B AVENT 04 LUC 01,26-38 (11)
Chimay : 24.12.2023
Frères et sœurs, nous célébrons ce matin la messe du 4e dimanche de l’Avent. Tout au long de cette période, nous avons entendu un mot important : c’est le verbe « VENIR » . Le temps de l’Avent nous rappelle que Jésus est venu lors du premier Noël. Ce même Jésus est celui qui vient dans notre vie de tous les jours. Lui-même nous l’a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Il est également celui qui reviendra ; nous attendons son grand retour à la fin des temps.
Cette venue du Seigneur était déjà annoncée dans le 2e livre de Samuel (2Sm 7,1-16). À l’époque, l’Arche de l’Alliance était le symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Alors le roi David vient trouver le prophète Nathan et lui dit : « Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile ! » (2Sm 7,3). Pour lui, ce n’est pas normal ; il voudrait pour son Dieu un temple grandiose. Mais par l’intermédiaire du prophète, Dieu lui fait comprendre qu’il n’a pas besoin d’un temple de pierres. À la lumière des Évangiles, les chrétiens comprendront que le seul vrai temple, c’est Jésus. En lui, c’est Dieu qui se rend présent au monde.
Dans la lettre aux Romains (16,25-27), l’apôtre Paul rend grâce à Dieu qui a enfin révélé son secret. Cette venue du Sauveur était prévue depuis toujours. Les croyants ont dû attendre et apprendre à faire confiance. C’est ainsi qu’il les a fait pénétrer dans le cœur de son secret : Dieu lui-même s’est fait homme. Les chrétiens croient que Dieu s’est fait homme en la personne de Jésus Christ. Mais pourquoi Dieu aurait-il voulu partager notre vie ? La réponse tient en deux mots : par amour. Cela ne cesse cependant d’interpeller les croyants. Cette question résiste : que Dieu soit Dieu cela nous convient, que l’homme soit homme cela nous convient aussi : mais que Dieu ait pu devenir l’un de nous, cela pose problème.
Quand il s’agit de croire que Dieu a pris notre condition, ça dérange, parce qu’on a l’impression que quand on regarde sa propre humanité, sa propre chair, on en voit ses jouissances mais on en voit très vite ses défauts, ses souffrances, ses limites, ses faiblesses. L’incarnation est quelque chose de difficile à concevoir, même pour ceux qui se disent croyants, elle est sans cesse à méditer. Essayer de concevoir que Dieu ait pu passer par la case de notre humanité, c’est-à-dire non seulement qu’il soit l’un de nous, mais qu’il ait pu éprouver tout ce que nous vivons, surtout dans la question de la souffrance, cela demeure une question qui devient de plus en plus grave. Pourtant cette bonne nouvelle a été « portée à la connaissance des peuples païens pour les conduire à l’obéissance de la foi » (Rm 16,26). En Jésus, c’est Dieu qui vient à eux pour les sortir de la vie sans but qui était la leur jusque-là. À la suite de Paul et de toute l’Église, nous rendons grâce à Dieu pour cette merveille : « Le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14).
Dans l’Évangile de ce jour, nous avons entendu le récit de l’Annonciation ou plutôt celui de la vocation de Marie. L’ange Gabriel, dont l’étymologie signifie Dieu est ma force, se rend chez elle pour lui annoncer qu’elle a été choisie par Dieu pour être la mère de son Fils. Et Marie répond librement : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,38). Cet Évangile est une réponse à notre première lecture. Dieu ne veut pas habiter une maison grandiose. Son grand désir c’est d’habiter le cœur des hommes. Il est « Emmanuel », Dieu avec nous. Il veut que nous devenions familiers de sa présence et que nous cheminions avec lui.
Noël c’est d’abord Jésus qui vient : il frappe discrètement à notre porte et il attend une réponse (Ap 3,20). Il faut le dire et le redire à ceux qui ne le savent pas : le plus beau cadeau de Noël c’est Jésus qui vient habiter en nous, et ajoute saint Paul : « qui peut nous rendre forts » (Rm 16,25). Ce cadeau que Dieu nous fait, nous ne pouvons pas le garder pour nous. Accueillir Dieu et le donner au monde, c’est quelque chose d’extraordinaire. Nous y trouvons une joie que personne ne peut nous enlever. À la suite de la Vierge Marie, nous sommes choisis et appelés par Dieu pour incarner sa bonté, sa tendresse et sa justice. Il a besoin de nos mains pour continuer les siennes. Il a besoin de nos yeux pour voir la souffrance humaine et la soulager. Le Seigneur nous embauche pour travailler à sa vigne. Quelle que soit la demande qu’il nous fait, il nous invite à lui répondre OUI.
Comme la Vierge Marie, Dieu nous confie une mission. Le synode nous l’a rappelé : « Que chaque personne, quel que soit son âge, puisse se poser la question de son devenir devant Dieu… et de son rôle au service de la communauté ». Le Seigneur compte sur nous tous pour témoigner de sa présence et de son amour auprès de tous ceux et celles qui ne le connaissent pas.
En ce 4e dimanche de l’Avent, la liturgie nous recentre donc sur la venue du Christ en notre chair. Marie nous accompagne alors dans son accueil de l’inattendu de Dieu au plus concret de son existence, et dans son consentement à remplir la mission qui lui a été confiée – à savoir, devenir la mère du Messie, lui donner un nom, l’inscrire dans l’histoire des hommes et des femmes que nous sommes.
Arrêtons-nous un instant à ce nom – Jésus signifie Dieu sauve – ce nom que Dieu fait connaître à Marie par Gabriel son envoyé. Un nom qui dit quelque chose de l’être et de la mission de l’enfant à naître, comme tous les noms bibliques. « Ce grand nom » qui, écrit Saint Alphonse-Marie de Liguori (xviie-xviiie s.), « est comparé par l’Esprit Saint à l’huile : ‟Ton nom est une huile qui s’épanche” (Ct 1,3). Pourquoi ? Parce que, explique Saint Bernard, de même que l’huile est à la fois lumière, aliment et remède, ainsi le nom de Jésus est lumière pour notre esprit, aliment pour notre cœur, remède pour notre âme ».
Alors, laissons ce nom vivre en notre être « jusqu’à ce que le Christ soit formé » en nous (Ga 4,19), et que nous puissions dire un jour, avec Saint Paul : « ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). De fait, nous sommes tous appelés à devenir « christophores », « porte-Christ », pour le monde qui nous entoure. Ce qui ne signifie en aucun cas un processus de dépersonnalisation, mais l’émergence de l’image de Dieu selon la tonalité unique qui est la nôtre.
En nous rassemblant à l’église ce matin, nous avons répondu à l’appel du Seigneur. Chaque dimanche, le Seigneur rejoint les communautés réunies en son nom. En nous nourrissant de sa Parole et de son Corps, il vient habiter en nous. Il veut être avec nous et en nous pour nous conduire vers le Royaume qu’il est venu annoncer. En ce jour, nous pouvons lui adresser cette prière : « Dieu qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce. Alors, tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure ». Amen