfance qui grimpait aux arbres. Mais que cherche Zachée, qui ne craint pas le ridicule sur son arbre perché tout comme le corbeau de Lafontaine ? Est-il seulement curieux ? Souhaite-t-il devenir meilleur ? Seul le Christ pourrait répondre à nos questions, lui qui connaît son nom et l’enjoint de descendre, de regagner le sol ferme. Car le Fils de l’homme est descendu de son ciel pour signifier aux hommes que le paradis commence ici-bas.

Zachée est tout surpris de voir, pour la première fois, quelqu’un de bien qui fait attention à lui. Il n’est donc pas un homme perdu, il vaut quelque chose devant Dieu. Zachée en est tout retourné. Lui aussi veut aimer et partager comme Jésus. Il est « fils d’Abraham », dit Jésus, c’est-à-dire de la race de ceux qui entendent les appels de Dieu dans leur vie et y répondent avec foi. Faire don aux pauvres de la moitié de sa fortune, rétablir l’injustice, les déclarations de Zachée donnent le ton du Royaume de Dieu descendu sur terre. D’avare, le publicain devient un homme de partage, généreux, soucieux de justice. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20), pourrait-il dire.

Nous aussi, nous pouvons être comme cette foule de Jéricho. Nous vivons dans une société qui n’a que mépris pour les gens de mauvaise réputation. Et le Seigneur nous dit qu’il est venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus (Lc 19,10). Le salut de Dieu est offert à tous, y compris aux voleurs, aux bandits, aux gens de mauvaise vie, aux illuminés, et à nous. Chaque personne « a du prix » aux yeux de Dieu. Cela doit changer notre regard sur elles. Le chemin pour parvenir à ce changement de regard, c’est la prière. À Lourdes, la Vierge Marie conseille à Bernadette et à chacun de nous : « Priez pour les pécheurs ».

Frères et sœurs, le même Christ s’invite aujourd’hui chez nous ; il vient nous fait descendre de notre arbre. Il rejoint notre assemblée pour nous dire tout l’amour de Dieu pour nous, pauvres pécheurs. En serons-nous transformés ? Il suffit que nous nous empressions d’accueillir le Christ qui frappe à notre porte (Ap 3,20) pour faire de nous des maisons de Dieu. Que notre rendez-vous à la messe et à l’adoration nous transforme comme il a transformé le publicain de Jéricho.