A 32 MATTHIEU 25, 01-13 (12)

Chimay : 12.11.2023

Frères et sœurs, en ce dimanche, la seconde lecture (1Th 4,13-18) nous parle des défunts. Tout au long de ce mois de novembre, nous les portons dans notre prière. C’était la grande préoccupation des chrétiens de Thessalonique ; il y a eu beaucoup de deuils chez eux, paraît-il. Les membres de cette communauté éprouvent un chagrin que l’espérance de la résurrection semble ne pas transfigurer. À ceux qui sont inquiets pour le sort de leurs morts, Saint Paul rappelle que la résurrection du Christ est la promesse qui mènera les vivants et les morts à la rencontre du Seigneur ; mais quand ? Pour dissiper leurs préoccupations et leurs inquiétudes, Paul leur explique que la mort n’est pas un obstacle. Il leur ouvre les yeux sur ce qui se passe après la mort : nous serons pour toujours avec le Seigneur. Il ne s’agit pas d’une vague survie ni d’une réincarnation. Notre espérance en Jésus ressuscité s’enracine dans le témoignage des apôtres qui ont donné leur vie pour lui.

L’Évangile nous indique les conditions à remplir pour entrer avec Jésus dans la gloire céleste. Le Seigneur compare le Royaume des cieux à un groupe de jeunes filles qui se prépare à la célébration des noces, en pleine nuit, semble-t-il ; sans doute la nuit de la foi ou quelque chose comme ça. Jésus lui-même se compare à l’époux qui est attendu. Ces jeunes filles doivent veiller pour partager la joie de la fête. Le moment venu, le cortège nuptial devait s’avancer avec des lampes allumées. Les dix jeunes filles étaient toutes venues à la noce : cinq ont trouvé porte close parce qu’elle n’avait pas gardé leur lampe allumée. Jésus ne prévient pas quand il passe. C’est une manière de dire que nous nous préparons à cette grande rencontre en gardant notre cœur en état d’éveil.

Cette lampe qui doit rester allumée, c’est celle de notre foi et de notre amour. Au jour de notre baptême, nous avons reçu un cadeau extraordinaire. Mais ce cadeau, c’est un peu comme le téléphone portable : il faut le recharger chaque jour, sinon il tombe à plat et ne sert plus à rien. Si nous voulons que notre vie porte du fruit, nous avons besoin d’être reliés au Christ, avec ou sans fil. L’huile qui ne doit jamais manquer ce sont sans doute des temps de prière, de méditation de la Parole de Dieu, de fréquentation des sacrements. Et on pourrait ajouter la charité, la générosité, la justice, le respect des autres, l’entraide, le service, l’accueil. Tant de vertus qui font que nous sommes des humains aimables et responsables. Si nous n’avons pas cette huile, notre lampe s’éteint rapidement, notre vie ne porte pas de fruit.

L’histoire de ces jeunes filles prévoyantes et imprévoyantes nous fait penser à une autre parabole de l’Évangile : il s’agit de cet homme avisé qui écoute la Parole de Dieu et qui la met en pratique. Il est comparable à un homme qui a bâti sa maison sur le roc et qui ne craint ni le vent ni les torrents (Mt 7,21-27). Par contre, l’insensé, l’insouciant qui a construit sur le sable s’expose à la ruine. Au lieu de construire sa vie sur Dieu, il a construit sur des valeurs qui n’en sont pas. Il nous fait penser à celui qui dit : « Quand j’aurai du temps, il faudra que je remette de l’ordre dans ma vie ». Pourquoi remettre à « quand j’aurai du temps » ou à « quand je serai à la retraite » ?

Cet Évangile nous renvoie donc à notre vie : de quel côté sommes-nous ? Des prévoyants ou des insensés ? L’insensé a construit sa vie sur du sable. Il est comme victime de la folie de celui qui s’oppose à Dieu et qui l’a mis en dehors de sa vie. Il s’est détourné de Dieu. Les sages, les prévoyants sont ceux et celles qui ont choisi de s’installer dans la fidélité. Ils se sont nourris de la Parole de Dieu et des sacrements. Ils se sont donnés du temps pour la prière. Ils se sont convertis et se sont tenus prêts pour l’heure où le Seigneur viendra.

