C PÂQUES 02 JEAN 20,19-31 (16)
Chimay : 27.04.2025
Frères et sœurs, ce deuxième dimanche de Pâques est pour nous celui de la divine miséricorde. Les lectures bibliques nous montrent à quel point notre Dieu est miséricordieux.
La première lecture est extraite du livre des Actes des Apôtres (Ac 5,12-16). Elle nous montre des communautés chrétiennes qui ont accueilli cette miséricorde du Seigneur. Leur rencontre avec lui a totalement changé la vie de ces gens. Ils comprennent qu’ils sont appelés à devenir une communauté de partage, de prière et de découverte de Dieu. L’unanimité des premiers chrétiens faisait l’admiration de tous et entraînait des conversions. Cette miséricorde dont nous bénéficions aussi est offerte à tous les hommes du monde entier.
Dans la seconde lecture (Ap 1,1-19), saint Jean veut nous ramener au cœur de la foi au Christ. Car la foi renouvelle radicalement notre vision du monde. Elle nous fait tout voir à la lumière de cette miséricorde qui s’est manifesté en Jésus. Ce monde que Dieu a tant aimé, nous sommes invités à l’aimer nous aussi. Si nous aimons Dieu, nous devons aimer aussi tous nos frères. C’est un combat de tous les jours contre les forces du mal et de division. Mais le Seigneur ne nous abandonne pas. Saint Paul nous dit que « rien ne peut nous séparer de son amour » (Rm 8,35).
Il se peut que certaines personnes jugent qu’une vie bénie de Dieu implique richesse, santé et longévité. Dans l’épreuve, elles risquent donc de se demander si Dieu les aime encore. Saint Paul nous rappelle toutefois que « rien ne peut nous séparer de l’amour de Jésus – ni la tribulation, ni l’angoisse, ni la persécution, ni la faim » (Rm 8,35). Voici le fondement d’une vie véritablement bénie : Dieu nous a manifesté son amour en envoyant son Fils Jésus nous révéler sa miséricorde pour le monde.
Avec l’Évangile, nous sommes plus que jamais dans la miséricorde de Jésus. En ce premier jour de la semaine, il rejoint ses disciples. Il les trouve calfeutrés, verrouillés, enfermés à double tour. Ils s’attendent maintenant à subir le même sort que leur Maître. Ils cherchent donc à se faire oublier. En raison du danger qui les menace, ils évitent d’aller se promener en ville.
Ce danger est toujours actuel : comment affronter les moqueries d’un monde qui se croit intelligent, d’un monde qui attaque Dieu, l’Église, le pape, les chrétiens ? Nous voyons bien qu’il n’est pas facile de vivre sa foi dans le monde d’aujourd’hui. La tentation est grande de se replier dans de petits ghettos et de rester entre nous. C’est ainsi qu’on essaie de tenir devant l’orage. Comment ne pas penser que dans cet océan d’indifférence, il n’y a plus rien à faire ?
Mais en ce jour de Pâques, le Christ nous rejoint pour nous libérer de cette peur. Il invite ses apôtres à sortir et à partir en mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). Ses premières paroles sont un message de paix. Cette paix du Christ, le chrétien en est porteur pour ses frères : « Allez dans le monde : devenez l’espérance des hommes », disait saint Jean Chrysostome. Nous sommes également appelés à devenir des porteurs d’amour. Cet amour va jusqu’au pardon. Tout chrétien est instrument de la miséricorde de Dieu. S’adressant aux Éphésiens, saint Paul écrivait : « Pardonnez-vous mutuellement comme Dieu vous a pardonné dans le Christ » (Ep 4,32).
Il nous reste le cas de l’apôtre Thomas le retardataire. Ce n’est pas à lui qu’on fera croire ce qu’il n’a pas vu. Ce qu’il a vu, c’est Jésus crucifié et enfermé dans un tombeau. Je connais quelques Thomas. L’un d’eux fut mon professeur de philosophie. Un homme fort inspirant, qui a poursuivi sa mission de stimuler chez ses étudiants le goût du questionnement et de la recherche du vrai. Un autre est un ami. Son père étant mort avant sa naissance, il a dû se fier au témoignage des autres pour le connaître et l’aimer. J’ajoute les grands Curie, Edison, Becket, Merton, Moore rencontrés au fil de mes lectures, sans oublier Albinoni, Bach, Beethoven, Mozart. Tous des gens qui ont été des chercheurs de vérité. Mais à mes yeux, le Thomas de l’Évangile incarne à lui seul la passion, la détermination, le réalisme et la sincérité des autres.
Le disciple est tout aussi bouleversé que les autres par la mort de Jésus. Mais alors que ses amis se terrent dans la peur, lui est dehors, dans les rues de Jérusalem. Lucide et entier, il n’accepte pas d’emblée ce que les autres lui rapportent. Jésus est vivant ? Thomas croira quand il aura mis ses mains dans ses blessures ! Le récit ne dit pas qu’il l’a fait. Saint Jean rapporte plutôt sa réaction à la vue du Seigneur. Comme il est heureux de s’être trompé ! Sa joie s’exprime dans la plus belle profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
En effet, le Christ ressuscité ne manque pas d’humour. Pour répondre à sa demande, il invite Thomas à s’approcher et à toucher ses plaies. Mais ce dernier n’en a pas eu besoin. Il va même plus loin que ses amis car il a été le premier à reconnaître en Jésus « Son Seigneur et son Dieu » (Jn 20,28). C’est la rencontre et la Parole de Jésus qui provoquent la profession de foi de l’incrédule. Les doutes de l’apôtre Thomas deviennent pour lui un chemin de foi. En est-il de même pour nous ?
Ce qui arrive au pauvre Thomas, qui est absent au moment crucial, c’est un peu l’histoire de chacun de nous. Il n’est pas tant le symbole de ceux qui doutent trop que celui de ceux qui cherchent à croire comme ils sont et comme ils peuvent en assumant d’avoir été absents au moment où, pour d’autres, la foi était une évidence. Nous aussi, comme ce disciple, nous aimerions avoir des preuves. Mais le Seigneur ne cesse de nous rappeler ces paroles : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). Alors, quitte à être comme l’apôtre Thomas, soyons-le jusqu’au bout ; et que son aventure soit la nôtre.
« Mon Seigneur et mon Dieu… » C’est la prière que nous pouvons faire chaque fois que nous rencontrons quelqu’un sur notre route. C’est une manière de reconnaître la présence de Dieu en lui. Cet acte de foi va changer notre regard sur les autres. Nous apprendrons à les voir avec le regard miséricordieux du Christ. Nous sommes envoyés dans le monde auprès des enfants, des jeunes, des adultes, des malades et des bien portants. N’oublions pas ceux qui sont enfermés dans la violence, la haine, l’exclusion. Comme les apôtres, ils sont tous appelés à se laisser transformer par la miséricorde du Seigneur.
C’est tous les jours que le Seigneur fait le premier pas vers nous. Son grand projet c’est de libérer tous les hommes et de les combler de son amour. A travers nous, c’est lui qui est là et qui agit pour donner sa paix. Ils sont nombreux, autour de nous, ceux et celles qui vivent dans l’angoisse et la peur. Ils ont besoin de rencontrer autour d’eux des témoins de cette joie et de cette espérance que le Seigneur met en nous.
En ce dimanche, nous nous tournons vers le Seigneur : qu’il nous rende plus disponibles à la force de la foi. Qu’il soit avec nous pour que nous soyons plus courageux dans le témoignage. Qu’il nous garde plus généreux dans la pratique de la charité fraternelle.