Homélies du Père Gérard Joyau

15e dimanche du Temps ordinaire – année C

Abbaye de Scourmont 13 juillet 2025

Dt 30, 10-14 – Ps 68, 14, 17, 30-31, 33-34, 36ab.37

Col 1, 15-20 – Lc 10, 25-37

« Fais de même »

« Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » « Va, et toi aussi, fais de même. » Tout l’évangile de ce jour est compris dans ces deux phrases. « Que dois-je faire ? — Fais de même ! »

1. La loi

La réponse de Jésus à la question « Que dois-je faire ? » se décompose en deux temps. Tout d’abord que dit la Loi ? C’est le docteur de la loi qui donne la réponse. Tous la connaissaient : « Il faut aimer Dieu. » Le commandement se trouve dans le Shema Israel, texte que les juifs récitaient chaque jour. Mais la deuxième partie de la réponse, si elle se trouve aussi dans l’Ancien Testament, était moins courante, et on ne plaçait sûrement pas l’amour du prochain à égalité avec l’amour de Dieu, comme le précise le passage parallèle de saint Matthieu : « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans le ciel (Mt 22, 30). » Nous nous souvenons que saint Benoît place ces deux commandements – amour de Dieu et du prochain – en tête des instruments du bon travail (RB 4, 1,-2), en leur donnant une hiérarchie : d’abord aimer Dieu, ensuite aimer le prochain. Benoît termine l’énumération des instruments de ce chapitre en rappelant que, si nous devons aimer Dieu, c’est que lui d’abord nous aime : « Ne jamais désespérer de la miséricorde, de l’amour de Dieu pour nous. » On pourrait donc dire en schématisant : Dieu nous aime ; aimons-le en retour ; et que cet amour se répande sur notre prochain. Le contenu de la loi est donc bien connu, mais il s’agit aussi de le mettre en pratique : « Fais ainsi et tu vivras. » 

2. Qui est le prochain ?

Aimer son prochain. Bien sûr, tout le monde est d’accord pour aimer ses parents, toute la famille, les amis, mais qui est le « prochain » à aimer ? Jésus aurait pu se lancer dans une énumération, forcément incomplète et critiquable, ou bien dire que le prochain, c’est tout le monde, ce qui est tout de même imprécis. Jésus raconte alors la parabole du Bon Samaritain. Je ne la commente pas : nous connaissons par cœur cette histoire merveilleuse. Je voudrais attirer votre attention sur le dialogue qui la suit.

Jésus demande : « Lequel des trois s’est montré le prochain de l’homme blessé ? Lequel s’est rendu le plus proche, s’est approché de lui ? » Des deux premiers, le prêtre et le lévite, la parabole dit qu’ils passèrent « de l’autre côté », ou, selon une autre traduction « à bonne distance ». Ils ne se sont pas approchés. Le Samaritain, le troisième, s’est approché jusqu’à toucher le corps du blessé pour le soigner. Qui est mon prochain ? – C’est celui dont je m’approche jusqu’à le toucher, même si la race ou la religion pourraient nous séparer. C’est le blessé que je soigne, le désespéré que je console ; le pauvre que je soutiens, l’isolé que je visite ; c’est l’immigré que je reçois, le sans-abri que j’héberge ; c’est le non-croyant à qui je confesse ma foi ; c’est l’égaré à qui je montre le bon chemin.

Et n’oublions pas que ce que le Seigneur nous demande, il l’a lui-même vécu, mis en œuvre pour nous. L’humanité gisait à terre, blessée à mort par son péché. Alors Dieu, dans la personne de son Fils, s’est approché d’elle, comme le bon samaritain, jusqu’à l’épouser pour la sauver. Il nous a montré sa miséricorde. C’est sans doute à cela que fait allusion le « Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » de saint Benoît (RB 4, 74).

