C TOUSSAINT MATTHIEU 05,01-12a (10)

Chimay : 01.11.2025

C Toussaint 2025Frères et sœurs, c’est aujourd’hui la fête de tous ceux et celles qui sont dans la joie auprès de Dieu. Dans la première lecture, l’auteur de l’Apocalypse (Ap 7,2-14) nous en fait un tableau enthousiasmant, extraordinaire. Il nous montre que la sainteté n’est pas réservée à quelques privilégiés. C’est une grâce que Dieu prépare pour une multitude innombrable. Dieu la propose à tous ; nous sommes tous appelés à la sainteté. Malheureusement, certains résistent et n’accueillent que péniblement cette grâce très précieuse de Dieu.  

L’auteur de l’Apocalypse (Ap 7,2-14) nous parle de 144 000 personnes qui proviennent de toutes les tribus d’Israël. Ce chiffre représente le très grand nombre de croyants qui forment le nouveau peuple de Dieu. Cette foule immense que nul ne peut dénombrer vient de tous les horizons, du monde juif aussi bien que du monde païen. Au-delà des épreuves et des persécutions, ils découvrent le Christ, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Avec lui, le mal n’aura pas le dernier mot car l’Amour est plus fort que tout. Cette phrase exprime l’idée que l’amour peut aider à surmonter la peur, les difficultés et même la perte, comme le montre l’affirmation « l’amour est plus fort que tout » face à la mort. Elle peut s’appliquer à l’amour romantique, mais aussi à l’amour familial et amical, comme l’amour qu’un parent porte à son enfant ou le soutien inconditionnel entre amis.

La victoire de cette foule immense dont nous parle l’Apocalypse est déjà la nôtre. Cette foule immense est déjà près de Dieu et du Christ. Unis à cette foule par la communion des saints, nous chantons notre espérance en participant à cette fête. Nous attendons le triomphe définitif du Christ sur le mal.

Cet amour de Dieu pour chacun de nous, c’est quelque chose d’extraordinaire. C’est saint Jean qui nous le dit dans la deuxième lecture (1 Jn 3,1-3). Dieu « a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes » (1 Jn 3,1). Mais la sainteté n’est pas quelque chose que nous pouvons acquérir par nos seules forces ni en accomplissant des performances spirituelles ; c’est Dieu qui nous la communique, même à nous pauvres pécheurs. Ce qui nous est simplement demandé, c’est d’avoir les mains et le cœur ouverts pour accueillir cet amour qui est en Dieu. C’est ainsi que nous pourrons vivre notre condition de fils et de filles de Dieu. Nous vivons des situations difficiles, mais si nous nous attachons au Christ, rien ne peut nous séparer de son amour.

Aujourd’hui, l’Église nous invite donc à fêter tous ceux et celles qui ont réussi leur vie, ici-bas et dans l’autre monde. Dans l’Évangile, Jésus nous présente le chemin qui les a conduits au bonheur. Ce bonheur n’a rien à voir avec celui que le monde nous donne pour modèle. Comme l’exprimait l’abbé Denis Sonnet : « Beaucoup ne pensent qu’à celui des personnes riches, belles, intelligentes, diplômées, pistonnées »[1]. Au contraire, Jésus nous dit : « Heureux les pauvres de cœur… ceux qui pleurent… ceux qui sont persécutés pour la justice… les cœurs purs… les miséricordieux… » Ce message du Christ est proclamé aujourd’hui dans toutes les églises du monde entier. Il nous rejoint tous, nous qui sommes rassemblés en son nom.

Pour beaucoup, le vrai bonheur c’est d’être riche et en bonne santé plutôt que pauvre et malade. Et pourtant, nous voyons bien que les richesses du monde ne suffisent pas à nous combler. Car il vaut mieux être pauvre et en santé que riche et malade. Les gens de ma génération se souviennent certainement de cette citation d’Yvon Deschamps provenant du monologue « L’argent ». L’idée est un dicton populaire qui souligne que la santé est une priorité fondamentale, mais il est important de noter que les inégalités sociales ont un impact direct sur la santé. Des études montrent que les personnes pauvres sont plus vulnérables aux maladies et ont une espérance de vie plus courte. On pourrait même dire que l’adage populaire est faux, car il ne prend pas en compte la difficulté d’être en bonne santé quand on vit dans la pauvreté. Il est plus juste d’affirmer que mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade.  Toutefois le seul qui peut vraiment nous combler et nous rendre heureux, c’est le Seigneur. En allant à lui et en le suivant, nous choisissons « la meilleure part » (Lc 10,42). Mais ce ne sera possible que si nous ne sommes pas accaparés par nos richesses. Ainsi, nous serons entièrement disponibles pour accueillir le salut de Dieu. Car lui seul peut nous combler pleinement.

C’est ce chemin qui a été suivi par les saints que nous fêtons en ce jour. L’Église est fière de nous montrer tous ceux qui ont vécu au mieux l’Évangile des béatitudes. Nous pensons à tous ceux et celles qui ont marqué l’histoire humaine et chrétienne, les apôtres, les martyrs, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui. Mais la sainteté n’est pas offerte seulement à quelques élites. Elle est pour tous. Pour y parvenir, il suffit d’accueillir le Seigneur et de le laisser agir en nous, de s’abandonner à lui. « Il est le Chemin, la Vérité et la Vie ; c’est par lui que nous allons au Père » (Jn 14,6). Pour les chrétiens, cela signifie que Jésus est le seul moyen d’accéder à Dieu, qu’il est la révélation de la vérité divine et qu’il offre la vie spirituelle et éternelle. 

La tentation est grande de dire que “ce n’est pas pour moi pauvre pécheur”. Cette réplique est une variation de la prière catholique « Priez pour nous, pauvres pécheurs » qui se trouve dans le « Je vous salue Marie ». Elle exprime l’humilité et le sentiment d’indignité, comme si le priant pensait que les bénédictions, la grâce ou les faveurs ne lui sont pas destinées en raison de sa condition de pécheur.  Il faut le dire et le redire, elle est pour chacun de nous ; au ciel, il n’y a que des saints et des saintes. Certains ont été de grands pécheurs, mais ils ont accueilli le pardon de Dieu : pensons à Pierre qui avait renié le Christ, à Paul qui avait persécuté les chrétiens, à saint Augustin qui avait passé toute une partie de sa vie dans la débauche, à François d’Assise et à bien d’autres… Leur rencontre avec le Christ a complètement bouleversé leur vie. C’est ce qu’il veut aussi pour chacun de nous : il est capable de venir nous chercher très loin et très bas.

Alors en communion les uns avec les autres et avec tous les chrétiens du monde entier, nous pouvons chanter : « Dieu, nous te louons, Seigneur, nous t’acclamons dans l’immense cortège de tous les saints » (Jean Fallaix et R. Marthouret CNA 646 – W 1).

[1] Denis Sonet, né le 3 avril 1926 à Plancher-les-Mines et mort le 23 septembre 2015 à Saint-André-les-Vergers, est un prêtre catholique, aumônier puis formateur de conseillers conjugaux et d’éducateurs au Centre de liaison des équipes de recherche (Cler) depuis 1969 et auteur de nombreuses conférences où il reprend les thèmes de ses ouvrages sur la vie sexuelle et affective.