A SAINTE MARIE, MERE DE DIEU LUC 02,16-21 (11)

Chimay : 01.01.2023

Frères et sœurs, nous regardons aujourd’hui Marie, Mère de Dieu, Mère de l’Église et Mère de l’espérance. Marie a traversé plus d’une nuit dans son chemin de mère. Dès sa première apparition dans les Évangiles, sa figure se détache comme si elle était le personnage d’un drame. Était-ce facile de répondre par un « oui » à l’invitation de l’ange Gabriel ? Et pourtant, femme encore dans la fleur de la jeunesse, elle répond « oui », alors qu’elle ne savait rien de la destinée qui l’attendait. À cet instant, Marie nous apparaît comme une des nombreuses mères de notre monde, courageuses jusqu’à l’extrême, quand il s’agit d’accueillir en leur sein, l’histoire d’un nouvel homme à mettre au monde. Ce « oui » est le premier pas d’une longue liste d’obéissances – qui accompagneront son itinéraire de Mère de Dieu. Ainsi Marie apparaît dans les Évangiles comme une femme qui, souvent, ne comprend pas tout ce qui se passe autour d’elle, mais « qui médite chaque parole et chaque événement dans son cœur » (Lc 2,19).

Dans cette disposition, nous découvrons un très bel aspect de la psychologie de Marie : ce n’est pas une femme qui déprime devant les incertitudes de la vie, surtout quand rien ne semble aller dans la bonne direction : la fuite en Égypte après la naissance de l’enfant, sa perte lors d’un pèlerinage à Jérusalem, des échos comme quoi son fils est devenu fou, son arrestation et sa condamnation, sa mort sur la Croix. C’est en revanche une femme qui écoute. Marie accueille l’existence telle qu’elle se présente à elle : « Qu’il me soit fait selon ta Parole » (Lc 1,38), jusqu’à la l’instant suprême, quand son Fils est cloué au bois de la croix.

Jusqu’à ce jour-là, Marie avait quasiment disparu de la trame des Évangiles : mais elle réapparaît justement au moment crucial : quand une bonne partie des amis se sont enfuis à cause de la peur. Les mères ne trahissent pas et, à cet instant, au pied de la croix, personne ne peut dire quelle fut la passion la plus cruelle : celle d’un homme innocent qui meurt sur le gibet de la croix, ou l’agonie d’une mère qui accompagne les derniers instants de la vie de son fils.

Les Évangiles sont laconiques et extrêmement discrets. Ils notent avec un simple verbe la présence de sa Mère : « Près de la croix de Jésus, se tenait sa mère » (Jn 19,25).  Ils ne disent rien de sa réaction : si elle pleurait, si elle ne pleurait pas… rien ; pas même un mot pour décrire sa douleur : sur ces détails, l’imagination des poètes et des peintres se précipitera, nous offrant des images qui sont entrées dans l’histoire de l’art, de la littérature et de la piété : Notre Dame des Sept Douleurs. Mais les Évangiles disent seulement : elle « se tenait ». Elle se tenait là, au moment le pire, au moment le plus cruel et elle souffrait avec son fils. Mère de la Compassion.

La revoilà, la jeune femme de Nazareth, les cheveux désormais grisonnants à cause des années passées, encore aux prises avec un Dieu dont la volonté doit être embrassée, et avec une vie qui est parvenue au seuil de l’obscurité la plus dense. Marie est là, fidèlement présente, chaque fois qu’il faut tenir une bougie allumée dans un lieu de brume et de nuages. Elle non plus ne connaît pas le destin de résurrection que son fils était à ce moment-là en train de nous ouvrir ; elle est là par fidélité au plan de Dieu dont elle s’est proclamée la servante, mais aussi à cause de son instinct de mère qui souffre simplement, chaque fois qu’il y a un fils qui traverse une passion.

Nous la retrouverons aux premiers jours de l’Église, Mère de l’espérance, Notre Dame de Pentecôte, au milieu de cette communauté de disciples si fragiles : l’un avait renié, beaucoup s’étaient enfuis, tous avaient eu peur ; mais « tous d’un même cœur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1,14). Marie se tenait simplement là, de la manière la plus normale, comme si c’était quelque chose de tout à fait naturel : dans la première Église enveloppée de la lumière de la résurrection, mais aussi des tremblements des premiers pas qu’elle devait effectuer dans le monde.

C’est pourquoi nous l’aimons tous comme notre Mère. Nous ne sommes pas orphelins : nous avons une Mère au ciel, qui est la Sainte Mère de Dieu. Parce qu’elle nous enseigne la vertu de l’attente, même quand tout semble privé de sens : elle a toujours confiance dans le mystère de Dieu, même quand il semble s’éclipser à cause du mal dans le monde. Dans les moments de difficulté, puisse Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, toujours soutenir nos pas, puisse-t-elle toujours dire à notre cœur : « Lève-toi, regarde devant, regarde l’horizon ! » parce qu’elle est Mère de l’espérance.

Avant Vatican ii, on fêtait aujourd’hui la circoncision de notre Seigneur. Mais le nouveau Missel romain de 1970 a restitué au 1er janvier la fête fort ancienne de Sainte Marie, Mère de Dieu. Sans parler de la proclamation par Paul vi, le 1er janvier 1967, de la Journée mondiale de la paix. En ce premier jour de l’année, l’Église fête la Théotokos, ce qui signifie littéralement celle qui a engendré Dieu. « La contemplation du mystère de la naissance du Sauveur a conduit le peuple chrétien à se tourner vers la Vierge sainte, non seulement en tant que Mère de Jésus mais aussi à la reconnaître Mère de Dieu » (Jean-Paul ii). Si dans la foi ; nous confessons que l’enfant de la crèche est le Fils de Dieu, alors nous reconnaissons en Marie la Mère de Dieu ! Combien avait-elle raison en annonçant : « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1,48) ?

Les chrétiens seraient-ils nombreux à se rendre à l’église le premier de l’an si celui-ci n’était pas un dimanche ? Bien peu doivent alors penser à célébrer Marie. Et pourtant l’Église a choisi l’octave de Noël pour honorer la maternité divine de Marie bien avant que cette journée ne marque le début de l’année civile. Ce qui compte en ce jour, c’est de se rappeler que Jésus est « né d’une femme » (Ga 4,4), et que cette femme est Marie, la Vierge de Nazareth, choisie par Dieu. C’est par l’œuvre de l’Esprit Saint que Marie est devenue enceinte, c’est par la volonté de Dieu qu’elle a donné naissance à celui que Dieu seul pouvait donner à l’humanité. Le Très-Haut s’est fait le Très-Bas, l’infini s’est fait fini, l’éternel s’est fait temporel, le fort s’est fait faible, l’immortel s’est fait mortel et le Verbe s’est fait chair : et cela, dans le sein de Marie.

L’Esprit Saint s’est emparé de Marie et a transformé sa maternité humaine en une maternité divine : le fruit béni du sein de cette femme est Jésus. Aussi, ne manquons pas de rendre grâce au Seigneur et d’invoquer, au seuil de cette nouvelle année, l’intercession de la Mère de Dieu : « Marie, douce Marie, Tendresse du Père, Merveille de sa grâce, Porte du ciel qui mène au Christ, Marie, modèle des croyants, Refuge des pauvres pécheurs, Reine des anges, Marie mère de Dieu et mère de tous les hommes, prie pour nous et avec nous ».

« Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse ! » (Ps 66) ; qu’il daigne se pencher vers nous pour nous apporter la paix.