A 31 MATTHIEU 23, 01-12 (8)
Chimay : 05.11.2023
Frères et sœurs, dans la lecture tirée du livre de Malachie (1,14b-2,2b.8-10) et dans l’Évangile de ce jour, chacun en prend pour son grade : les prêtres, le peuple, les scribes et les pharisiens. Plus grand est le pouvoir, plus grande est la responsabilité. Le prophète Malachie reproche aux prêtres de son temps de « pervertir l’alliance ». Ils ont pour fonction de se consacrer à Dieu et de chercher sa gloire. Ils doivent enseigner la loi qui leur a été confiée par Moïse. Or voilà qu’au lieu de penser à la gloire de Dieu, ils ne font que rechercher leur seul intérêt. Mais en leur montrant leur péché, le prophète les appelle à la conversion. Il leur rappelle que Dieu est un Père qui aime chacun de ses enfants.
Ce rappel à l’ordre s’adresse aussi à nous tous, prêtres et laïcs. À travers ces paroles du prophète, c’est Dieu qui nous parle aujourd’hui. Il nous invite à accueillir son amour et à nous laisser transformer par lui. Ce qui est premier, c’est précisément cet amour de Dieu pour chacun de nous. Quand nous nous en sommes écartés, il ne cesse de nous appeler à revenir vers lui de tout notre cœur. Son amour va jusqu’au pardon. Quels que soient nos torts, il n’a jamais cessé de nous aimer. Il ne veut que notre bonheur. Qui écoutons-nous le plus volontiers : celui qui trouve des accommodements avec la volonté de Dieu ou celui qui nous en annonce toutes les exigences ? Nous sommes donc incités à recentrer notre vie sur Dieu et à retrouver son amour. La foi est le fruit de la charité ou de l’amour, ainsi que de la vertu.
Dans l’Évangile, Jésus nous montre les pièges de l’autorité. S’adressant à la foule, il dénonce les comportements des scribes et des pharisiens. Mais ce qu’il dit pour eux vaut aussi pour chacun de nous. Qu’il s’agisse des autorités religieuses, politiques ou parentales, ces pièges sont les mêmes.
Premier piège : « Ils disent et ne font pas » (Mt 23,3). Nous reconnaissons tous le décalage entre nos belles paroles et notre vie de tous les jours. Le reproche de Jésus aux scribes et aux pharisiens ne pourrait-il aussi s’adresser à nous ? Il est important que chacun pratique ce qu’il enseigne. Un jour, Jésus a dit : « Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux, il faut faire la volonté de mon Père » (Mt 7,21). Nous avons été choisis pour annoncer l’Évangile du Christ, mais il importe que toute notre vie soit ajustée à cette Parole.
Deuxième piège : pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service. Jésus reproche aux scribes et aux pharisiens de lier « des fardeaux pesants » et d’en charger les épaules des gens ; mais eux-mêmes « ne veulent pas les remuer du doigt » (Mt 23,4). Ils ont l’avoir, le savoir et le pouvoir. Cela pourrait être un merveilleux moyen de servir les autres. Au lieu de cela, ils ne pensent qu’à dominer.
Troisième piège : vouloir paraître : « Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes » (Mt 23,5). Nous connaissons tous cette tentation d’aimer paraître, de rechercher la considération et l’intérêt. Dans le sermon sur la montagne, Jésus nous recommande de n’agir que par amour pour Dieu et par amour pour nos frères sans chercher les louanges des hommes.
Quatrième piège : se croire important, avoir le goût des honneurs. « Ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, ils aiment recevoir le titre de Rabbi (Maître) (Mt 23,6-7). L’orgueil vient les détourner de Dieu et des autres. Jésus vient leur rappeler la valeur de l’humilité. Les titres et les honneurs ne sont pas mauvais en eux-mêmes. Mais le fait de les porter implique une responsabilité, un témoignage à donner, une mission à accomplir. On ne se grandit qu’en se mettant au service des autres. Cet humble service nous grandit aux yeux de Dieu comme au regard de nos frères.
Dans la lettre aux Thessaloniciens (1Th 2,7b-9.13), l’apôtre Paul nous donne un merveilleux exemple d’une attitude authentiquement chrétienne et authentiquement apostolique. Saint Paul, qui prend modèle sur le Christ serviteur, ne cache pas les épreuves endurées. Il se présente comme une mère pleine de tendresse pour ses enfants. Humble devant Dieu, il lui rend grâce pour eux. C’est en servant, plus qu’en écrasant ou en en jetant plein la vue que l’on se grandit. Plutôt que de se présenter comme apôtre du Christ et d’insister sur l’autorité qui lui vient de Dieu, il adresse aux chrétien un message plein de douceur et d’humilité. Il se veut serviteur de ceux à qui il annonce l’Évangile. Il manifeste envers tous un amour plein d’affection. Sa générosité est extrême. Elle ira jusqu’à offrir sa vie pour les chrétiens. L’attitude de Paul correspond à ce que nous recommande l’Évangile de ce jour. Elle s’inspire de l’amour qui vient de Dieu.
L’erreur des scribes et des Pharisiens était enracinée dans la contradiction entre ce qu’ils prêchaient et ce qu’ils pratiquaient. Il n’en était pas ainsi avec Jésus. Il enseignait la vérité en paroles et en actions. Jésus expliquait à ceux qui voulaient l’entendre qu’il était mieux de servir que d’être servi et que lui, Fils de Dieu, s’était fait homme pour nous servir. Il est mort pour nous afin que nous ayons la vie. C’est pour servir son troupeau qu’il a librement donné sa vie pour nous. En vérité, il est plus grand, infiniment plus grand que toute créature. Lui et son Père ne font qu’un. Il est le fils unique du Père, lui qui a daigné s’humilier jusqu’à laver les pieds de ses disciples (Jn 13).
Comment peut-on sonder le mystère du Fils de Dieu ? Comment peut-on saisir l’amour du Père ? Nous ne pouvons le comprendre ; peut-être même avons-nous peur de le contempler. C’est le Saint-Esprit qui nous révèle l’humilité de Dieu, doux et humble de cœur. Est-il possible que Dieu nous aime à ce point ? La réponse est : oui ! « Il s’est dépouillé de sa condition divine pour nous les hommes » (Ph 2,5-11). Il a pris la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et s’est humilité jusqu’à la mort sur une croix pour nous racheter. Personne d’aussi grand que le Christ n’a jamais foulé et ne foulera jamais cette terre.
Pour être vraiment saints nous devons d’abord être humbles. L’humilité est le remède de bon nombre de nos malheurs. L’humilité n’est pas l’humiliation, elle est l’acceptation joyeuse et sereine de notre condition de créature, d’être créé et aimé de Dieu. C’est la vertu qui sous-tend et définit toute la vie de Jésus. Il s’est soumis à la condition humaine pour servir et non pour être servi. Malgré les Pharisiens, malgré les trahisons de l’homme et les scandales continuels, le Christ sert encore, obéit encore et aime encore. « Imitez-moi car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29). L’un des effets de l’humilité est la stabilité de l’âme, qui pacifie l’être tout entier et le rend réceptif à ce qu’il y a de beau et de bon en lui et dans le monde, comme font les tout-petits.
En ce dimanche, les textes bibliques nous provoquent à une véritable remise en question. Le Seigneur nous appelle à revenir vers lui et à nous ajuster à son amour. Il est notre compagnon de route et il chemine avec nous. En célébrant cette Eucharistie, nous le remercions de remettre à l’endroit ce qui était à l’envers dans nos vies.