Homélie pour la célébration du 175ème anniversaire

de la fondation de l'Abbaye de Scourmont

 

(1 R 8,55-61 ; Ps 83 ; 1 Co 1,3-9 ; Lc 1,39-45) 

25 juillet 2025

 

Frères et sœurs, chers frères, célébrer le jubilé de notre monastère, c’est rendre grâce pour ce qui a été donné, et surtout, peut-être, c’est demander que cette grâce poursuive son œuvre en nous pour nous conduire plus loin, plus vrais, plus conformes à Celui qui nous a appelés. Célébrer notre jubilé, c’est donc s’engager à vivre plus profondément notre vie monastique, notre vie fraternelle, loin des faux-semblants.

La première lecture peut nous y aider. Salomon déclare que Dieu « a donné à son peuple […] le pays de son repos ». Notre monastère, notre vie monastique et notre communauté, comme lieux de repos, non pour s’assoir ou s’allonger à l’ombre de la mort, mais pour chercher ardemment la vie, désirer notre repos en Dieu seul. Croire, savoir, vivre que c’est en le cherchant, que c’est en perdant notre vie pour lui que nous trouverons la seule vraie paix. Ainsi, en ce jour de jubilé, nous lui demandons de nous accompagner, de nous donner la force et la joie de chaque jour pour progresser sur ce chemin.

Et Salomon, dans la suite du texte, nous rappelle que « Dieu [est] avec nous, comme il a été avec nos pères ». Nos Pères, ce sont les fondateurs partis de Saint-Sixte en Flandre, qui ont supporté de longues premières années difficiles. Nos Pères, ce sont ceux qui les ont suivis, ceux qui ont donné à cette communauté un rayonnement spirituel et intellectuel ainsi qu’une économie prospère et solidaire. Nos Pères, ce sont qui ont été féconds et qui ont traversé mer et continent pour proposer à d’autres la richesse de la vie monastique. Nos Pères, ce sont qui ont courageusement vécu les périodes plus incertaines au point que la vie même de la communauté était en question. Mais Dieu, nous pouvons le dire aujourd’hui, était avec eux, comme il est et sera avec nous. En ce jour, demandons-lui donc de nous aider à être, nous aussi, avec lui, afin de devenir, à notre tour, pères pour ceux qui nous suivront.

Salomon continue : « Qu’il incline nos cœurs vers lui ». Cette prière, Benoît, dès les premiers mots de sa Règle, nous en fait la recommandation et nous devons la réentendre en ce jour. Où est-il notre cœur ? Vers qui, vers quoi s’incline-t-il ? Ayons donc ce désir, ce souci d’incliner vers Dieu notre cœur ; demandons-lui, là encore, son secours ; demandons-lui d’imprimer en nous cette inclination constante.

Incliner nos cœurs « pour que nous suivions tous ses chemins », dit encore Salomon. Oui, aujourd’hui, nous réaffirmons notre volonté de suivre le chemin de Dieu, et nous lui demandons de nous aider à ne pas nous en écarter, ni à droite ni à gauche. Mettre nos pas dans les siens, dans ceux que saint Benoît nous propose, dans ceux qui nous mènerons « tous ensemble à la vie éternelle ». Là encore, nous le savons, c’est un chemin de conversion qui nous attend et sur lequel il nous est demandé de nous attendre les uns les autres ; de nous entendre.

« Alors, dit Salomon, en observant ses décrets et en gardant ses commandements, votre cœur sera tout entier au Seigneur notre Dieu ». « Tout entier », cela nous laisse songeurs, et pourtant c’est bien là le terme du chemin d’aujourd’hui. Ne nous contentons donc pas de la moitié ! Et puisque cela nous semble impossible, implorons une nouvelle fois la miséricorde du Seigneur pour qu’il accomplisse en nous et avec nous son œuvre, sa création.  « C’est lui, nous disait saint Paul dans la deuxième lecture, qui (n)ous fera tenir fermement jusqu’au bout […]. Car Dieu est fidèle, lui qui (n)ous a appelés à vivre en communion avec son Fils ». Confions-nous donc à sa fidélité. Croyons, comme Marie dans l’Evangile, « à l’accomplissement des paroles qui (nous) furent dites de la part du Seigneur. » Invitation pour nous, aujourd’hui, à y puiser la force, le courage, l’amour pour prendre résolument le chemin qui est le nôtre. Invitation à remettre nos vies et celles de nos frères, celle de notre communauté, dans les mains du Seigneur.

Concluons enfin avec les paroles du psalmiste : « Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s'ouvrent dans leur cœur. » Seigneur, nous connaissons notre faiblesse ; nous savons que le chemin est encore long – quel que soit notre âge. Mais aujourd’hui, nous voulons redire que tu es notre force, notre promesse, notre amour, et que c’est dans ce regard vers toi que s’ouvre et s’ouvrira, dans nos cœurs, le chemin pour chaque jour, celui que nous voulons découvrir et recevoir de toi ; celui que nous voulons tous vivre personnellement ; et celui que tu nous apprends à désirer ensemble.

Que cette Eucharistie nous donne d’être davantage fidèles à notre appel et qu’elle nous donne de vivre plus encore en frères qui s’encouragent et se soutiennent, qui s’aiment et se pardonnent.