B 21 JEAN 06,60-69 (13)


Frères et sœurs, la liturgie de ce dimanche nous adresse un appel très fort : choisir pour ou contre Dieu. Dans la première lecture (Jos 24,1-18), nous trouvons Josué qui rassemble toutes les tribus d’Israël à Sichem. Il convoque le peuple et le met devant ses responsabilités ; dans un premier temps, il lui montre tout ce que le Seigneur a fait pour lui : il l’a libéré de l’esclavage d’Égypte ; il a fait alliance avec lui sur la montagne du Sinaï : il ne cesse de faire le premier pas vers les hommes car il veut les sauver du malheur.

Quelle sera la réponse du peuple ? A Sichem, Josué rappelle à tous qu’ils doivent choisir : servir le Seigneur ou servir les dieux des habitants des nations païennes ; tous répondent unanimes : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur et servir d’autres dieux ! » (Jos 24,16). Si Josué insiste c’est parce qu’il est conscient des infidélités de ce peuple. Ces tribus restent marquées par les récriminations du désert. De plus, elles sont attirées par les idoles païennes. Mais aujourd’hui, c’est le Seigneur qui invite le peuple choisit de servir. Choisir d’autres dieux serait choisir la servitude.

Quelle sera notre réponse ? D’un côté, les plaisirs, les richesses matérielles… D’un autre côté, le trésor de la sagesse de Dieu. D’un côté, le projet de dominer, d’humilier… D’un autre côté le Dieu de tendresse qui offre la joie de servir. D’un côté, la prétention de juger les autres et de les condamner… D’un autre côté, le Dieu qui redonne sa confiance. Nous sommes enfants de Dieu et non ses esclaves ; il respecte notre liberté.

Choisissons-nous qui nous voulons servir ! « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur » a répondu le peuple. Le Seigneur s’est fait le serviteur des hommes. Est-ce lui que nous voulons servir ?

Pour nous parler de cette alliance entre Dieu et les hommes saint Paul utilise l’image du couple humain (Ep 5,31-32). Le sacrement du mariage unit les époux l’un à l’autre mais aussi à Dieu. Cet amour mutuel qu’ils s’efforcent de vivre est appelé à être à l’image de celui de Dieu pour l’humanité. C’est un amour qui fait sans cesse le premier pas vers l’autre, un amour qui écoute, qui partage, qui pardonne, un amour qui va jusqu’au don de sa vie pour l’autre. Tout cela nous dit quelque chose de l’amour que Dieu nous porte. Bref, l’étroite union entre le Christ et son Église est un mystère d’amour dont Paul invite les époux chrétiens à s’inspirer.

Dans son Évangile, Saint Jean nous dit que « les disciples récriminaient à son sujet » (Jn 6,61). La foule avait bénéficié de sa bonté. Pour elle, il a multiplié les pains. Tout au long de ces dernières semaines, nous avons écouté son discours sur le Pain de Vie. Jésus cherchait à conduire ses auditeurs plus loin et plus haut, vers le Royaume du Père. Mais plusieurs n’acceptent pas ce discours. Oubliant tout ce qu’il avait fait pour eux, beaucoup s’en allèrent.

Aujourd’hui Jésus nous dit des choses très importantes qui concernent la foi : la foi des disciples et la nôtre. Il nous dit d’abord que la foi c’est un don de Dieu : « Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l’attire » (Jn 6,44). L’Esprit seul peut nous permettre d’aller à Dieu. Cela ne veut pas dire que certains sont choisis et d’autres pas. Dans son immense amour, Dieu nous appelle tous. C’est à tous qu’il fait le don de la foi. Ce don, nous l’avons tous reçu. Mais qu’est-ce que nous en faisons ? La foi est aussi un geste libre, une démarche libre, personnelle de chacun de nous. Et cette démarche ne se situe pas au niveau du raisonnement. La démarche de la foi c’est un « marcher avec ». C’est ce qui est proposé aux gens qui sont face à Jésus.

Cet évangile est la conclusion du discours de Jésus sur le Pain de Vie. Nous l’avons vu, les gens qui entendaient ces propos ont été scandalisés. On les comprend : Comment peut-il nous inviter à manger sa chair ? Et surtout, comment peut-il leur demander de boire son sang ? La loi de Moïse l’interdisait formellement. On peut aussi comprendre la déception de certains qui ont suivi Jésus : ils ont assisté à la multiplication prodigieuse des pains, ils ont voulu l’obtenir à l’infini et faire de lui un roi donateur de tout le nécessaire à la vie biologique, exempte de tout souci matériel. Mais Jésus ne l’entend pas sur le même registre : « C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien » (Jn 6,63). Et les disciples déçus, qui ne comprennent pas, le quittent. Mais Jésus ne retranche rien de ses paroles. Il préfère laisser partir « beaucoup de ses disciples ». Il va même jusqu’à se tourner vers les Douze pour leur poser la question : « Voulez-vous partir vous aussi ? »

 Nous nous attendrions à ce qu’il essaie d’expliquer pour garder auprès de lui ses amis. En fait, il les renvoie vers leur liberté. S’ils le veulent, ils peuvent partir eux aussi. S’il agit ainsi c’est que quelque chose de tout à fait important est en jeu. La Parole de Dieu ne s’impose pas par la force. Elle s’accueille dans un cœur libre et aimant.

Cet évangile, Jean l’a écrit bien des années après la résurrection du Christ. Les chrétiens de son temps avaient beaucoup de mal à entrer dans le message de Jésus sur l’Eucharistie. Ils étaient nombreux ceux et celles qui avaient pris l’habitude de déserter les assemblées dominicales. C’est pour eux que saint Jean écrit son évangile, pour les rappeler à cette réalité fondamentale du don de Dieu au monde.

Dans le monde d’aujourd’hui, c’est souvent la même chose. Comme au temps de Jésus, on se préoccupe davantage du pain et des intérêts matériels. L’attachement des chrétiens à l’Eucharistie passe souvent au second plan, après le sport, après le marché, après le repas de famille et après bien d’autres choses. En ne participant plus aux célébrations eucharistiques, on finit par se couper de la communauté chrétienne.

« Voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67). C’est également la question que le Christ nous pose aujourd’hui. La réponse de Pierre a été spontanée : « Seigneur, à qui pourrions-nous aller ? Tu as les Paroles de la Vie éternelle » (Jn 6,68). Tu es le Saint de Dieu. Toi seul donnes un sens à notre vie. Même si je ne comprends pas toujours ta façon de faire, si parfois tes paroles me dépassent, je m’en remets à ton amour. Je veux me laisser guider par toi.

Les textes bibliques de ce dimanche sont un appel à la foi : Croire c’est marcher avec. Mais cela va beaucoup plus loin. C’est comme une démarche amoureuse. Il y a ce désir de se rapprocher vraiment de l’autre et d’être totalement en communion avec lui. C’est par Jésus et en lui que nous entrons dans la Vie Éternelle. En ce jour, nous te rendons grâce d’avoir reçu ta Parole, source de vie. Garde-nous fidèles à ton amour. Amen.