C 20 LUC 12, 49-53 (13)
Chimay : 17.08.2025
Frères et sœurs, au premier abord, les lectures bibliques de ce dimanche sont assez déroutantes. C’est une raison suffisante pour les creuser un peu, car lues trop rapidement, nous risquons de mal les interpréter. Pour les comprendre, il faut se rappeler qu’elles nous renvoient à des périodes de persécution. Le prophète Jérémie a beaucoup souffert de la haine de ses adversaires, même dans son village natal, alors qu’il ne faisait qu’annoncer la Parole de Dieu (Jr 38,4-10). On l’a accusé de démoraliser son peuple, alors que le prophète parlait de la part de Dieu. En lui, la Parole était comme un feu que rien ne pouvait arrêter. On a donc cherché à le faire mourir. Car la Parole de Dieu que le prophète Jérémie faisait entendre dérangeait les chefs de l’armée qui cherchaient à le liquider. Comme c’est monnaie courante en bien des pays encore aujourd’hui. Mais par l’intermédiaire d’un étranger (un Éthiopien), Jérémie sera sauvé et retiré de la citerne où il s’enfonçait. C’était un acte de torture.
Aujourd’hui il y a des lois qui empêchent la torture ; c’est comme ça que l’on sait qu’il y en a encore grâce aux dénonciations d’Amnesty International et d’autres organismes semblables. Quand on en est rendu à torturer les autres, on est loin de Dieu. Mais souvenons-nous que le Christ a subi la moquerie et la flagellation de la part des soldats romains. C’était aussi un acte de torture. Il était de la sorte le frère de toutes les personnes qui ont été torturées par les autorités quelconques au cours de l’histoire de l’humanité. Pas nécessaire de dresser la liste de tous les pays où la torture a été manifeste : Russie, Irak, Algérie, Guantanamo, Nicaragua, Honduras, Nigéria et combien d’autres ?
Ce récit de la vie de Jérémie nous renvoie aux mœurs des temps anciens. Mais nous voyons bien qu’aujourd’hui, ce n’est pas mieux. De nombreux chrétiens subissent les pires horreurs à cause de leur foi en Jésus Christ. Mais comme Jérémie et bien d’autres, rien ne peut les détourner de cette foi qui les habite. Ils ont compris que le Christ est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Lui seul a « les paroles de la Vie Éternelle » (Jn 6,68).
La lettre aux Hébreux (Hb 12,1-4) a été adressée elle aussi à des croyants persécutés. Cette lettre leur montre les grands témoins de la foi qu’on trouve tout au long de l’Ancien Testament. Nous sommes portés dans la vie de foi par la foule immense des croyants d’hier et d’aujourd’hui. C’est, nous dit l’auteur de cette lettre, « une foule immense de témoins qui nous entourent » (Hb 12,1). Mais le plus important pour nous, chrétiens, c’est de fixer notre regard sur Jésus « qui est à l’origine et au terme de la foi » (Hb 12,2). Il est le témoin toujours présent, celui qui a dit : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Il nous précède sur le chemin que nous suivons. Avec lui, nous pouvons être sûrs d’arriver au but. Par son obéissance jusqu’à la mort sur une croix, il nous a obtenu la victoire sur toutes les forces du mal. Grâce à Lui, c’est désormais le triomphe de l’amour. Cette Bonne Nouvelle est un message d’espérance pour les chrétiens persécutés de tous les temps. Encore une fois, c’est l’amour qui triomphe. Le mal ne mène à rien sinon à la destruction occasionnelle.
Dans l’Évangile, saint Luc nous parle du feu que Jésus est venu apporter sur la terre. Le message de Jésus n’apporte pas toujours la paix. Il semble créer la division entre les hommes. Mais il ne s’agit pas d’un feu destructeur. C’est que le feu de l’amour a du mal à prendre sur terre. Ce feu, c’est celui de l’amour passionné qui est en Dieu. Quand saint Luc écrit son Évangile, il mesure les conséquences de l’annonce de la Bonne Nouvelle, aussi bien dans le monde juif que dans le monde païen. Depuis le feu de la Pentecôte, cette annonce est comme une flamme qui se répand à toute vitesse. Les conversions se multiplient. Dans le monde juif, elle paraît détruire l’édifice religieux et provoquer la colère contre les chrétiens. Dans le monde païen, elle est considérée comme une contagion déraisonnable. Dans les deux cas, ça se vérifie par les persécutions qui en sont la conséquence.
Cependant l’incendie allumé par le feu de la Pentecôte est tel que ceux qui deviennent disciples du Christ sont rejetés même par les membres de leur famille. « Chacun a pour ennemi les gens de sa maison ». C’est toujours vrai aujourd’hui. Des gens qui se convertissent au Christ sont obligés de fuir loin de chez eux. En annonçant cela, Jésus parle d’expérience. Lui-même a été rejeté par ses amis d’enfance à Nazareth. On a souvent cherché à le faire mourir. L’annonce du Royaume de Dieu peut nous entraîner à des déchirures douloureuses. Le feu allumé par Jésus conduit ses disciples à des choix radicaux.
Si notre foi se limite à la participation à la messe du dimanche, nous ne prenons pas de gros risques. Il y aura peut-être des moqueries dans certains milieux de travail, de loisir et parfois aussi dans les familles. Mais dans de nombreux pays, ceux qui se convertissent à l’Évangile du Christ sont poursuivis, emprisonnés et mis à mort. Nous en avons tous les jours de très nombreux témoignages. Le Nigéria est le champion compteur dans la persécution des chrétiens de nos jours.
Tous ces hommes, ces femmes et même ces enfants qui sont morts à cause de leur foi au Christ nous interpellent : Qu’avez-vous fait de votre baptême ? Pourquoi restez-vous installés dans la passivité et la facilité ? Vis à vis de Jésus, il n’y a pas de compromis possible : ou bien on se tourne vers lui et on s’efforce de le suivre, ou bien on regarde vers soi-même, vers son seul profit… et alors le feu s’éteint.
Pour remplir sa mission l’Église a besoin de chrétiens vraiment passionnés de cet amour qui est en Dieu. François Mauriac disait : « Si vous êtes un disciple du Christ, beaucoup se réchaufferont à ce feu. Mais les jours où vous ne brûlerez pas d’amour, d’autres mourront de froid ». Certains ouvrages ne résistent pas au feu de l’Esprit, tels ceux construits avec la paille du paraître, le mensonge du pouvoir, l’injustice de l’avoir ; d’autres sont transfigurés parce que bâtis avec ces pierres précieuses que sont la prière, l’amour, la bienveillance, le partage. Mais le feu de l’Esprit est aussi le feu qui illumine, éveille le désir, rend le cœur brûlant à l’écoute de la Parole de Dieu et permet de la mettre en pratique dans l’amour de Dieu et du prochain. Alors oui, laissons ici-bas nos cœurs s’embraser de cet amour qui est en Dieu pour le communiquer à tous ceux qui nous entourent.