C IMMACULÉE-CONCEPTION LUC 01,26-38 (5)
Scourmont : 08.12.2021
Frères et sœurs, sur notre route de l’Avent, nous rencontrons cette fête de Marie que nous appelons l’Immaculée Conception. En vertu d’une grâce exceptionnelle, Marie, Mère de Jésus n’a jamais connu le mal. « Elle est celle qui n’a jamais refusé à Dieu la plus petite preuve d’amour » (Mgr Thomas). Ainsi elle a pu donner au monde le Fils qui a écrasé le mal qui rongeait l’humanité. La Constitution sur l’Eglise du Concile Vatican ii nous dit que « depuis le premier instant de son existence, elle est enrichie des splendeurs d’une sainteté singulière ». Elle a été appelée « la toute sainte ». Et ce que Dieu notre Père veut accomplir en nous : nous rendre saints et irréprochables devant lui (Lv 20,26 ; 1 Pi 1,16), il l’a réalisé à l’avance en Marie, conçue sans péché.
Le dogme de l’Immaculée Conception a été proclamé par le bienheureux pape Pie ix en 1854. Quatre ans plus tard, la petite Bernadette Soubirous de Lourdes, qui ne connaissait rien au vocabulaire théologique, recevra une confirmation de cette révélation. Et elle arrivera chez le curé Peyramale avec cette parole : « La dame a dit : Je suis l’Immaculée Conception ».
« Les dogmes, disait saint John Henry Newman, sont au service de notre vie spirituelle. Ils servent à nous donner une image juste de Dieu qui nous invite à nous tourner vers Lui dans une recherche ardente et une attitude d’humble adoration ». Ce qui est attesté de Marie en cette fête d’aujourd’hui a pour raison essentielle de nous fortifier dans la ferveur envers Dieu. Il n’est pas anodin qu’une humble enfant de Lourdes ait reçu d’alléguer au curé Peyramale l’identité de la dame qui apparaissait au rocher de Massabielle. Il faut être infiniment petit pour devenir porteur d’une si divine présence.
A l’occasion de cette fête d’aujourd’hui, la liturgie nous fait entendre l’Evangile de l’Annonciation. Ce récit, nous le connaissons bien. C’est l’instant divin qui a entièrement bouleversé l’humanité. L’ange Gabriel se rend chez une autre petite, la Vierge Marie, pour lui annoncer qu’elle a été choisie par Dieu pour être la Mère de son Fils. L’ange attendait sa réponse. En effet, quand Dieu appelle, il respecte la liberté de chacun. Marie reste libre d’accepter ou de refuser. Elle cherche simplement à comprendre : « Comment cela va-t-il se faire ? » (Lc 1,34). L’ange lui répond : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très haut te prendra sous son ombre » (Lc 1,35). Et Marie accepte en prononçant ces simples paroles : « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1,38).
Ainsi la fête d’aujourd’hui nous donne l’occasion de réfléchir à ce rôle de la plus haute importance que Dieu a confié à Marie. Aujourd’hui encore, le Seigneur continue à appeler des hommes, des femmes et même des enfants. Ce n’est plus par l’ange Gabriel qui intervient dans notre vie. Le Seigneur nous rejoint dans les diverses circonstances de notre quotidien par les personnes qu’il met sur notre route. Il peut aussi nous interpeler par une parole d’évangile ou par un événement particulier. Il peut même venir nous chercher très loin et nous inviter à puiser à la Source de son amour pour le rayonner autour de nous. Nous sommes choisis par Dieu pour incarner sa bonté, sa tendresse et sa justice, sa miséricorde, son pardon, etc. Dans ce monde troublé, c’est plus que jamais nécessaire que d’être reflet de la gloire de Dieu.
Le Seigneur a besoin de nos mains pour continuer les siennes. Il a besoin de nos lèvres pour prononcer ses paroles. Il a besoin de nos yeux pour voir la souffrance humaine et la soulager. Quelle que soit la demande qu’il nous fait, il nous invite à lui répondre oui. Et à l’instant où nous disons oui, c’est comme un-raz-de marée qui emporte tout sur son passage. C’est une grande aventure qui commence. Il n’y a pas de plus grand honneur pour les hommes que d’être les serviteurs de l’amour. Marie n’a pas suivi d’autre chemin. Elle a été la servante du Seigneur ; et aujourd’hui, elle nous répète : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).
En ce jour, la demande nous est posée bien simplement : Accepterons-nous la venue du Christ en nous et dans notre vie. Porter Dieu en nous et l’offrir au monde, c’est quelque chose d’extraordinaire. Nous y trouverons une joie que personne ne peut nous enlever. Avec lui et avec Marie, nos visites deviendront des visitations. C’est à cela que nous sommes appelés quand nous nous rendons auprès d’une personne malade ou dans le besoin. Nous serons peut-être conduits sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Mais nous savons que l’amour de Dieu ne nous décevra pas.
Comme Marie, Dieu nous appelle pour nous confier une mission, une responsabilité. Il compte sur nous dans notre paroisse, notre famille, notre monastère, nos lieux de vie et de travail pour être les témoins et les messagers de son amour. Si nous répondons non, nous restons dans la nuit. En effet, ce n’est pas ce que nous donnons à Dieu qui fait mal, mais ce que nous lui refusons. Si nous répondons oui, nous devenons porteurs de lumière. La réponse nous appartient et personne ne peut répondre à la place de l’autre. Le Seigneur a besoin de notre accord personnel. Ne craignons pas : cette mission est tournée vers le bonheur, le nôtre et celui des autres. En ce temps d’espérance, nous demandons à Dieu de nous rendre accueillants à l’appel et à la venue de son Fils dans notre vie et notre monde. « Viens Emmanuel ! »
Le Seigneur continue à vouloir chercher et sauver ceux qui sont perdus (Lc 19,10). C’est pour cela qu’il est venu dans notre monde. Nous qui avons instinctivement le goût du péché, regardons vers Marie qui a le goût de Dieu, dirait saint Bernard. Dans ces homélies soigneusement écrites, il reconnaît en Marie les qualités de la vie monastique. Mais surtout, elle est pour lui la Mère de Dieu, celle qui est en si grande proximité de Dieu que Dieu est en elle encore plus proche de nous. Saint Bernard n’a aucun doute : à travers Marie, nous sommes conduits à Jésus. Comme il l’évoque dans cette belle homélie :
« Ô homme, qui que tu sois, qui dans cette marée du monde te sens emporté à la dérive parmi les orages et les tempêtes, ne quitte pas des yeux la lumière de cette étoile. Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie ! Si l’orgueil, l’ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues, regarde l’étoile, crie vers Marie ! Si la colère ou l’avarice, si les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie. Quand, tourmenté par l’énormité de tes fautes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par la menace du jugement, tu te laisses happer par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie. Dans les périls, les angoisses, les situations critiques, invoque Marie, crie vers Marie ! Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton cœur, et pour obtenir la faveur de ses prières, ne cesse pas d’imiter sa vie » (Extrait de la deuxième homélie Super Missus est, 17).
La Vierge Marie s’est laissé pénétrer par l’amour de Dieu qui l’a rendue immaculée. Qu’elle nous oriente vers l’adoration, la reconnaissance, le goût d’une vie entièrement donnée.