C 08 LUC 06, 39-45 (8)
Scourmont : 02.03.2025
Frères et sœurs, à quelques jours de l’entrée en Carême, les textes bibliques de ce dimanche nous proposent un chemin de conversion. Ils nous invitent au discernement et à l’humilité. Dans la première lecture, Ben Sira le Sage (Si 27,4-7) nous parle du tamis qui filtre les déchets. Nous avons, nous aussi, à faire le tri dans notre vie : pensons à tous ces bavardages futiles, ces publicités tapageuses, ces slogans que nous entendons à longueur de journée. Tout cela nous empêche de voir clair dans notre vie. Certaines paroles, certains commérages révèlent l’étroitesse d’esprit de celui qui les prononce. Ben Sira nous recommande de ne pas faire l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé. En effet, ses propos peuvent révéler le meilleur et le pire. Les paroles révèlent souvent les sentiments de notre cœur. Que révèlent les nôtres ?
Dans l’Évangile Jésus recommande à ses disciples de bien choisir leur maître, celui qui sera leur guide sur la route du royaume de Dieu. Nous comprenons bien qu’un aveugle ne peut pas guider un autre aveugle. Le malvoyant ne peut avancer dans la vie qu’en s’appuyant sur quelqu’un qui y voit bien, quelqu’un qui sait anticiper les moindres obstacles. Notre seul vrai guide, c’est Jésus lui-même ; il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6) ; c’est par lui que nous allons au Père ; c’est en mettant nos pas dans les siens que nous sommes assurés et rassurés ; Jésus est notre lumière ; il nous guide pour nous aider à discerner et à sortir de notre aveuglement.
Dans une deuxième parabole, le Christ nous recommande de « balayer devant notre porte ». Il dénonce l’attitude de celui qui veut enlever la paille dans l’œil de son frère alors qu’il y a une poutre dans le sien. Avant de juger un frère pour une peccadille, il vaudrait mieux faire un examen de conscience sur nos propres fautes. En effet, celles-ci peuvent s’avérer plus lourdes que celles du frère en question. Juger les autres, c’est risquer de l’hypocrisie, c’est vouloir se mettre à la place de Dieu. Nous sommes trop mal placés pour le faire. Le jugement appartient à Dieu seul. À notre jugement, il manque souvent la miséricorde.
Pour comprendre cet Évangile, c’est vers le Christ qu’il nous faut regarder : tout au long des Évangiles, nous le voyons accueillir les publicains, les pécheurs, les infréquentables de toutes sortes. Il aurait pu leur reprocher leur mauvaise vie et les rejeter. Après sa résurrection, il aurait pu faire des reproches à Pierre : « Qu’est-ce qui t’a pris ? Pourquoi m’as-tu renié ? Devrais-je te punir ? » Mais non, il pardonne ; il dit simplement à Pierre : « M’aimes-tu ? » (Jn 21,15). Lui-même nous dit qu’il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus (Lc 19,10). Nous connaissons la parabole du fils prodigue qui revient vers son père (Lc 15,11-32). Cette parabole nous dit que pour un seul pécheur qui se convertit, c’est jour de fête chez les anges de Dieu (Lc 15,10).
Une troisième parabole nous parle du bon arbre qui ne peut donner « de fruit pourri ». Ce qui est visé, c’est la cohérence entre la foi et la vie, entre ce qui est extérieur et ce qui est intérieur. Il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments : notre qualité chrétienne se manifeste en vérité dans notre capacité d’amour fraternel, de service et de témoignage. Au jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint a été répandu en abondance pour produire des fruits qui demeurent.
Cet Évangile rejoint notre Église dans ce qu’elle vit actuellement. Tout au long des siècles, elle a connu des crises très graves, des hérésies, des abus, des contre-témoignages de toutes sortes. Mais le Seigneur a toujours mis sur sa route les personnes qu’il fallait pour l’aider à se remettre en accord avec l’Évangile. Dans les moments dramatiques, des grands témoins de la foi ont donné le meilleur d’eux-mêmes. À travers eux, c’est l’appel du Seigneur qui retentissait : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ! » (Mc 1,15).
Vous connaissez sans doute l’histoire de Saint François d’Assise ? En 1205, devant le crucifix de Saint Damien, une petite église en ruines au pied d’Assise, il reçoit une révélation : le Christ lui demande de réparer son Église. L’Église de cette époque de grande mutation est en effet dans une situation déplorable. Mais c’est au premier degré que François a compris le message et le voici qui entreprend de réparer toutes les églises de la région. Il a alors 24 ans. L’année suivante, incompris de sa famille, de son père surtout, il rompt avec eux et renonce à ses biens. Sa rencontre avec un lépreux est déterminante. Pendant deux ans, il le soigne tout en continuant à réparer les chapelles. En 1208 – à vingt-sept ans – il découvre, en entendant la lecture de l’Évangile, que sa vocation est de suivre cet Évangile à la lettre. François est un homme de décision. Très vite, cette révélation, il la met en pratique, prêchant et appelant à la conversion dans le dénuement le plus total. Rapidement, des hommes, dont beaucoup de ses anciens amis, viennent le rejoindre. L’exemple de François et de ses frères ne cesse d’attirer des vocations nouvelles.
Nous chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes envoyés non pour dénoncer ou accuser mais pour être les témoins et les messagers de l’Évangile auprès de tous ceux et celles qui nous entourent. Le Seigneur nous assure de sa présence. Nous pouvons toujours compter sur lui, même dans les situations les plus désespérées.
Dans sa lettre aux Corinthiens (1 Co 15,64-56), saint Paul nous parle précisément de la victoire du Christ sur la mort et le péché. Cette victoire est double : Premièrement, par sa mort qui nous sauve, il nous réconcilie avec Dieu : grâce à lui, la mort peut devenir entre nos mains un acte de total abandon à l’amour du Père ; tout l’Évangile nous dit et nous redit que cet amour est bien plus grand que tous nos péchés. Même « si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur » (1 Jn 3,20). Deuxièmement, par sa résurrection, le Christ est le gage de notre propre résurrection. C’est à cette victoire sur la mort et le péché qu’il veut nous associer. La mort de Jésus a débouché sur la victoire de la résurrection ; désormais notre mort n’est plus une impasse.
En nous rassemblant pour l’Eucharistie, nous nous tournons vers Celui qui est la Lumière du monde. C’est cette lumière de l’Évangile que nous voulons accueillir en nous. Le Christ veut qu’elle brille aux yeux du monde afin que les hommes rendent gloire à Dieu. Nous lui demandons qu’il soit toujours avec nous et nous toujours avec lui pour cette mission qu’il nous confie.