C 32 LUC 20,27-38 (14)

Chimay : 06.11.2022

Frères et sœurs, il est heureux que les textes bibliques de ce dimanche nous parlent de la résurrection. Ces jours-ci, nous nous sommes rendus au cimetière pour un temps de recueillement et de prière. Beaucoup ont demandé que des messes soient célébrées pour ceux et celles qui nous ont précédés. Nous les confions tous à la miséricorde du Seigneur. Et bien sûr, nous n’oublions pas les victimes des guerres, de la violence et des catastrophes. Ce qui motive notre prière, c’est notre foi en la résurrection. La foi en la résurrection des morts se fonde sur la certitude que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. C’est précisément cette bonne nouvelle que nous trouvons dans les textes bibliques de ce jour.

Le livre des Martyrs d’Israël (2 M 7,1-14) nous donne un témoignage extraordinaire : cela se passe à une époque dramatique de l’histoire d’Israël ; les empereurs grecs veulent imposer leur civilisation, leur culture et leur religion ; ils rencontrent une farouche résistance en Israël. Aujourd’hui, nous entendons l’histoire de cette mère et de ses sept fils qui sont torturés et mis à mort de la manière la plus cruelle. Le roi et sa suite furent frappés de leur grandeur d’âme. En acceptant cette mort, les sept frères et leur mère témoignent de leur foi en la résurrection. Ils comprennent que Dieu ne peut pas abandonner les justes qui lui sont fidèles. Les hommes capables de donner leur vie sont les seuls à pouvoir croire à la résurrection. La mort pourrait-elle séparer de Dieu ceux qui l’ont acceptée ici-bas pour ne pas se séparer de lui ?

En écoutant ce récit, nous pensons à tous les chrétiens d’aujourd’hui qui sont persécutés à cause de leur foi. Nous en avons de nombreux témoignages dans le monde entier mais aussi chez nous jusque dans nos églises. Leur fidélité nous interpelle : qu’avons-nous fait de notre baptême ? Arrêtons de nous installer dans l’indifférence. Nous vivons dans un monde qui veut ignorer la foi des chrétiens ou qui la tourne en dérision. C’est là que nous sommes envoyés pour être les messagers de la bonne nouvelle du Christ.

L’apôtre Paul (2 Th 2,16-3,5) a lui aussi été confronté à des « gens pervers » qui ne partageaient pas sa foi. Son message d’aujourd’hui est écrit pour des chrétiens persécutés. Il les invite à se laisser réconforter par le Seigneur Jésus lui-même. C’est auprès du Seigneur que les chrétiens persécutés trouvent la force et l’espérance dont ils ont besoin pour rester fermes dans la foi.

Ce serait bien plus facile, au fond, si les illuminés de Thessalonique avaient raison, car il est des jours où la vie chrétienne est pesante par l’écartèlement qu’elle exige : être du monde, participer à sa construction, lutter pour l’avènement de la justice et de la fraternité ; et, dans le même temps, refuser l’esprit du monde, ne pas accepter que tous les moyens soient bons (avortement, eugénisme, euthanasie), attendre de Dieu seul la pleine justice et la véritable fraternité.

L’Évangile de ce dimanche nous montre Jésus face à des sadducéens qui ne croient pas en la résurrection des morts. Ils nient toute forme de vie après la mort. Ils refusent la résurrection, plus motivés par la politique que par la religion. Ils vont même jusqu’à la tourner en dérision. Pour mettre Jésus dans l’embarras, ils lui soumettent un cas absurde : une femme a eu sept maris, tous frères entre eux et qui sont morts l’un après l’autre. Et voici la question : « À la résurrection, cette femme, de qui sera-t-elle l’épouse ? » (Lc 20,33).

Les objections des sadducéens procèdent à la fois d’une conception très matérielle de la résurrection et d’un manque de foi en la puissance de Dieu. Conception matérielle de la résurrection, quand on se représente la vie nouvelle comme une continuation pure et simple de ses activités. Manque de foi en la puissance de Dieu, dont l’amour nous serait promis tout au plus pour les quelques années de notre existence terrestre, et dont l’amitié nouée avec les hommes se réduirait à une inscription gravée sur un monument aux morts : il a bien vécu.

La réponse de Jésus est double ; tout d’abord, il leur dit que dans l’au-delà, les relations conjugales et la génération humaine sont dépassées. Il n’est plus question de concevoir la vie future de manière terrestre et matérielle ; c’est ce que nous lisons dans l’évangile de ce jour : « Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection » (Lc 20,34-36).

Puis vient l’argument en faveur de la résurrection. Pour cela Jésus s’appuie sur la révélation de Dieu à Moïse : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob n’est pas le Dieu des morts mais des vivants » (Lc 20,37-38 ; Ex 3,6). À la suite de ces patriarches et de bien d’autres croyants, nous sommes tous appelés à une vie nouvelle que Jésus appelle le Royaume de Dieu. Ce monde nouveau n’est pas la continuation de celui dans lequel nous vivons actuellement. Il est tout autre quoique mystérieux. C’est de cela que nous devons nous rappeler chaque fois que nous nous rassemblons à l’église pour des funérailles et aussi chaque fois que nous évoquons le souvenir de nos défunts.

Qui n’a été, un jour ou l’autre, confronté à la question de l’après la vie ? Si les enfants la posent avec innocence, les sadducéens, eux, manifestent de la mauvaise foi, et cherchent à déstabiliser le Christ : « Là-haut, les gens seraient polygames ? » suggèrent-ils, moqueurs. Or, Jésus les recentre sur l’essentiel. Peu importent les modalités de la vie céleste, angélique, là où la loi des générations n’a plus lieu d’être, il vous revient seulement, chers sadducéens, d’accueillir la promesse de la résurrection. Car notre Seigneur « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » : Abraham, Isaac, Jacob, saint Paul, saint Augustin, les moines de Tibhirine, saint Jean-Paul ii... Admettons, mais que restera-t-il de nos vies terrestres ? Ici-bas, cœur et corps sont intimement liés, comme l’écrivait la vénérable Madeleine Delbrêl dans un discours imaginaire : « Les airs de ta figure sont les crispations de ton cœur. Aime : ainsi ton visage sera repassé comme un beau tablier propre ». Au fond, la beauté d’un regard n’est-il pas davantage dans l’amour offert, que dans le botox injecté ? Pensons à ces sublimes paroles de Paul : « Si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante... L’amour ne passera jamais » (1 Co 13,1.8). Pour le reste, notre imagination ne peut que s’effacer devant le mystère. En attendant, aimons plus que tout.

Ce trésor de la résurrection, nous ne pouvons pas (nous ne devons pas) le garder pour nous. Il nous faut le transmettre, le crier au monde entier. Au-delà de la mort, nous serons vivants en Dieu. Cette espérance doit nourrir notre prière, surtout en ce mois qui est consacré à la prière pour les défunts. N’oublions jamais le Dieu des vivants. Il nous appelle tous à partager sa vie dès maintenant.

Que la Vierge Marie, Reine du ciel et de la terre, nous confirme dans l’espérance de la résurrection. Qu’elle nous aide à faire fructifier par de bonnes œuvres la Parole de son Fils semée en nos cœurs. « Que le Seigneur conduise nos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ » (2 Th 3,5).