« “Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits.” » Le docteur de la Loi répondit : « “Celui qui a fait preuve de pitié envers lui” », celui « qui (littéralement) a fait miséricorde avec lui », qui a agi avec charité à son égard. Avec cette réponse du légiste, nous avons la réponse à la question de Jésus : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » Il faut aimer Dieu et notre prochain, c’est-à-dire tous ceux dont nous nous faisons proches par la miséricorde.

3. Fais de même

Mais l’évangile n’est pas fini. Il reste encore une phrase, celle que j’ai citée au début : « Va, et toi aussi, fais de même ». Elle constitue la réponse exacte à la question du docteur de la Loi : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Il ne sert à rien de savoir ce que contient la Loi, si on ne le met pas en pratique. Nous avons ainsi les deux temps de toute obéissance, en particulier dans la vie monastique, tels qu’ils sont développés dans le prologue de la Règle : « Écoute, ô fils, les préceptes du Maître et tends l’oreille de ton cœur (premier temps) ; et l’instruction du père bienveillant, reçois-la cordialement et mets-la effectivement en pratique (c’est le deuxième temps). » Et, plus, loin : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre » (RB, Prol 33, cit. Mt 7, 24).

Conclusion

Avoir une bonne connaissance de la loi est essentiel, indispensable même, mais ce n’est sans doute pas le plus difficile. Là où nous achoppons le plus souvent, c’est dans la mise en pratique de cette loi. Que faut-il faire pour hériter de la vie éternelle ? Remarquons que rien n’est dit dans ce texte de ce qu’il faut faire pour aimer Dieu. C’est sans doute que l’amour de Dieu est d’abord une affaire de cœur, mais peut-être aussi parce qu’il se manifeste dans l’amour que nous avons pour notre prochain. Et là, la tâche est immense. Heureusement, dit saint Benoît, « en avançant dans la vie monastique et dans la foi – dans toute vie chrétienne –, le cœur se dilate et l’on court sur la voie des commandements de Dieu avec une douceur d’amour inexprimable » (RB, Prol. 49), un amour qui donne la vie à tous


Homélie

SAINT JEAN-BAPTISTE

Scourmont, 24 juin 2025 (2)

Is 49 1-6 - Ps 138 -Ac 13, 22-26 – Lc 1, 57-66.80

Prophète des derniers temps

Le plus grand des prophètes ! Il n’est pas difficile de classer Jean-Baptiste : c’est le plus grand des prophètes. Plus grand qu’Isaïe, Jérémie ou Élie. Plus grand, parce qu’en lui, aboutit l’action de tous les prophètes de l’Ancienne alliance qui annonçaient le Messie : lui, il l’a vu, le Messie ; il l’a reconnu et l’a présenté à ses disciples.

HOMÉLIE POUR LA TOUSSAINT

Scourmont, le 1er novembre 2024 (1993)

Ap 7, 2-4.9-14 – Ps 23

1 Jn 3, 1-3 – Mt 5, 1-12a

Enfants de Dieu sauvés par l’espérance

 

1.- Nous sommes enfants de Dieu

(En quoi cela consiste)

Frères et sœurs, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu. Dieu le Père nous a aimés au point de nous reconnaître, non seulement comme ses créatures, mais aussi comme ses enfants. Cela n’apparaît peut-être pas à l’extérieur de notre existence, mais notre être intérieur, lui, est profondément marqué par cette réalité. Par le baptême, nous sommes devenus fils et filles de Dieu. Il a voulu que nous ayons accès directement auprès de lui et que nous soyons ses héritiers, héritiers avec le Christ de la vie même de Dieu, qui est essentiellement une vie d’amour.

