A CHRIST ROI MATTHIEU 25, 31-46 (16)

Chimay : 26.11.2023

Frères et sœurs, c’est aujourd’hui le dernier dimanche de l’année liturgique. En ce jour, nous célébrons le Christ Roi de l’univers. Mais quand nous lisons les évangiles nous comprenons que le Christ n’est pas un roi à la manière des grands de ce monde. Beaucoup sont portés à utiliser la violence pour faire peser leur pouvoir sur leurs administrés. Ils sont plus attirés par le prestige que par l’attention aux plus pauvres. Nous devons oublier tous ces rois, ces chefs et ces présidents. La royauté de celui que nous honorons en ce jour n’est pas de ce monde.

Les textes bibliques de ce dimanche nous présentent le Christ Roi comme un berger qui rassemble son troupeau, comme un berger attentif à son troupeau et qui connaît ses brebis. C’est le message que nous avons entendu de la part du prophète Ézéchiel (34,11-17) : Dieu nous y est décrit comme un berger qui rassemble son peuple ; c’est le contraire des exploiteurs qui ne pensent qu’à s’enrichir au détriment des plus pauvres. Le Roi que nous fêtons en ce jour nous est présenté comme un serviteur attentif qui se met au service des plus faibles tout en veillant sur les brebis saines. Mais encore : il se montre à nous aujourd’hui sous les traits des malheureux. C’est ainsi que Dieu ne cesse de nous manifester toute sa bonté. Cette bonté est devenue réalité avec la venue de Jésus dans le monde ; il s’est montré plein de sollicitude pour les plus faibles et les plus méprisés. Bien plus, il s’est identifié à eux.

Dans la lettre aux Corinthiens (ICo 15,20-28), Saint Paul nous parle du Christ ressuscité, berger de toute l’humanité, qui veut nous associer tous à sa victoire sur la mort et le péché. Par sa mort et sa résurrection, il a triomphé de toutes les puissances du mal. Il marche à la tête de la procession des hommes et des femmes qui montent vers Dieu. Il introduira dans son Royaume tous ceux et celles qui l’auront suivi. Le monde sera arraché à la mort. Dieu sera tout en tous. Voilà cette bonne nouvelle qui doit raviver notre espérance. La royauté du Christ se manifestera au sein d’une humanité ressuscitée et heureuse. Alors, le Royaume de Dieu sera accompli.

L’évangile de ce jour nous rappelle que la Royauté du Christ est celle du berger qui se consacre à chacune de ses brebis avec bienveillance. Il est tellement proche des petits et des exclus qu’il se reconnaît en chacun d’eux. C’est à la manière dont nous les aurons accueillis que nous serons jugés. Le tri sera le résultat du choix que nous aurons fait durant notre vie terrestre. Le Seigneur nous rappellera qu’il était présent dans les plus démunis qui se sont trouvés sur notre route. Les avons-nous accueillis ?

Dans la vie de tous les jours, notre critère ne doit pas être le « chacun pour soi » mais le partage et la solidarité. Le Royaume de Dieu, c’est celui de l’amour et de la fraternité. Le seul critère de séparation qui y subsiste, c’est l’amour des petits. D’un côté, il y aura ceux qui auront aimé et de l’autre ceux qui ne l’auront pas fait.

« J’ai eu faim… », nous dit Jésus. Oui, bien sûr, chacun pense à la faim matérielle. Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants vivent chaque jour avec la faim au ventre. Des organismes humanitaires ne cessent de nous le rappeler. Et même dans nos villes tranquilles, dans nos écoles, nous pouvons découvrir des personnes qui n’ont rien à manger ou très peu. Mais en même temps, nous ne devons pas oublier ceux qui ont faim d’amitié, faim d’être reconnus et considérés, faim de justice et de paix. À travers eux, c’est aussi le Christ qui est là.

« J’étais un étranger… ». Nous pensons tous aux immigrés, aux sans papier. Beaucoup vivent une situation dramatique et nous ne pouvons demeurer indifférents. Mais il y a d’autres manières de devenir étranger à l’autre. C’est ce qui arrive quand des couples se déchirent, ou encore dans les conflits de voisinage ou sur les lieux de travail. À travers l’étranger, c’est le Seigneur que nous ne savons pas toujours reconnaître. C’est lui que nous accueillons ou que nous rejetons.

« J’étais prisonnier… ». Nous pensons à ceux qui sont en prison à cause de leurs actes ; nous n’oublions pas les otages qui sont retenus loin de chez eux contre leur gré – on les appelle les esclaves modernes. Mais on peut aussi être prisonniers de diverses autres manières. Beaucoup sont enfermés dans leur mauvaise réputation. On ne leur laisse aucune chance. D’autres sont prisonniers de l’alcool, de la drogue ou de leurs mauvaises habitudes. En général, on évite de les fréquenter. Et pourtant, à travers eux, c’est encore et toujours le Christ qui est là. Comme pour Caïn dans le livre de la Genèse, le Seigneur nous demandera : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 4,10).

C’est exclusivement sur l’amour que nous serons jugés. Mais ce jugement, ce n’est pas seulement pour plus tard, pour après notre mort. C’est maintenant que nous accueillons ou que nous refusons d’accueillir le Christ. Dieu n’aura pas à juger les hommes. Ils se seront eux-mêmes arbitrés tout au long de leur vie en accueillant ou en refusant son Royaume d’amour. Dieu n’aura rien d’autre à faire qu’à dévoiler ce qui était caché en chacune de nos journées.

Quand arrivera la rencontre du Seigneur, nous comprendrons alors que ce que l’on a fait à quiconque dans le besoin, c’est à Jésus Christ qu’on l’a fait. Autrement dit : servir le Christ commence par répondre oui ou non aux appels de l’autre qui est dans le besoin.

L’évangile d’aujourd’hui vise à nous provoquer à l’aujourd'hui de la rencontre du Christ dans le frère souffrant. Sommes-nous assez prompts à reconnaître le Christ dans le pauvre souffrant ? Ces petits sont les frères du Christ et aussi nos frères. Saurons-nous entendre leur appel à chaque instant ? A l’inverse, le regard de Dieu sur nous n’est pas un regard inquisiteur et malveillant : il est le regard de celui qui est à la recherche de sa brebis perdue.

La fête du Christ Roi de l’univers prend ici tout son sens. C’est à ma manière d’accueillir et de servir l’autre souffrant que je contribue à l’avènement du Royaume de justice, de paix et d’amour. Que la demande du Notre Père « Que ton règne vienne » ne nous mette pas seulement en position d’attente passive, mais qu’elle devienne pour nous un moteur, une véritable participation à la construction de ce Royaume.

Dans l’eucharistie que nous célébrons, nous apprenons à reconnaître le Seigneur, dans la Parole et le Pain de Vie. Il faut aussi apprendre à le reconnaître dans les pauvres. C’est auprès d’eux que nous sommes renvoyés si nous voulons le rencontrer. Supplions-le : « Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets dans nos ténèbres ton Esprit d’Amour ». Amen.