B 24 MARC 08,27-35 (10)
Chimay : 15.09.2024
Frères et sœurs, la parole de Dieu de ce dimanche nous invite à purifier notre foi en Dieu. « Pour vous qui suis-je ? » (Mc 8,27), demande Jésus. Nous connaissons la réponse à donner, mais sommes-nous décidés à renoncer à nous-mêmes pour suivre Jésus crucifié ? C’est déjà ce message que nous trouvons dans le livre d’Isaïe (Is 50,5-9). Le peuple d’Israël vient de passer 50 ans en terre d’exil. On a pensé que le vrai libérateur serait le roi Cyrus. Mais le prophète comprend vite que la libération définitive ne saurait être l’œuvre d’un guerrier ou d’un homme politique. Elle ne peut venir que d’un véritable serviteur de Dieu, de quelqu’un qui saura se mettre entièrement à la disposition du Seigneur. Servir le Seigneur, c’est ne pas se dérober à sa parole ni, par la suite, aux défis qui accompagnent son annonce. « Je sais que je ne serai pas confondu » (Is 50,7).
Pour accomplir cette mission, ce serviteur sera affronté à des oppositions. Mais c’est lui qui triomphera parce qu’il aura brisé le cercle de la violence par l’amour au lieu de la subir par la haine et le ressentiment. C’est aussi vrai pour les croyants d’aujourd’hui. Nous pensons à tous ceux et celles qui sont persécutés à cause de leur foi. Mais Dieu n’abandonne pas ses serviteurs. Malgré les malheurs qui les accablent, ils peuvent toujours compter sur lui. C’est aussi cette assurance qui nous permet de vivre dans l’espérance aujourd’hui.
Nous l’avons compris, ce serviteur de Dieu dont parle Isaïe c’est Jésus lui-même. En lui, c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Aujourd’hui, saint Jacques nous invite à accueillir cet amour qui est en Dieu et à nous laisser transformer par lui. Il ne suffit pas d’être croyant, il faut mettre sa foi en pratique, nous rappelle saint Jacques (Jc 2,14-18). Nous ne pouvons pas nous limiter à de belles paroles. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous dire disciples si nous n’agissons pas en conséquence. Cet engagement doit nous amener à nous mettre au service des autres, en particulier des plus pauvres et des exclus. Un jour, Jésus a dit : « Ce ne sont pas ceux qui disent ‟Seigneur, Seigneur” qui entreront dans le Royaume des cieux mais ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7,21).
L’Évangile est une réponse à Isaïe. Jésus est en chemin vers Césarée de Philippe. En cours de route, il interroge ses disciples : « Qui suis-je au dire des gens ? » (Mc 8,27). Depuis vingt siècles, la question ne cesse d’être posée. Les réponses sont très diverses : on le considère comme un sage, un moraliste généreux ; on reconnaît qu’il a une place importante dans l’histoire. Mais l’unique et véritable identité, c’est celle qui est proclamée par Pierre : « Tu es le Christ » (Mc 8,29).
Les enquêtes d’opinion ont envahi notre monde d’aujourd’hui ! Grâce à des outils statistiques très sophistiqués, nous sommes en effet submergés par des questions d’enquêteurs qui cherchent à savoir de quelle façon nous consommons telle machine à laver, tel produit de lessive, mais aussi telle opinion politique ou telle pensée religieuse. Car pour les dirigeants des groupes publicitaires, nous ne sommes que des consommateurs qu’il faut consulter par catégories, ciblées selon l’âge, l’ethnie, l’appartenance religieuse où même encore selon le comportement sexuel.
En demandant à ses disciples : « Au dire des gens qui suis-je ? » (Mc 8,27). Jésus, bien sûr, est intéressé lui aussi par l’opinion d’autrui. Mais il n’a rien à voir avec les maîtres des instituts de sondage d’aujourd’hui. Il ne cherche pas à mieux cibler un éventuel consommateur de la chose religieuse. Car il connaît déjà tout ce qui se dit à son sujet par ses contemporains qui furent tous frappés – par son message et par ses actes – les évangiles sont là pour l’attester. Il serait selon les uns un nouveau Jean-Baptiste, selon un autre Elie ou encore un prophète s’inscrivant dans une longue lignée…
Vous aurez remarqué avec moi que Jésus ne s’intéresse guère à la réponse à cette première question. Il ne s’y attarde pas car ce qui le préoccupe à ce moment de sa vie terrestre c’est la réponse à cette deuxième question posée à ses disciples : « Et pour vous, qui suis-je ? » Car c’est bien la question fondamentale de Jésus à ses disciples et à travers eux, frères et sœurs, à nous, à vous et à moi, vingt siècles plus tard ! « Que dis-tu que je suis ? »
La réponse de Pierre semble la meilleure ; elle est porteuse de toutes les espérances du monde juif. On attendait un Messie qui libérerait le pays de l’occupant étranger. Il rétablirait le Royauté en Israël ; avec lui, ce serait l’avènement du règne d’un Dieu puissant et fort. Ce rêve de Pierre est toujours d’actualité : nous voudrions un Messie qui résoudrait tous les douloureux problèmes de notre monde, la crise économique, la précarité, les maladies, les guerres, les violences. Mais ce n’est pas ainsi que Jésus voit les choses. Les pensées de Pierre ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. Plus tard, Pierre comprendra que la sévérité de Jésus à son endroit n’est pas pour le blâmer, mais pour le convertir à la vérité de l’Évangile. Nous vivons dans une société qui raisonne à la manière des hommes et qui oublie toute référence à l’Évangile. Confondre le Royaume de Dieu avec le Royaume de ce monde, c’est se poser en adversaire de Dieu. Celui qui veut être disciple du Christ doit accepter d’être serviteur comme lui-même s’est fait serviteur : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mc 8,34).
Se mettre à la suite de Jésus c’est donc prendre sa croix pour l’accompagner sur son chemin. Ce chemin n’est pas celui du succès ni de la gloire passagère de ce monde ; c’est celui qui conduit vers la véritable liberté, celle qui libère de l’égoïsme et du péché. Nous sommes certains que Jésus nous conduit à la résurrection, à la vie pleine et définitive avec Dieu. « La vérité vous rendra libre ». « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,31).
Chaque dimanche, nous sommes rassemblés en Église pour nous nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. C’est la nourriture que Dieu nous donne pour grandir dans la foi. Il vient nous donner force et courage pour porter notre croix et marcher à sa suite avec amour, confiance et humilité. Cette croix, nous la portons peut-être en boitant. Mais elle ne nous empêche pas de chanter : « Victoire, tu règneras, o croix tu nous sauveras » (William Diatti, H 32). La Vierge Marie a suivi Jésus jusqu’au Calvaire. Demandons-lui qu’elle nous aide chaque jour à purifier notre foi des fausses images de Dieu pour adhérer pleinement au Christ et à son Évangile.