Troisième dimanche de Pâques

année C

Scourmont, 4 mai 2025

Ac 5, 27b-32.40b-41 ;
Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13 ;
Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19

Jésus, le Messie, et ses disciples

Jésus vient pour la troisième fois rencontrer ses disciples après sa mort sur la Croix et sa Résurrection. L’Évangile met en avant deux récits pour faire comprendre la réalité de cette rencontre étonnante. Le premier récit se déroule lors du passage de la nuit au jour. La rencontre des personnes se passe au lever du jour, quand l’obscurité de la nuit laisse la place peu à peu à la lumière du jour. Les apôtres se sont consacrés à la pêche toute la nuit sans rien prendre. La nuit est le temps de l’échec. Nous avons tous fait l’expérience de ces efforts nocturnes qui ne servent à rien parce que c’est la nuit. On est alors dans la tristesse, la fatigue, le découragement. Mais voilà qu’au matin, un inconnu lance un appel. Jésus, lui aussi, sort de la nuit, la nuit de la Passion, de sa condamnation à la mort de la Croix. Jésus est déjà sorti de cette nuit, mais les disciples ne le reconnaissent pas encore. Il les invite alors à jeter une fois encore leur filet. Cette parole de Jésus fait renaître la confiance dans le cœur des disciples ; elle donne du courage pour tout recommencer une fois encore, et le miracle, inattendu, se produit.

HOMÉLIE POUR LE 27e DIMANCHE ORDINAIRE – B

Scourmont, le 6 octobre 2024

Gn 2, 18-24 ; Ps 127 (128), 1-2, 3, 4-6 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16

Mariage et divorce

Est-il permis de divorcer ? Est-il permis de se remarier ? Toute cette question est difficile à aborder aujourd’hui encore, comme elle l’était au temps de Jésus et même avant lui. Qu’en dit exactement l’évangile selon saint Marc ? Les pharisiens veulent mettre Jésus dans une situation délicate : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus, bien conscient de ce qui lui est demandé, ne donne pas de réponse, mais il renvoie à ce que dit la loi de Moïse. Les pharisiens la connaissent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Le divorce semble donc bien autorisé par la loi de Moïse. Jésus, dans sa réponse, ne dit pas le contraire, mais il n’est pas d’accord, et il rappelle ce qu’était la loi des origines, avant Moïse : « Dieu les fit homme et femme […] tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »

Sainte Marie, Mère de Dieu

(année C)

Scourmont, 1er janvier 2025 (ex-1999)

Nb 6, 22-27 - Ps 66

Gal 4, 4-7 - Luc 2, 16-21

Le Père nous aime

Le Père nous aime. Dieu, le Père, a envoyé son Fils pour sauver les hommes, pour en faire ses fils, car il les aime. Oui, le Père nous aime.

 

Préparation à la Nouvelle Alliance 

Il a montré son amour tout au long de l’histoire. Avant même la création du monde, l’amour était au cœur de Dieu, car Dieu est amour. Le Père aimait son Fils et le Fils aimait son Père dans leur unique baiser d’amour qu’est l’Esprit Saint.

 

HOMÉLIE POUR LE 20e DIMANCHE ORDINAIRE - B

Scourmont, le 18 août 2024

Pr 9, 1-6 : Ps 33, 2-3.10-15

Ep 5, 15-20 - Jn 6, 51-58

Demeurer en Dieu

 

1. Dieu

« De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Toute notre religion chrétienne prend son départ du Père, de Dieu le Père. Beaucoup de religions dans l’univers sont marquées par Dieu. Beaucoup d’humains ont foi en un seul Dieu, même s’ils lui donnent un nom particulier, qu’ils soient chrétiens ou non chrétiens. Pensons aux croyants non chrétiens qui nous sont les plus proches : les juifs, les musulmans, mais il en existe beaucoup d’autres dont la foi est encore plus éloignée de la nôtre. Ils croient en celui qui est, d’une certaine façon, un seul Dieu, et ils trouvent dans cette orientation de vie un support pour leur existence tout entière. Notre foi chrétienne, elle aussi, est marquée par l’existence de Dieu, un seul Dieu que nous croyons être vivant, même si notre lien avec lui n’est pas palpable physiquement.