C 17 LUC 11,01-13 (14)

Chimay : 24.07.2022

 

 

Frères et sœurs, l’évangile de ce dimanche nous parle de Jésus, qui prie seul à l’écart. « Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples ». Et Jésus répond : « Lorsque vous priez, dites : Père » (Lc 11,1). Ce mot est le secret de la prière de Jésus. Il est la clé qu’il nous donne lui-même. Nous allons vers le Père par Jésus, faisant nôtre les mots de sa prière filiale grâce au don de son Esprit. C’est ainsi que nous pourrons, nous aussi, entrer en dialogue confidentiel avec le Père, qui l’a accompagné toute sa vie. Mais allez-vous me dire, prier, ce n’est pas facile ! Et comment le prier ? Réponse de Jésus : Comme des enfants qui s’adressent à leur père avec confiance.

Les demandes que Jésus nous invite à exprimer dans le Notre Père peuvent paraître éloignées de nos désirs immédiats. Mais Dieu sait ce qu’il nous faut pour être heureux. Et l’Esprit Saint est là pour nous aider à grandir. Les premières demandes du Notre Père nous disent que nous devons nous préoccuper du règne de Dieu, de sa gloire et de sa volonté. Nous sommes invités à donner toute sa place à Dieu dans notre vie. Il ne demande qu’à y exercer sa seigneurie d’amour. C’est dans notre vie que la sainteté de Dieu se manifeste. A travers ces demandes, nous exprimons notre reconnaissance au Père qui nous comble de son amour.

Trois autres requêtes viennent compléter cette prière que Jésus nous enseigne. Ces trois requêtes concernent le pain, le pardon et l’aide dans les tentations. Il est vrai qu’on ne peut pas vivre sans pain ; on ne peut pas vivre sans pardon ni sans l’aide de Dieu dans les tentations. Mais saint Cyprien nous dit que le pain le plus essentiel c’est celui de l’Eucharistie. Il souhaite que les chrétiens se nourrissent de ce pain pour être transformés par le Christ. C’est là que nous trouvons la lumière et la force de sa grâce.

Le pardon est avant tout celui que nous recevons de Dieu : il se montre Père quand il libère nos cœurs et nous fait revivre. Nous sommes tous des pécheurs pardonnés par l’infinie miséricorde du Père. Ce pardon nous rend capables de gestes concrets de réconciliation fraternelle. Si nous ne reconnaissons pas que nous sommes pécheurs pardonnés, nous ne pourrons jamais accomplir des gestes de réconciliation fraternelle. C’est en accueillant le pardon de Dieu que nous apprenons à pardonner à nos frères et sœurs.

« Et ne nous laisse pas entrer en tentation… » Nous savons que nous sommes tous exposés aux pièges du mal. Cette tentation c’est celle du désespoir, quand nous pensons que Dieu nous abandonne. Parce que nous n’arrivons pas à nous tirer d’affaire seul. Jésus nous apprend alors à nous tourner vers le Père pour lui demander de nous libérer de ce mal qui cherche à nous détruire : le mensonge, la haine, la calomnie, le rejet, la trahison, les addicts, la famine, la violence, la guerre. La liste est longue tellement de mal peut nous détruire. A ses disciples, Jésus ne propose pas seulement une formule de prière, mais il indique aussi l’orientation que doit prendre leur prière pour imiter la sienne : ainsi, lorsque nous avons à l’esprit la tentation du désespoir qui accompagne l’impression d’être abandonné de Dieu. Le Christ a connu l’une et l’autre à Gethsémani, mais pourrions-nous, sans l’aide de Dieu, en triompher ?

L’enseignement de Jésus se poursuit par deux paraboles. Il prend pour modèle l’attitude d’un ami à l’égard d’un autre ami puis celle d’un père à l’égard de son fils. Nous y trouvons une invitation à avoir confiance en Dieu qui est Père ; il sait mieux que nous-mêmes de quoi nous avons besoin. Mais comme pour Abraham dans le livre de la Genèse, qui intercède pour les pécheurs et n’hésite pas à marchander avec Dieu, comme un véritable commerçant. Ce qu’on peut regretter de la prière d’Abraham, c’est qu’il ne soit pas descendu jusqu’à zéro, puisque le salut est gratuit, don de Dieu. Nous devons lui présenter nos demandes avec audace et insistance. C’est notre façon de participer à l’œuvre de salut.

Comprenons bien : le but n’est pas de convaincre Dieu mais de fortifier notre foi et notre patience. C’est une lutte avec Dieu pour les choses importantes de notre vie. Comme Abraham, nous sommes invités à nous tenir en présence du Seigneur ; la mission des communautés chrétiennes c’est précisément d’intercéder pour ce monde que Dieu aime. La prière que nous adressons pour eux à notre Père nous aide à changer notre regard sur eux. Comme Abraham, nous avons la ferme espérance que le petit reste des fidèles peut sauver la multitude.

Devant le spectacle du péché du monde, on peut baisser les bras, on peut se lamenter sur les malheurs du temps ou pronostiquer le pire pour l’avenir. Ce sont là des attitudes courantes. Abraham, lui, regarde ce qu’il y a de bon et de juste, car il croit que les justes sauveront le monde. Et, de fait, la prière d’Abraham, l’ami de Dieu, n’est-elle pas déjà toute-puissante lorsqu’il intercède pour des pécheurs ?

Demander, chercher, frapper supposent une confiance éperdue en Dieu et la certitude que notre quête peut le réjouir. Car quel plus beau signe de confiance que de demander ! La prière, qu’elle soit exaucée ou non, qu’elle soit inspirée par l’Esprit ou encore centrée sur nous-mêmes, nous attache à Dieu et nous fait avancer dans notre relation à lui. Jésus nous assure qu’elle sera entendue : nous obtiendrons, nous trouverons, une porte s’ouvrira. Une affirmation peut-être difficile à entendre pour qui a vu ses prières rester apparemment sans réponse. Sans oublier que Jésus a lui-même connu l’apparent silence de son Père sur la croix. Quant à la métaphore du père « bon », elle n’est pas évidente et ne correspond pas forcément au vécu de tous. Ce qui nous interroge. Or ce questionnement, aussi douloureux soit-il, a le mérite de nous mettre en route, de nous rappeler l’altérité de Dieu trois fois saint. Dieu que nous ne pouvons pas nous annexer, avec lequel nous ne pouvons pas fusionner.

Il y a, semble-t-il, un don que le Père ne peut nous refuser, celui de l’Esprit Saint. L’Esprit vivifiant qui nous apprend à prier selon le dessein de Dieu, car lui seul a pénétré ses profondeurs (1 Co 2,10). De même, avec le « Notre Père » enseigné par Jésus, sommes-nous sûrs de ne pas nous tromper dans nos demandes, même si elles ne sont pas exaucées dans l’immédiat. Sachant que la sanctification du nom et le Règne, déjà présents, sont encore en attente de leur plein accomplissement.

Dans sa lettre aux Colossiens (2,12-14), saint Paul nous rappelle que nous sommes associés à la victoire du Christ sur la mort et le péché. C’est au nom de cette bonne nouvelle que nous pouvons nous unir à sa prière confiante pour nous et pour le monde entier. Cette prière, nous la faisons passer par Marie. Toute son existence a été entièrement animée par l’Esprit de Jésus. Qu’elle nous apprenne à nous tourner vers notre Père avec confiance et persévérance, et à lui dire :

« Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples » (Lc 11,1).