Homélies de Dom Armand Veilleux données à Scourmont

24 décembre 2023 - 4ème dimanche de l'Avent

2 S 7,1-5.8b-12.14a.16; Rm 16,25-27; Lc 1,26-38

H O M É L I E

          On ne cesse jamais d'admirer l'art avec lequel l'Évangéliste Luc, dans les deux premiers chapitres de son Évangile, présente à la fois les personnages principaux et les thèmes majeurs de son Évangile dans un récit qui relève du genre midrash. Ce genre littéraire religieux, très utilisé du temps de Jésus, n'essayait pas de décrire des situations historiques comme le ferait un journaliste, mais s'efforçait de transmettre un message spirituel, souvent sans grande préoccupation de distinguer entre faits historiques et données symboliques.

10 septembre 2023 – 23ème dimanche ordinaire « A »

Ez 33, 7-9 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20

Homélie

          Dans la Vie de saint Pachôme (l’un des fondateurs de la vie monastique en Égypte au 4ème siècle), on trouve un texte très intéressant sur les "visions" et les "miracles".  À des frères qui l'interrogeaient sur ses visions, Pachôme répondit:  "Voulez-vous que je vous parle d'une grande vision? -- Il n'y a pas de plus grande vision que celle de voir le Dieu invisible dans un homme visible – c’est-à-dire, de voir Dieu dans votre frère!"  Et quant aux miracles et guérisons, voici ce qu'il leur dit: "Si un homme est si aveugle qu'il ne voit pas la lumière de Dieu, et si un frère l'amène à la foi, n'est-ce pas là une guérison?  Si un homme est muet au point de ne pas pouvoir dire la vérité, ou s'il est manchot à cause de sa paresse dans l'accomplissement des commandements de Dieu;  en d'autres mots, si un pécheur est amené à la repentance par l'aide d'un frère, n'est-ce pas là un grand miracle?"

15 janvier 2023 – 2ème dimanche ordinaire “A”

Is 49,3.5-6 ; 1 Co 1,1-3¸ Jn 1,29-34

H O M É L I E

          Les évangiles des dimanches ordinaires de l’année liturgique sont tirés chaque année d’un évangéliste différent : Matthieu pour l’année « A », Marc pour l’année « B » et Luc pour l’année « C ».  Cependant, en ce deuxième dimanche, celui qui suit la fête du Baptême du Seigneur, nous lisons chaque année une partie du témoignage de Jean-Baptiste sur Jésus selon l’Évangile de Jean.  Jean, en effet, ne raconte pas le baptême de Jésus par Jean-Baptiste, qui signale le début du ministère public de Jésus dans les autres évangiles, mais il s’attarde sur le témoignage de Jean. 

          Il s’agit d’un témoignage qui ne s’adresse à personne en particulier et qui vaut donc pour tous les hommes et toutes les femmes de tous les temps :  « Jean rendit ce témoignage... ».  Auparavant Jean avait déjà dit à ceux qui l’interrogeaient sur le sens de son baptême : « Il y en a un parmi ceux qui me suivent (c’est-à-dire parmi mes disciples) qui est plus grand que moi... ».  Alors le jour où il vient, il le reconnaît et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ».  Le titre d’agneau de Dieu réfère évidemment à l’agneau mangé chaque année lors de la célébration pascale, et, au-delà de ce mémorial, à l’agneau dont le sang avait marqué le linteau des portes des Juifs en Égypte, durant la nuit de la Fuite, et avait sauvé leurs premiers-né.  L’expression se référait aussi à l’agneau qu’on chassait chaque année au désert, symboliquement chargé par le prêtre de tous les péchés du peuple.

          Mais que signifie Jean-Baptiste, par l’expression « le péché du monde  » ?  Il ne dit pas « les péchés du monde », mais bien « le péché du monde ».  De quel péché s’agit-il ?  Traduire en inversant les mots, par exemple en disant : « qui enlève du monde le péché » serait un contresens.  « tèn hamartían tou kósmou » signifie vraiment « le péché du monde » et en quelque sorte, « le péché du monde par excellence ».  Et tout d’abord, de quel monde s’agit-il ?  Évidemment du monde dont vient tout juste de parler le Prologue de l’Évangile de Jean :  « Il était dans le monde et le monde fut fait par lui, et le monde ne l’a pas reconnu »

          Le « péché du monde » ce n’est pas telle ou telle transgression, ni même l’ensemble des transgressions.  C’est plutôt le monde des hommes dans son ensemble dans la mesure où il ne reçoit pas le message du Christ et ne se laisse pas transformer par lui.  Le « péché du monde » c’est le fait que notre monde, celui où nous vivons, n’est pas structuré selon l’Évangile.  Le péché du monde c’est que les pauvres et les petits sont écrasés, que tant d’hommes et de femmes souffrent de la faim, que tant de personnes sont chassées de leurs maisons et de leurs pays par la guerre, que les riches deviennent plus riches et que les pauvres deviennent plus pauvres, que tant de malades meurent par manque de médicaments alors que des sommes astronomiques sont dépensées à développer des engins de mort.  Le péché du monde, c’est l’existence des guerres, de l’avortement, de la peine de mort.  C’est la violation de tous les droits des personnes et des peuples.  Le péché du monde c’est aussi le silence et l’inaction coupables devant toutes ces injustices et ces crimes.

