C 30 LUC 18, 09-14 (19) Chimay : 26.10.2025
Frères et sœurs, en ce mois d’octobre, mois du Rosaire, on nous rappelle souvent le rôle missionnaire de l’Église. Nous, chrétiens baptisés et confirmés, nous sommes tous envoyés en mission. Notre pensée et notre prière vont vers ces prêtres, religieux et laïcs qui ont quitté leur famille et leur pays pour porter l’Évangile sur d’autres continents, souvent au péril de leur vie. Et nous n’oublions pas ceux qui viennent chez nous pour nous évangéliser. Notre mission à tous, c’est d’annoncer la miséricorde. C’est Jésus lui-même qui nous envoie. Pour mieux répondre à cette mission, nous nous mettons à l’école du Seigneur et à l’écoute de la Parole de Dieu.
Le livre de Ben Sira le Sage (Si 35,15b-22a) nous invite à rectifier l’image que nous nous faisons de Dieu. Il vient nous rappeler que “le Seigneur ne fait pas de différence entre les hommes” (Ac 15,9). L’expression “le Seigneur ne fait pas de différence entre les hommes” signifie que Dieu est un juge impartial qui regarde l’attitude du cœur et non les apparences ou les origines sociales. Il aime tous les hommes et offre le salut à tous ceux qui l’invoquent, sans privilégier une race, une classe sociale ou une religion en particulier. Le cœur de l’homme est ce qui importe, et l’amour, le service et la prière sont les qualités que Dieu valorise. Il entend la prière et la plainte du pauvre, de l’opprimé, de la veuve et de l’orphelin. Nous pensons à toutes les victimes des guerres en Ukraine, en Afrique et ailleurs. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à tant de souffrances. Plus tard, Jésus proclamera que l’Évangile, c’est la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres. « La Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres » est une expression clé du message de Jésus, tirée de l’Évangile de Luc (Lc 4,18-19), où Jésus proclame sa mission : libérer les pauvres et apporter un temps de grâce. Ce message est à la fois une promesse de justice divine, une libération face à l’oppression des riches et une restauration de l’ordre des choses brisé par la malédiction. Et il précisera qu’il se reconnaît à travers celui qui a faim, celui qui est sans vêtement, celui qui est étranger ou prisonnier (Mt 25,31-46). À travers eux, c’est lui que nous accueillons ou que nous refusons.
À moment où il écrit sa lettre à Timothée (2 Tm 4,6-18), l’apôtre Paul se trouve lui aussi en situation de détresse. Il est en prison et il sait que bientôt, il va être exécuté. Toute sa vie a été un combat, mais il est resté fidèle jusqu’au bout. Il s’est totalement impliqué dans sa mission qui était d’annoncer l’Évangile aux nations païennes. Il attend maintenant la récompense promise au “serviteur fidèle”, rencontrer le Seigneur et être avec lui dans son Royaume. C’est là son espérance et sa force. Sa prière est entièrement tournée vers Dieu.
L’Évangile est précisément là aujourd’hui pour mettre en valeur la prière du pauvre. Jésus nous raconte une parabole pour faire passer un message de la plus haute importance. Il nous présente un pharisien et un publicain. Tous deux montent au temple pour prier. Ils pratiquent la même religion, mais ils ne sont pas ensemble. L’un priait pour demander à Dieu de reconnaître ses mérites ; l’autre pour obtenir sa miséricorde. Le pharisien présente à Dieu un bilan impressionnant : il n’a commis aucune faute, il jeûne, il fait l’aumône. Tout ce dont il est fier est sans doute vrai. D’ailleurs, ce n’est pas cela que Jésus lui reproche.
Le problème de cet homme c’est son orgueil. Il est convaincu d’être juste mais il n’a que mépris pour les autres. Il ne se contente pas de se donner des coups d’encensoir. II fait en même temps l’examen de conscience du publicain. Il n’a pas compris que pour être exaucé, il nous faut être plein de bonté et de compréhension pour les autres, même s’ils sont pécheurs. Dieu veut le salut de tous les hommes.
Bien à distance, nous avons le publicain. C’est un homme méprisé et même détesté de tous. Il a pactisé avec l’occupant romain. De plus, il a rançonné la population. Il s’avoue pécheur et se reconnaît coupable. Il est au fond du gouffre. La seule chose qu’il peut faire c’est d’implorer le pardon de Dieu à son égard : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis » (Lc 18,13).
En nous racontant cette parabole le Christ vient nous annoncer une Bonne Nouvelle : il nous dit que Dieu est Amour. Et cet amour va jusqu’au pardon. Tout cela nous est offert gratuitement et sans mérite de notre part. Celui qui se croit supérieur aux autres n’a rien compris. Comment pouvons-nous nous adresser à Dieu si nous n’avons que du mépris pour ceux qui sont autour de nous ? Si nous réalisons quelque chose de bien, ce n’est pas dû à nos mérites, mais à l’action du Seigneur en nous. Il attend de nous que nous venions à lui les mains vides pour les remplir de son amour. N’oublions pas qu’il a donné sa vie et versé son sang pour nous et pour la multitude, y compris pour les publicains. Il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus (Lc 19,10). Il compte sur nous pour les aimer et les porter dans notre prière.
S’il y avait un secret, ce serait celui-là : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18,14). Les mots sont ceux de Jésus s’adressant à ses disciples. On ne peut pas être plus clair, ni plus explicite pour décrire cette mystérieuse dynamique à l’œuvre dans la Création, dynamique qui brouille nos repères sociaux et perturbe notre instinct de compétition. Cette réalité est d’une telle centralité que la Bible s’échine à en parler, la divulgue, la répète, la serine, la crie sur tous les toits et à toutes les occasions, la déclare à temps et à contre-temps. Ce secret – le moins gardé du monde – décrit le processus qui permet d’entrer dans le royaume de Dieu en passant par le chas de l’aiguille (Mc 10,24-25). Il raconte à qui veut bien l’entendre que le chemin le plus court pour aller à Dieu passe par le point le plus bas, la situation a priori la moins enviable. L’affirmation selon laquelle le chemin le plus court vers Dieu passe par le point le plus bas est une idée théologique et spirituelle qui suggère que l’humilité, la repentance et l’abaissement de soi sont des étapes clés pour se rapprocher du divin. Cette perspective est souvent liée à la croyance que la voie vers Dieu n’est pas celle des conquêtes terrestres ou du statut social élevé, mais plutôt d’un chemin de vulnérabilité et de dépendance envers Dieu.
Le Dieu de la Bible est le Dieu des exclus, de ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont privés de quelque chose d’essentiel : pauvres, opprimés, orphelins, isolés, abandonnés, ainsi que de tous ceux qui pensent que leur vie n’est pas à la hauteur. Il y a de la place pour beaucoup de situations, et pour toute personne qui consent à se reconnaître dépassée par sa situation. Dieu invite chacun d’entre nous à venir comme nous sommes pour, à partir de là, renouer avec ses bienfaits à notre égard.
En célébrant cette Eucharistie, nous venons nous nourrir de la Parole de Dieu et de son Corps. Le Seigneur se donne à nous pour nous, il vient nous remplir de force pour annoncer l’Évangile. Cette force, c’est la grâce du baptême sans cesse vivifiée par l’Eucharistie. Nous le prions pour que tous les hommes puissent entendre et accueillir cette Bonne Nouvelle qu’il est venu apporter au monde.