22 novembre 2020 - Fête du Christ Roi

Éz 34,11-12.15-17 ; 1 Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46

Homélie

          Nous célébrons aujourd’hui la Fête du Christ sous le titre de « Roi de l’univers » alors que notre univers est soumis à un dérèglement climatique engendré par l’homme qui s’était instauré lui-même maître de l’univers, et que toute l’humanité est secouée par une pandémie qui doit son origine à ce dérèglement climatique qui a brisé l’équilibre entre le monde des animaux sauvages et celui des humains.

 

          Le récit de la création dans le Livre de la Genèse nous montre le créateur confiant à l’homme l’ensemble de la création.  De cette création nous en avons donc tous, collectivement, la responsabilité. Si le Christ, qui se donne dans l’Évangile le titre de « fils de l’homme », est déclaré « Roi de l’univers », c’est-à-dire non seulement roi des humains mais roi de l’ensemble de la nature créée, il est clair que c’est à travers nous, à travers chacun de nous, qu’il entend exercer cette royauté.

          À première vue, toutefois, il est surprenant que nous célébrions Jésus comme roi, alors qu’il a toujours refusé ce titre. Ne s’est-il pas enfui lorsque la foule, un jour, voulut le couronner roi ?  Et lorsque Pilate, durant son procès, lui demanda : « Alors, tu es bien le roi des Juifs ? », il répondit simplement : « C’est toi qui le dit ». Et, sur la croix, au larron qui lui demande de l’accueillir dans son « royaume », il répond simplement « aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis. »

          Et pourtant, dans les paraboles où il nous donne un enseignement sur son père, Jésus désigne souvent celui-ci comme un « roi » ; mais un roi plein de bonté, qui confie la gestion de son royaume à ses serviteurs. Et, dans la prière qu’il nous a donnée comme modèle et que nous appelons le Notre Père, Jésus nous fait demander que le Règne de notre Père arrive.

          Chaque fois que nous nous sentons responsables de l’univers, c’est-à-dire de la qualité de vie de tous nos frères et soeurs en humanité et de la qualité d’existence de l’ensemble de l’univers créé, nous affirmons le Règne du Fils de l’Homme, et donc, d’une façon toute particulière, le Règne du Christ, Fils de l’Homme par excellence, sur cet univers, Lui le Premier né de toute la création.

          Cette royauté sur l’ensemble de l’univers, le Christ la réalise à travers nous tous, non seulement nous les Chrétiens, à qui il en fait une mission par excellence, mais à travers l’ensemble de l’humanité dans laquelle il s’est incarné.

          Et donc, chaque fois que nous, les disciples du Christ, nous disons, en priant le « Notre Père » : « que ton règne arrive » nous nous engageons à le faire arriver. Nous nous engageons à ce qu’il vienne : d’abord en chacune de nos vies, ensuite dans nos familles, nos communautés, nos nations, mais aussi dans les relations entre les nations, et, finalement dans les relations entre les humains et le reste de la création.  Nous nous engageons à faire arriver ce règne dans l’ensemble de la création qui, comme nous le dit saint Paul, « gémit dans les douleurs de l’enfantement » en at tendant la pleine réalisation de ce royaume.

          La Fête liturgique d’aujourd’hui nous rappelle que cette « royauté » n’est pas simple suprématie impersonnelle d’une sorte de divinité abstraite sur des milliards de sujets. Cette royauté s’est incarnée dans la personne de Jésus de Nazareth. Elle s’incarne aussi en tous ceux qu’il a appelés à le suivre et qui ont accepté cet appel de veiller à ce que ce royaume puisse naître, y compris dans les douleurs de l’enfantement, en eux, entre eux et autour d’eux.

          Cette Fête du Christ Roi, est moins que jamais un temps de triomphalisme, même si c’est bien un peu dans cet esprit qu’elle fut instituée au siècle dernier. Nous fêtons le Christ qui peut régner dans nos vies parce qu’il a régné sur la Croix, qu’il en est mort et qu’il est ressuscité, nous ayant transmis sa mission.

Armand Veilleux