B 16 MARC 06,30-34 (15)

Chimay : 21.07.2024

Frères et sœurs, la Bible nous parle aujourd’hui du Pasteur. Nous avons entendu le prophète Jérémie (Jr 23,1-6) qui distingue les bons et les mauvais pasteurs. Certains rois et gouvernants, tels de mauvais bergers, ont conduit le peuple à la catastrophe. Aussi le Seigneur s’apprête-t-il à conduire lui-même son troupeau.

Saint Paul aux Éphésiens (Ep 2,13-16) a évoqué le rassemblement de l’humanité dans la paix grâce au Christ. Un mur de haine sépare encore des hommes et des peuples. Qu’on pense au mur entre la bande de Gaza et Israël, qui est une barrière de séparation constituée d’acier et de béton le long de la frontière.  Haut de huit mètres, il sépare l’État d’Israël de la Cisjordanie sur une longueur de 30 km.

Les bénédictines de la congrégation Reine de Apôtres ont un monastère à Bethléem. Elles ont peint sur le mur en face du monastère une icône de la Vierge Marie, Mère de l’Église. Chaque mercredi, elles récitent le chapelet devant cette icône avec les chrétiens des environs, bien surveillés par les soldats israéliens armés. Il faut prier par sympathie pour ces gens-là et pour d’autres situations semblables à travers le monde.

Enfin, dans l’Évangile, saint Marc nous montre Jésus face aux foules, qui ne le lâchent plus ni ses apôtres. Le Christ est saisi de pitié devant ce désarroi des foules abandonnées à elles-mêmes : « Il fut saisi de compassion – nous dit saint Marc – parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6,34).

Le désir du Seigneur est de rassembler tous les humains près de lui et entre nous. Il veut nous inviter à la paix. Jérémie nous a dit qu’il n’est pas content des rois d’Israël. Ces mauvais bergers sont responsables du désastre qui a conduit le peuple en exil. La grande priorité de Dieu, c’est le bonheur de son peuple ; c’est pour cette raison qu’il décide de prendre les choses en mains : il ramènera lui-même toutes ses brebis dans leur enclos. Viendra alors un vrai berger qu’il suscitera lui-même, un bon pasteur qui donnera sa vie pour ses brebis. Pas de repos pour le Bon Berger qui ira jusqu’au bout de sa mission, jusqu’au don de sa vie. Ce Berger, c’est Jésus bien évidemment.

Dans l’épître aux Éphésiens, saint Paul nous invite à nous tourner vers la croix du Christ. En mourant pour tous les hommes, Jésus nous révèle que l’amour du Père est universel. Tous ces gens qui s’étaient éloignés de lui, ces affamés et ces assoiffés, sont ses fils. Il veut les réunir tous pour les combler de son amour. Cet amour qui se révèle sur la croix annonce le pardon et la réconciliation des hommes pécheurs avec Dieu et entre eux. Le mur qui les séparait est abattu comme le mur de Berlin dans les années ‘80. Le Christ sur la croix unit le ciel et la terre. Il attire tous les hommes à lui. C’est pourquoi saint Paul appelle solennellement les communautés chrétiennes à la paix. Non pas une paix passagère et de compromis, mais une paix fondée sur le Christ, mort et ressuscité pour tout homme, car « en sa personne il a tué la haine » (Ep 2,16).

Saint Marc nous montre les apôtres qui reviennent de la mission que Jésus leur avait confiée. Ils lui rapportent tout ce qu’ils ont fait et enseigné. Il les invite à venir à l’écart pour se reposer « dans un endroit désert » (Mc 6,31). Tout apostolat doit se nourrir de méditation et de contemplation. C’est dans le silence et la prière que Jésus se repose. L’annonce de la Bonne Nouvelle c’est aussi l’alternance entre un temps de ministère et un temps de ressourcement ; les moines l’ont bien compris dans leur division de la journée. Et de nos jours, nous voyons de plus en plus de gens qui cherchent cette forme de repos dans les monastères ou dans des lieux de silence.

Mais nous voyons bien que tout ne se passe pas comme prévu : au lieu du silence dans le désert, c’est une foule immense qui cherche à voir Jésus, à le toucher et à l’entendre. Beaucoup avaient choisi de suivre Jean Baptiste ; mais après sa mise à mort par le roi Hérode (Mc 6,14-29), ils se sont rapprochés de Jésus. Face à cette foule, Jésus est « saisi de pitié » (Mc 6,34). Il ne supporte pas de les voir partir dans tous les sens comme des brebis sans berger. Alors, il prend lui-même le relai et se met à les enseigner longuement. Lui-même nous dit qu’il est « venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10).

Cet Évangile nous renvoie également aux foules d’aujourd’hui. Nous vivons dans un monde blessé par les guerres, les violences, le désespoir, le manque de sens et le rejet de Dieu. Steven Lanson l’a bien dit : « La mort d’une nation commence par le rejet de Dieu. Aucune culture ne peut survivre sans lui ». Mais il y a d’autres déficiences. Pensons à tous ces enfants qui ne peuvent pas bénéficier de l’école. Ils sont victimes d’exploitation et d’injustice. Ailleurs, des jeunes sont désorientés. Ils deviennent la proie de toutes les tentations. Beaucoup croient trouver leur bonheur dans une secte. D’autres foules courent après l’argent, le confort, les richesses matérielles. Ils croient qu’avec plus d’argent et plus de confort, ils seront heureux. Mais ils s’aperçoivent que tout cela n’étanche pas leur soif de bonheur. La question se pose alors de la responsabilité d’une telle situation de misère spirituelle.

Le grand manque dont Jésus a pitié, c’est l’ignorance, c’est l’erreur dans laquelle les foules sont immergées. « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Et pour répondre à ce besoin essentiel, Jésus enseigne longuement. Le premier service que Jésus rend aux foules désorientées, c’est de les réorienter. Il enseigne le sens profond de la vie humaine. Le Seigneur, « Berger de toute l’humanité », ne cesse de nous appeler à revenir vers lui. Lui-même vient à notre rencontre. Il nous rejoint dans l’Eucharistie que nous célébrons en ce dimanche. Il vient nous apporter la lumière de sa présence et la chaleur de son amour.

Ce don que nous recevons du Seigneur, nous ne pouvons pas le garder pour nous. Il nous est donné pour être communiqué à tous ceux et celles qui nous entourent. Prêtres, religieux et laïcs, nous sommes ensemble responsables de cette immense prédication, de cet universel témoignage. Nous avons conscience de nos faiblesses. Nous savons que cette mission dépasse nos possibilités humaines. Mais si le Seigneur nous appelle à lui, ce n’est pas uniquement pour refaire nos forces, nous ressourcer. Il nous envoie vers les foules de notre temps, en particulier les plus petits, ceux et celles qui sont avides de justice et de paix.

Dans ce monde souvent désemparé et déboussolé, nous sommes tous envoyés pour témoigner de la tendresse de Dieu. En ce jour, nous prions le Seigneur de mettre en nous cette tendresse et cette pitié envers les brebis sans berger d’aujourd’hui.