C CARÊME 02 LUC 09,28b-36 (17)
Chimay : 16.03.2025
Frères et sœurs, les textes de la Parole de Dieu de ce jour sont là pour nous aider à mieux entrer dans l’esprit du Carême. Ce n’est pas d’abord un temps de pénitence et de mortifications austères. Ce qui est premier c’est la rencontre avec Dieu. Il nous appelle tous à lui et il attend de chacun de nous une réponse libre et aimante.
C’est ce qui s’est passé avec Abraham (Gn 15,5-18). C’est souvent dans nos doutes et nos nuits que Dieu passe près de nous comme une torche de feu. Dieu a appelé Abraham à quitter son pays et sa famille. Abraham s’est mis en route. Il a fait confiance à la Parole de Dieu. Vivre le Carême, c’est sortir de notre petite vie tranquille, c’est nous nourrir chaque jour de l’Évangile, c’est suivre le Seigneur sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Ce qui est extraordinaire, c’est que Dieu a un grand désir de nous combler de ses bénédictions. Il désire notre avancement, notre progression, notre sanctification.
Le renouvellement de l’Alliance avec Abraham débute par une sortie sous les étoiles. Abraham est invité à se placer sous ce ciel immense qu’il n’a pas créé et qui brille de lumières inaccessibles et mystérieuses. Il fait alors une expérience de transcendance et de dépossession. Il acquiert très vite la certitude que Dieu sera toujours présent dans sa vie. Et puis, subitement, tout redevient concret, matériel, réel, historique. Dieu le ramène sur terre, dans l’histoire qui est la sienne, le fait rentrer dans l’atmosphère. Il lui fait quitter l’immensité du ciel pour lui parler des conditions concrètes de sa survie. Il lui promet une terre pour planter sa tente, à lui et à sa descendance. Abraham, qui était dans les étoiles, en revient. Retrouvant les contraintes et les limites de sa vie, il craint de passer à côté de la promesse faite par Dieu. « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que j’ai cette terre en héritage ? » (Gn 15,8).
Abraham a des difficultés à faire le lien entre la beauté du ciel étoilé et le concret de son existence. Faire le lien entre le ciel et la terre n’est pas évident et pose question à beaucoup d’entre nous. C’est pourtant précisément dans ce chemin, entre les deux que se bâtit une existence. L’interrogation qui est celle d’Abraham, qui sera celle de la Vierge Marie à l’Annonciation, est aussi la nôtre. C’est la question légitime du comment, à laquelle Dieu ne répond pas précisément. Ce serait enfermer à nouveau cette relation de confiance dans des questions d’intendance. La suite de ce texte de la Genèse affole notre logique : un rite, l’éloignement de charognards, un sommeil profond, des frayeurs, des ténèbres et du feu. Rien de rassurant, rien de maîtrisable. C’est symboliquement l’aventure de la foi. Nous savons que Dieu accomplira les promesses faites à Abraham qui finira sa vie comblé. Pour le moment l’important est de sceller l’Alliance avec Dieu pour vivre sereinement ce qui adviendra.
Quant à nous, nous attendons que Jésus Christ transforme « nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » (Ph 3,21). La lettre de saint Paul à Timothée rejoint le texte de la Genèse qui vient d’être proclamé. Elle nous redit le grand projet de Dieu. Il ne souhaite rien d’autre que de déployer la bénédiction confiée à Abraham : « Notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort et en faisant resplendir la vie » (2 Tm 1,10). Notre mission de disciples c’est d’annoncer cette bonne nouvelle partout et à tous. Dieu nous appelle tous à être ses collaborateurs à son projet de Salut.
L’Évangile nous rapporte le récit de la Transfiguration du Seigneur. Jésus conduit trois de ses disciples sur la montagne pour leur laisser entrevoir la beauté de sa divinité. Nous nous rappelons qu’un jour, il avait dit : « Je suis la Lumière du monde » (Jn 8,12). Aujourd’hui, il laisse transparaître devant ses disciples un peu de cette lumière qui est en lui. Quelques jours plus tard, ils verront son visage défiguré. Il fallait les affermir dans la foi.
Cet Évangile de la Transfiguration nous décrit ce qui se passe le dimanche à la messe. Après six jours de travail, Jésus nous réunit et nous conduit dans un lieu élevé. Nous avons tous besoin de nous élever. Il ne s’agit pas pour nous de fuir le monde ou de nous évader. Si le Christ nous appelle à lui, c’est pour nous faire contempler « les choses du ciel », des choses autres que celles limitées et terrestres. Cette rencontre, c’est quelque chose d’extraordinaire car elle donne une orientation nouvelle à notre vie.
Dans l’Évangile de ce jour, nous lisons que Jésus prend avec lui trois de ses disciples. En réalité, son grand désir, c’est de les prendre tous. Dans l’Évangile de saint Jean, ce désir se transforme en prière : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,24). C’est exactement ce qui se passe sur le mont Tabor. Et c’est aussi ce qui se passe au cours de la messe. Ce rendez-vous avec le Christ est un événement qu’il ne faut surtout pas manquer.
L’apôtre Pierre aurait aimé rester là en compagnie de Jésus, Moïse et Élie. Mais il est interrompu par la voix qui vient de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien aimé qui a toute ma faveur. Écoutez-le » (Lc 9,35). Cette voix s’adresse aussi à nous : Écoutez l’Évangile ; c’est la parole la plus précieuse, la plus explicite et la plus lumineuse que le Seigneur nous a donnée. Suite à cette parole, les apôtres se sont trouvés plongés dans une aventure plus sérieuse et plus profonde que ce qu’ils avaient imaginé.
Il en est de même pour nous avec Jésus et l’Évangile. Si nous l’accueillons, nous serons entraînés dans une nouvelle aventure. Elle sera bien plus belle et bien plus grande que tout ce à quoi nous pouvions nous attendre. Avec lui, notre vie peut devenir plus belle et plus lumineuse. Nous ne devons pas avoir peur. Le visage de Jésus transfigure les cœurs et le monde. Il reste avec nous tous les jours. Pour vraiment changer notre vie, c’est lui qu’il nous faut écouter. « Il a vaincu la mort et a fait resplendir la vie » (2 Tm 1,10). C’est une lumière discrète qui illumine tous les instants de notre vie. C’est aussi une lumière qui se transmet. Avec l’amour, tout grandit et se pare de couleurs.
Tout au long de ce Carême, le Seigneur nous appelle à gravir la montagne et à nous approcher de lui. Nous devons prendre au sérieux l’appel que le Père nous adresse : « Écoutez-le ». Toute l’histoire du salut est récapitulée ici. Moïse est l’envoyé de Dieu pour libérer le peuple de l’esclavage et lui donner la Loi nécessaire pour vivre. Élie confirme la parole bienveillante et fiable de Dieu. Jésus est lui-même la révélation et l’accomplissement de ce plan divin du salut de tout homme, de toute l’humanité : Jésus, c’est-à-dire Dieu sauve.