A AVENT 03 MATTHIEU 11,02-11 (21)
Chimay : 14.12.2025
ce 3e dimanche de l’Avent est celui de la joie. Si nous sommes dans la joie, c’est parce que le Seigneur est proche. Sa venue dans le monde est source d’espérance. Qu’il soit avec nous, au cœur de nos vies, c’est aussi une source d’espérance. Cette bonne nouvelle, nous la retrouvons tout au long des lectures bibliques de ce jour. Elles nous révèlent un Dieu qui nous délivre du mal. Ce Dieu a un amour de prédilection pour les pauvres, les petits, les exclus. Plus tard, Jésus nous dira qu’ils ont la première place dans son cœur.
Dans la première lecture (Is 35,1-10), Isaïe nous révèle le salut de Dieu par la joie qu’il fait naître. Il s’adresse à un peuple qui a beaucoup souffert. Après avoir passé de nombreuses années en exil sur une terre étrangère, le peuple va pouvoir revenir chez lui. Ce retour est présenté comme un “ouragan de joie” : « le pays aride... qu’il exulte et crie de joie ! » (Is 35,1-2). Dieu ne peut accepter la situation tragique des exilés, des prisonniers, des populations asservies. Il décide alors de changer les choses. Le texte biblique utilise le mot “vengeance” : « c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu » (Is 35,4). Mais la vengeance de Dieu n’est pas de punir ni d’écraser. S’il intervient c’est d’abord pour guérir et sauver : « il vient lui-même et va vous sauver » (Is 35,4). En lisant ce texte biblique, nous découvrons qu’il est le prélude à une libération autrement plus importante. Par sa mort sur la croix, et sa résurrection, Jésus va ouvrir à l’humanité toute entière le chemin de la vraie vie. La terre et ses habitants seront transfigurés, « couronnés de l’éternelle joie » (Is 35,10).
Dans la seconde lecture (Jc 5,7-10), saint Jacques nous parle de la venue glorieuse du Seigneur. Ce sera infiniment mieux que le retour d’Israël vers sa terre. Il s’agira de notre entrée définitive dans le monde de Dieu. Saint Jacques nous dit que ce n’est pas pour tout de suite. Il nous invite à la patience : « Prenez patience… tenez ferme car la venue du Seigneur est proche » (Jc 5,8). Il nous montre l’exemple du cultivateur. Quand ce dernier a semé, il attend avec patience l’heure de la moisson. De même, c’est tout au long de notre vie que nous nous préparons à cette rencontre définitive avec lui.
Avec Jésus, nous assistons à la réalisation progressive des prophéties d’Isaïe. C’est cette bonne nouvelle qui est annoncée à Jean Baptiste. Ce dernier a été incarcéré car il gênait les autorités en place. Du fond de sa prison, il réfléchit. Il se pose beaucoup de questions sur Jésus. Ce qu’il entend dire de lui ne correspond pas à ce qu’il avait annoncé ; il profite d’un parloir pour demander à ses fidèles disciples d’aller lui poser la question la plus importante : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11,3).
Emprisonné, Jean Baptiste l’est aussi dans son questionnement, dans ses doutes : « Après tout, est-ce que je ne me serais pas trompé ? » Venant de Jean Baptiste, cette question est terrible. Nous n’oublions pas ses débuts provocateurs, ses succès, ses déclarations très virulentes dans le désert et au bord du Jourdain : « Préparez le chemin du Seigneur… (Mc 1,3). Il y a parmi vous quelqu’un que vous ne connaissez pas… (Jn 1,26). Convertissez-vous… changez de vie… (Ac 3,19) » C’était le temps de l’euphorie et de la certitude.
L’expression « Convertissez-vous… changez de vie… » fait référence à un appel religieux à la conversion, qui implique un repentir et une transformation profonde du cœur et des actions pour se détourner du péché et se tourner vers Dieu. Ce changement de vie se traduit par l’abandon des anciennes habitudes négatives, le renouvellement de sa pensée, le désir de faire le bien, et une foi centrée sur l’amour de Dieu et du prochain. Mais Jésus mange avec les pécheurs. Il fréquente les publicains et les femmes de mauvaise vie. Il touche les malades, les infirmes, et les guérit. Il proclame des béatitudes, alors que Jean Baptiste avait annoncé un justicier : « Déjà la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu… Il tient en main sa pelle à vanner. Il va nettoyer son aire de battage et amasser le blé dans son grenier. Quant à la bale, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteindra pas » (Mt 3,10.12).
Jésus accueille la question de Jean Baptiste avec beaucoup de sérénité. Il ne répond pas par des mots, mais par des actes. Il montre aux envoyés que les promesses des prophètes se réalisent : « Allez annoncer à Jean ce que vous voyez et entendez : les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent… et surtout, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11,4-5). Pour un juif familier des Écritures, le message est limpide : oui, Jésus est bien celui que tous attendent, même si son action n’est pas aussi spectaculaire ou musclée que dans les paroles de Jean Baptiste. Et Jean est celui qui a préparé le chemin devant le Messie, il est le prophète du Royaume inauguré par Jésus où le plus petit est le plus grand.
Comme Jean Baptiste, nous pouvons aussi être enfermés dans nos doutes, nos questions. Nous pouvons aussi nous enfoncer dans des certitudes qui ne sont pas la vérité de l’Évangile : « Si Dieu existait les guerres et les souffrances de toutes sortes cesseraient. La mort ne frapperait plus les gens qu’on aime. Ce serait le paradis sur terre ». Trop souvent, nous nous faisons une fausse idée de Jésus. Il sera toujours bien au-delà de tout ce que nous pourrons dire ou écrire de lui. Avec l’évangile de ce jour, nous comprenons que notre Dieu n’est pas un Dieu vengeur mais un Dieu qui relève et qui sauve. Les pauvres, les petits et les exclus ont la première place dans son cœur.
Et si nous voulons être en communion avec ce Jésus sauveur, nous devons nous ajuster à lui. Il nous envoie vers celui qui souffre, celui qui a faim, celui qui est isolé. A travers eux, c’est lui qui est là et qui nous attend. Nous avons besoin qu’il ouvre nos yeux, nos oreilles et surtout notre cœur à leur détresse. C’est avec Jésus que la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Si nous avons compris cela, ce dimanche sera vraiment celui de la joie.
En nous rassemblant pour l’Eucharistie, nous nous tournons vers Celui qui est à la source de notre joie. Nous lui confions ceux qui préparent “les fêtes qui approchent” dans une activité fébrile ou un certain désenchantement. Car Jésus vient chaque jour, présence discrète au cœur de notre humanité. Mais il reste « celui qui doit venir » (Mt 11,3), car le salut promis n’est pas encore totalement accompli dans le monde.
