17e dimanche ordinaire A

(Mt 13,44-52)

Juillet 2020

Frères et sœurs, pour le troisième dimanche consécutif, Jésus nous parle en paraboles. Après le semeur, après le bon grain et l’ivraie, la graine de moutarde ou encore le levain dans la pâte, voici donc le trésor, la perle et le filet. A chaque fois Jésus nous parle du royaume, de ce à quoi nous pouvons le comparer, pour nous permettre de l’accueillir et de le découvrir dans notre vie.

 

« Le royaume des Cieux – c’est-à-dire la vie avec Dieu, la vie en Dieu - est comparable à un trésor ». Rien que ce mot trésor fait pétiller nos yeux, en tous les cas notre imagination, depuis notre plus tendre enfance. Qui n’a jamais rêvé de découvrir un trésor ? Eh bien ce matin, Jésus nous dit que nous en avons découvert un, et même le plus précieux de tous, celui pour lequel tout peut et doit être vendu. Dans chaque parabole, il y a toujours un inattendu, mais ici la surprise ne porte pas sur la découverte du trésor, mais sur le fait de tout vendre. Ainsi, cette découverte, comme celle de la perle, transforment totalement la vie de ces hommes. Et c’est bien cela qui doit nous interpeller. Est-ce que nous pouvons dire que notre découverte de Dieu, notre rencontre avec le Christ, a bouleversé, de fond en comble, notre vie ? Et je prends certainement la question par le mauvais bout. Il faudrait peut-être dire : Dieu est si grand, si bon ; son salut est si gratuit, que le rencontrer transforme complètement notre vie, et même, surtout, la bouleverse automatiquement. Nous l’avons entendu, ces hommes qui découvrent le trésor ou la perle n’hésitent pas un instant et quel qu’en soit le prix. Ils sont littéralement saisis par la découverte qu’ils ont faite. Jésus ne parle pas de sacrifices, de renoncements, mais de joie ! Le texte nous dit « Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède », mais la traduction exacte serait « A cause de sa joie ». La vente de tous leurs biens n’est pas un héroïsme, mais presque une évidence. Cette désappropriation est un signe pour indiquer la valeur encore plus grande de ce pour quoi ils le font, de ce pour qui nous sommes nous aussi invités à le faire. Tout vendre, tout quitter, pour vivre de ce qui nous dépasse infiniment et en devenir le frêle témoin.

Par ces paraboles, Jésus ne cherche pas à nous mettre l’échelle trop haute, ou à nous faire croire que cela ne concerne que quelques-uns. Cette découverte inouïe est pour chacun d’entre nous. Jésus vient nous encourager, nous stimuler sur notre route en nous rappelant que nous marchons vers du solide, de l’éternel. Il vient peut-être aussi nous rappeler pourquoi nous nous sommes mis en route, pourquoi il nous a fallu quitter, vendre, et nous redire que ça vaut la peine de continuer, et plus exactement, non pas la peine mais la joie.

Alors, face à cette présence de Dieu dans nos vies, nous pourrions parfois nous demander jusqu’où il faut-il aller ? Pour nous, au quotidien, cette vente consiste essentiellement à déplacer notre regard, à le recentrer sur l’essentiel, sur la vie que Dieu veut pour nous. Regarder notre monde et agir avec une autre manière de le voir, comme nous en avons eu l’intuition durant ce temps de confinement où bien des choses perdaient de leur valeur et d’autres en regagnaient.

A la fin de l’évangile, Jésus demande à ses auditeurs : « ‘Avez-vous compris tout cela ?’ Ils lui répondent : ‘Oui’ » (51). Je pense qu’ils ont compris la même chose que nous : le royaume, la suite du Christ, est une marche que nous ne pouvons plus arrêter une fois que nous l’avons commencée, une marche qui ne nous laisse pas indemnes, une marche qu’il faut continuer sans retour possible. Et c’est là que le royaume nous transforme, nous bouleverse, dans ce quotidien, ce pas à pas. C’est là que le Christ nous saisit. C’est là, et seulement là, que la joie est vivante. Il nous faut, il nous faudra régulièrement tout vendre, tout ce que nous aurons de nouveau accumulé, pour revenir à l’unique nécessaire, pour redevenir l’image et la ressemblance de Celui, le seul, qui a vraiment tout vendu sans retour. Car c’est lui, le Christ, « le négociant » qui a « trouvé une perle de grande valeur », et cette perle, c’est nous ! Oui, dans cette parabole, le royaume n’est pas d’abord la perle, mais le négociant. C’est le royaume lui-même qui vend tout pour acquérir la perle. Jésus donne tout à son Père et à nous ; le Père donne tout en nous donnant son Fils et l’Esprit. Dans la parabole du trésor, le royaume est quelque chose qui surpasse tout ; ici, il est une attitude, une action. Il n’est pas une morale, mais une façon d’être, une façon de vivre la relation à l’autre, la façon de Dieu qui se donne totalement, et qui par ce don inouï, nous retourne. C’est parce que nous sommes précieux aux yeux de Dieu, c’est parce que nous sommes aimés de lui, que nous pouvons tout vendre, marcher à sa suite, et vivre de sa joie. En cette eucharistie, demandons la grâce d’entrer dans cette dynamique, de nous laisser transformer par et pour le royaume.