La première lecture est extraite du livre de la Sagesse (Sg 6,12-16). Elle nous donne le témoignage d’un croyant qui chante sa foi. Nous croyons toujours que c’est nous qui cherchons Dieu. Mais à travers la Sagesse, c’est Dieu qui vient à notre rencontre, jusqu’à venir en personne par Jésus. En effet, à la lumière de l’Évangile, nous comprenons que la Sagesse dont il est question, c’est le Christ lui-même. « Celui qui le cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas » (Sg 6,14). Il apporte à tous ceux qui le cherchent lumière, joie et espérance. Il illumine notre vie et nous montre le chemin. Le Christ nous rend capables de l’accueillir lorsqu’il se présente dans notre vie. Il se présente chaque jour et nous sommes invités à l’accueillir avec amour et prévenance. Notre foi doit être une recherche, un désir de Dieu, une ouverture de nous-mêmes qui nous remet en route chaque jour. Un bon examen à faire le soir, avant de s’endormir, serait de se demander : à quel moment le Seigneur est-il passé dans ma vie aujourd’hui ?

Justement, aujourd’hui, nous entamons la lecture du chapitre 25 de Saint Matthieu, qui nous mènera à la fête du Christ Roi avec trois péricopes : la parabole des dix jeunes filles aujourd’hui, la parabole des talents dimanche prochain, et la scène dite du Jugement dernier dans quinze jours. Le thème commun, comme un fil rouge, est la question : quand ? Quand auront lieu la venue de l’époux, celle du Seigneur, celle du Christ révélé dans le besoin du petit ? Puisqu’on ne le sait pas, il faut s’y préparer, être toujours prêt pour la rencontre. Et l’attente peut paraître parfois longue : d’ailleurs, toutes les jeunes filles se sont endormies. Mais c’est au moment où on ne l’attend plus que le Seigneur passe. Il faut donc être préparé. Comment ? En acquérant assez d’huile, en suivant les pas du Christ et en l’imitant. On reproche trop souvent aux jeunes filles sages, et à tort, de ne pas partager de leur huile avec les autres. En fait, elles signifient par-là humblement qu’elles n’en sont pas la source. C’est de l’amour divin qu’il s’agit : seul le Seigneur en est la source en vue de l’alliance avec chacun. À chacun de recharger ses réserves d’huile de la Parole et de l’amour dès maintenant pour vivre l’alliance avec le Seigneur quand il passe.

Telle est l’attitude paradoxale du chrétien, invité à la fois à l’action et à la contemplation, à l’investissement personnel et à l’abandon total à la volonté de Dieu. La venue de l’Époux est un thème biblique majeur. Les noces sont l’image de l’union de l’âme et de Dieu, de la consommation de l’amour entre l’homme et Dieu à la fin des temps ; exactement comme pour le bon larron qui a accueilli l’amitié de Dieu au moment où il mourait sur la croix avec le Christ. La parabole des vierges sages et des vierges insouciantes (on dit aussi insensées car elles ne comprennent pas le sens de l’histoire) engage chacun de nous à tout attendre du Christ et à tout subordonner à sa rencontre.

La liturgie de ce dimanche nous rappelle que c’est l’amour de Dieu qui doit imprégner notre vie. C’est ainsi que nous entretenons notre désir de Dieu et de son Royaume. Cette provision d’huile précieuse nous est offerte chaque dimanche à la messe. La Parole de Dieu et l’Eucharistie sont une nourriture qui nous permet de rester en état de veille. C’est chaque jour que le Seigneur vient à notre rencontre pour nous modeler à son image. En ce jour, nous le supplions : « Toi qui es Lumière, Toi qui es l’Amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour ». Alors nous aurons largement assez d’huile pour tenir jusqu’au soleil de Dieu.