C 14 LUC 10, 01-12.17-20 (16) Scourmont : 06.07.2025

C14 2025

Frères et sœurs, « Réjouissez-vous ! » (Is 66,10). Ce sont là les paroles du prophète Isaïe que nous avons entendues au début de la première lecture. Réjouissons-nous, car l’amour fort et puissant de Dieu sait prendre pour nous les accents de la tendresse maternelle. C’est pourquoi Isaïe nous invite à craindre Dieu. La crainte de Dieu est la seule crainte qui libère. La peur de mourir, celle de manquer ou celle d’être rejeté, par exemple, nous enchaînent. La crainte de Dieu, c’est la conscience que Dieu est présent et qu’il nous regarde avec amour. Elle nous pousse à une attitude intérieure de joie et de paix.

La joie est un fruit de l’Esprit tout comme la paix (Ga 5,22). Paix et joie sont des grâces données par Dieu à ceux et celles qui s’attachent à lui. Il ne s’agit donc pas d’un simple sentiment passager mais du fruit de la recherche de Dieu et d’une vie tournée vers lui. Isaïe nous dit que nous serons alors nourris et rassasiés du lait des consolations. Ce lait consolateur dont il est question, c’est « le lait de la Parole de Dieu » (2 Pi 2,2). Isaïe nous parle également de la paix « qui déborde comme un fleuve » (Is 66,12). Les fleuves sont tantôt calmes, voire très calmes, et tantôt agités, voire très agités. La paix de Dieu tantôt nous berce et tantôt nous remue comme un fleuve. La paix de Dieu tantôt nous conforte dans notre foi et tantôt nous secoue à cause de notre foi. Cette paix, ce n’est pas seulement l’absence de conflits ; c’est surtout la plénitude de la présence de Dieu qui nous engage à agir en croyant.

Ce texte d’Isaïe est une prophétie qui annonce l’Église. Elle est vraiment une mère pour nous : elle nous enfante à travers le baptême, elle nous nourrit de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie ; elle nous annonce quelque chose de la Jérusalem céleste. C’est vers cette joie éternelle que nous marchons. Nous en avons un avant-goût sur cette terre ; mais elle ne nous sera donnée en plénitude que dans la Jérusalem céleste. « Notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment notre Sauveur » (Ph 3,20).

Cette “joie de l’Évangile”, titre d’une encyclique du pape François, doit être annoncée à tous. Saint Luc nous raconte l’envoi des 72 disciples. Pour Jésus, la mission prend une dimension universelle. Il s’agit d’annoncer la paix de Dieu à tous les peuples. Il reste qu’annoncer le Christ ne peut se faire qu’à la manière du Christ, en portant la paix, en guérissant, en prenant le temps de la rencontre et de la fraternité. Quiconque marche selon cet esprit reçoit de la part de Dieu “paix et joie”. Ça nous rappelle saint François d’Assise.

L’apôtre Paul dans l’épître aux Galates (Ga 6,14-18) nous montre la réalisation de la prophétie d’Isaïe. Avec Jésus mort et ressuscité, le salut est offert à tous. Au jour de notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu. Paul regarde la création nouvelle qui, par la grâce de Jésus-Christ, surgit au sein de notre monde. « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Lc 10,2). La moisson n’est pas une œuvre isolée dans laquelle nous nous lancerions de notre propre force ! C’est Jésus qui nous appelle et nous envoie en mission, poussés par son Esprit Saint. Cela nous rappelle que toute annonce doit être portée par une vie de prière, nourrie par la Parole de Dieu.

Car l’appel adressé à tous n’est pas forcément reçu par tous. Pensons aux chrétiens qui ne viennent plus à l’église, aux adolescents en pleine crise, à ceux qui tournent en dérision la foi des chrétiens. Tous les hommes du monde entier peuvent entendre et accueillir cette bonne nouvelle. Mais refuser d’accueillir la paix de Dieu prive aussi de ses bienfaits : c’est se détourner de l’essentiel.

Au moment où il rédige son Évangile, saint Luc pense à ceux qui sont les missionnaires des communautés qu’il connaît. Cette mission est un défi extraordinaire dont nous cueillons encore les fruits. Toutefois aujourd’hui, encore plus qu’autrefois, les chrétiens sont affrontés aux persécutions. Beaucoup sont assassinés simplement parce qu’ils annoncent l’Évangile. C’est précisément en voyant le courage des chrétiens persécutés que des hommes et des femmes se convertissent au Christ. Nous en avons de nombreux témoignages dans le monde d’aujourd’hui.

En nous rassemblant ici dans cette église, nous nous nourrissons de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Puis comme les 72 disciples, nous sommes envoyés pour annoncer : « Le règne de Dieu qui s’est approché de nous » (Lc 10,9). Dans un monde où beaucoup de choses vont mal, Dieu vient nous remplir de sa présence et de sa paix. Comme le Christ et comme les prophètes, nous serons affrontés au rejet ou à l’indifférence. Mais rien ne peut arrêter l’arrivée du règne de Dieu. Si nous rencontrons la méchanceté, nous triompherons du mal par le bien.

L’évangile ne parle pas de semence abondante mais d’une moisson abondante : il suffit de très peu de choses pour transformer les cœurs, les personnes et les situations. Dans notre entourage, des gens aspirent à la paix, attendent la guérison, souhaitent être libérés des soucis mauvais qui les emprisonnent. Les disciples de Jésus, les 72, c’est-à-dire toutes et tous, nous sommes envoyés pour porter la Bonne Nouvelle à toutes ces personnes en attente de la moisson abondante. Quand les disciples reviennent de leur mission, nous dit l’Évangile, ils sont remplis de joie. Ils ont vu des signes, des miracles, des vies transformées. Dans la confiance, les disciples de Jésus portent sa paix et sa joie au monde : c’est aujourd’hui notre mission.