          C’est de ce péché-là qu’est venu délivrer le monde l’Agneau de Dieu reconnu par Jean.  Et pourtant après deux mille ans le monde est toujours dans son péché.  Nous sommes tous dans ce monde mais il nous est possible, à chacun et chacune d’entre nous de ne pas être de ce monde.  Comment ? En recevant le Fils de Dieu, en acceptant son message, en nous laissant transformer par lui :  «  À tous ceux qui l’ont accueilli, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu ».

Jean le Baptiste a su reconnaître celui qui venait libérer le monde de son péché parce que son coeur était pur.  Il a vu l’Esprit-Saint descendre sur la tête de Jésus, et peu de temps après il a eu sa propre tête coupée.  Demandons à Dieu d’avoir la lucidité de reconnaître à la fois le péché du monde (en nous et autour de nous) et de reconnaître Celui qui en délivre, même lorsque cette lucidité peut être dangereuse et lourde de conséquences.

Armand Veilleux

30 juillet 2023 --- 17ème dimanche ordinaire "A"

1 Rois 3,5.7-12; Rom 8,28-30; Matt 13, 44-52

Homélie

          J’ai eu l’occasion un jour de causer avec un grand penseur, qui n’avait pas la foi chrétienne, et qui se définissait très humblement non pas comme un athée, mais comme un « agnostique en recherche ». Et, dans une autre circonstance, un de mes amis qui n’avait pas – ou en tout cas pensait ne pas avoir – la foi, et qui se trouvait soudain confronté avec une maladie grave, probablement en phase terminale, qu’il vivait d’ailleurs avec un grand courage et une grande dignité, m’écrivait: « cela m’aiderait d’avoir ta foi ». Ces deux exemples – et je suis sûr que chacun de vous pourriez en citer plus d’un, nous permettent de voir comment le cheminement vers le Règne de Dieu et vers le bonheur est différent d’une personne à l’autre. Les trois paraboles que nous venons d’entendre soulignent aussi ce même mystère du cheminement absolument unique de chaque personne.

 11 décembre 2022 – 3ème dimanche de l’Avent « A »

 Is 35,1-6a.10 ; Jc 5,7-10 ; Mt 11,2-11

 

H o m é l i e

 

  Comme nous l’avons vu dans l’Évangile de dimanche dernier, Jean le Baptiste avait appelé ses contemporains à la conversion. Nourri spirituellement des écrits des grands prophètes d’Israël, il avait annoncé la venue de la colère divine, la venue d’un Messie qui jugerait les nations, séparerait les bons des méchants et exterminerait ces derniers : « Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu ». 

5 mars 2023  – 2ème dimanche de Carême “A”

Gen 12, 1-4a ; 2 Tim 1, 8b-10 ; Mat 17, 1-9

 

H O M É L I E

Le père d’Abraham était né à Ur, en Chaldée (Gen 11,31) et s’était établi à Harân, beaucoup plus au nord.  Être né à Ur voulait dire avoir été exposé à la culture la plus développée du monde à cette époque.  Ur était l’endroit où étaient apparus les premiers tribunaux connus de l’histoire, et la première forme de législation sociale.  L’agriculture y avait aussi atteint des sommets inconnus auparavant.  Or, tout ce développement, et les conflits qu’il engendra, provoqua un important mouvement de migration vers le nord au 17ème siècle avant le Christ.  Le père d’Abaham et sa famille furent emportés par ce mouvement migratoire.  Harân, où ils s’établirent – à environ 1.500 kilomètres au nord de Ur -- était à une croisée de chemins pour caravanes.  On s’y trouvait aux confins de la civilisation sumérienne, à laquelle appartenait Ur.  Aller plus loin signifiait changer de culture.

6 novembre 2022 – 32ème dimanche « C »

2 M 7,1-2.9-14; 2 Th 2,16--3,5; Lc  20,27-38

H O M É L I E

          Les Sadducéens de cet Évangile ne sont pas vraiment intéressés à apprendre quelque chose de Jésus.  Ils désirent simplement lui tendre un piège.  Puisqu’ils ne croient pas à la résurrection, ils veulent montrer comment une telle croyance conduit à des conséquences ridicules.  La réponse de Jésus est plutôt mystérieuse.  En réalité, il semble qu’il veuille simplement leur montrer que c’est leur approche qui est ridicule.  Ils essayent d’ « imaginer » ce qu’est la vie après la mort ; et cela est impossible, car on ne peut « imaginer » quelque chose qu’en utilisant des « images » tirées de notre vie actuelle, qui est limitée. Or, la vie après la mort est au-delà de toutes ces images et de toutes ces limites.  Ce ne sera pas une nouvelle vie ; ce sera la même vie, mais libérée de toutes les limites de l’existence présente.