Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12

L’Évangile de Matthieu est d’une extrême sobriété au sujet de la naissance de Jésus. Dans son premier chapitre, il trace tout d’abord l’arbre généalogique de Joseph et donc aussi de Marie, puisqu’ils appartenaient évidemment à la même tribu et à la même famille élargie. Puis vient le récit de l’apparition de l’ange Gabriel à Joseph lui disant de ne pas hésiter à prendre Marie pour épouse. Ensuite, dès le chapitre suivant, le deuxième, Jésus est « découvert » par les Mages venus d’Orient, qui lui offrent des présents royaux avant de retourner chez eux.

De ces personnages, l’Évangile ne dit rien d’autre ; aussi, la piété populaire n’a cessé au cours des siècles de broder et d’ajouter des détails à leur sujet.

Essayons de voir ce qui est l’essentiel de ce récit de l’Évangéliste Matthieu. Au coeur du récit il y a l’enfant, avec Marie sa mère. Les deux sont inséparables, par le sang aussi bien que par la mission. Joseph n’est même pas mentionné ; son rôle tout humble et sa propre mission ont été décrits au chapitre précédent. Il a la garde et la charge de l’enfant et de la mère, rien de plus. Cet enfant, qui est le Messie que des générations attendaient, il n’est pas reconnu par les chefs des prêtres et les scribes du peuple qui l’attendait. Le roi Hérode, qui exerce le pouvoir civil de l’oppresseur, veut tuer cet enfant qui risque de lui faire ombrage si les élucubrations des mages avaient un fondement. Cet enfant, les mages, sans noms et venus de pays lointains, l’adorent puis repartent chez eux. Ils ne sont pourtant pas naïfs, car ils sont capables de percevoir la ruse d’Hérode et évitent de tomber dans son piège.

 

Les Mages demeurent un modèle pour les chercheurs d’aujourd’hui, comme pour ceux de tous les temps. Des chercheurs qui ne s’amusent pas à essayer d’inventer des signes et des symboles, mais qui savent reconnaître la valeur symbolique des choses ordinaires. Des chercheurs assez fous pour abandonner la sécurité et le confort de leurs pays et de leurs palais, pour suivre une étoile sans doute pas tellement différente de toutes les autres.

 

Ils ne cherchent pas un signe ; ils cherchent quelqu’un. Quand le signe est visible ils le suivent. Lorsque le signe disparaît, ils s’informent d’une autre manière. Et lorsqu’ils arrivent au but, le signe n’a plus d’importance. À aucun moment ils n’adorent l’étoile. Lorsqu’ils la voient ils éprouvent une grande joie. Lorsqu’elle s’arrête au-dessus d’une maison ils y entrent. Et que trouvent-ils ? Une réalité aussi humble et ordinaire que possible : un enfant et sa mère. Et que font-ils ? Ils s’agenouillent et adorent. Le récit de Matthieu semble prendre ainsi plaisir à souligner le contraste entre le caractère tout à fait extraordinaire du signe qui les a conduits à leur but et le caractère tout ordinaire de la réalité qu’ils découvrent et adorent.

 

L’aspiration à la rencontre de Dieu a été placée par le Créateur au coeur de tout être humain. Les religions peuvent servir d’étoiles, rien de plus. Elles n’ont certes pas toutes la même valeur ; mais aucune ne peut être objet de culte et d’adoration. Seul peut être adoré le Dieu qui s’est fait petit enfant pour devenir l’un de nous et nous assumer tous. Vers lui convergent, à travers les âges, des peuples venant de tous les horizons, conduits par des milliards d’étoiles différentes.

 

C’est cet aspect du mystère de l’Incarnation que nous célébrons aujourd’hui.

 

La dernière phrase de ce récit est mystérieuse et comporte sans doute de nombreuses significations qu’on n’aura jamais fini de découvrir. « Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Le songe, dans la Bible, n’est jamais un simple rêve. C’est une expérience spirituelle à travers laquelle quelqu’un découvre la volonté de Dieu sur lui en entrant profondément en lui-même. De même que ce n’est pas en lisant les écrits juifs mais en contemplant le ciel étoilé que les Mages avaient appris la naissance du Sauveur ; de même c’est à travers une expérience d’intériorité qu’ils perçoivent la fausseté d’Hérode et poursuivront désormais leur route sans se préoccuper de l’Israël ancien, retournant dans leurs propres pays, leurs propres cultures et leurs propres expériences spirituelles, porteurs de la découverte personnelle qu’ils ont faite du Salut apporté par Dieu à toutes les nations.

 

Ces Mages n’étaient pas des membres d’une secte religieuse lancés dans une recherche spirituelle. C’étaient simplement des humains, intéressés aux mystères de la nature, intéressés surtout à la nature humaine ; qui, dans leurs observations des astres, avaient cru percevoir la naissance d’un nouveau roi dans un tout petit peuple, le peuple juif. Ils ne cherchent pas le Messie, dont ils ne savent sans doute rien. Ils cherchent tout simplement un roi nouveau-né. Lorsqu’ils le trouvent, ils lui présentent leurs hommages et repartent. Ce fut sans doute leur unique contact avec Jésus. Ils ne sont pas devenus ses disciples. C’étaient des hommes droits, honnêtes et sincères. Le salut est pour de telles personnes.

 

Pour entrer en dialogue avec nous Dieu n’a pas attendu que nous soyons à la hauteur de la situation. Il nous a envoyé son Fils, son Verbe, sa Parole, alors que nous étions pécheurs. De même il nous demande d’aller vers toute personne de notre entourage, qu’elle vienne à nous ou non, qu’elle nous soit sympathique ou non, qu’elle ait les mêmes idées ou non. Il nous demande aussi de respecter tout être humain – tout simplement parce qu’il est humain – qu’il ait une appartenance religieuse différente de la nôtre, ou même qu’il n’en ait pas du tout, et quels que puissent être les crimes qu’il peut avoir commis ou dont il a pu être accusé.

 

Avant d’être croyants ou athées ; orthodoxes, catholiques ou protestants ; chrétiens ou musulmans, sunnites ou shiites ; chinois, japonais ou occidentaux ; les hommes et les femmes sont tout d’abord des « humains » créés à l’image de Dieu et également dignes du plus profond respect. C’est ce que Dieu a voulu nous enseigner en se faisant l’un de nous.