21 mai 2020 – Solennité de l’Ascension

Ac 1, 1-11; Ep 1, 17-23 ; Mt 28, 16-20

H O M É L I E

          Déjà au matin du Troisième Jour, le jour de la Résurrection, un ange, par l’intermédiaire des femmes venues au sépulcre, renvoyait les disciples à leur Galilée, c’est-à-dire, à leurs occupations habituelles.  C’est là que Jésus les rencontrerait.  Dans le récit de l’Ascension donné par Luc au début des Actes des Apôtres, les anges qui apparaissent aux Apôtres leur donnent le même message : « Galiléens, pourquoi, restez-vous à regarder le ciel ? ». Ils sont de nouveau renvoyés à leur vie de tous les jours.  

        

          La mort de Jésus avait été pour les disciples et particulièrement pour les Apôtres une profonde tragédie. Cette tragédie avait affecté non seulement Jésus lui-même, mais les affectait profondément eux aussi.  Il n’est pas facile pour nous de nous rendre compte de ce que cet échec – apparent – représentait pour eux.  Ils avaient mis toute leur foi, tous leurs espoirs, en ce jeune prophète.  Pour le suivre ils avaient tout abandonné – non seulement les quelques possessions matérielles qu’ils pouvaient avoir, mais leur famille, leur métier, et surtout leurs autres rêves.  Ils avaient tout misé sur lui et voici que tout s’écroulait.  Il me semble que la phrase qui nous transmet le mieux ce que pouvait être leur attitude est celle des disciples d’Emmaüs : « Nous pensions que c’était lui qui devait libérer Israël… et voilà que… ».

          Les nombreuses apparitions de Jésus durant les semaines qui suivirent sa mort et sa Résurrection furent comme un temps de transition qui leur fut donné.  Un temps pour faire le deuil de toutes leurs attentes humaines.  Jésus, en admirable pédagogue, les habituait graduellement à son absence. Mais il devait y avoir une dernière apparition. Le début des Actes des Apôtres montre bien que cette dernière apparition de Jésus, fut la fin de cette période de deuil (non pas le deuil du Christ mais le deuil de leurs attentes trop humaines) et le début d’une période nouvelle.  Le début de l’Église. 

          Des quatre Évangélistes, Luc est d’ailleurs le seul à mentionner une ascension, c’est-à-dire, un mouvement physique par lequel le Christ est enlevé à la présence et à la vue des Apôtres. Les autres Évangélistes mentionnent simplement qu’il y eut, après la Résurrection, une apparition de Jésus à ses disciples qui fut la dernière. (Le récit de l’Ascension en Marc est une addition faite plus tard à son Évangile et empruntée à Luc).

          Le texte de Matthieu que nous venons de lire nous rapporte les paroles de Jésus lors de sa dernière apparition : Il affirme d’abord à ses disciples que « tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ».  À première vue il est surprenant d’entendre Jésus parler ainsi de « pouvoir », alors que durant toute sa vie terrestre il a refusé le pouvoir et a surtout refusé de l’exercer.  Mais le paradoxe évangélique est précisément que c’est celui qui s’abaisse qui est élevé.  Comme le dira si bien le bel hymne christologique repris par saint Paul dans sa lettre aux Philippiens : « Il s’est anéanti, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort… c’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom de Kyrios, de Seigneur », le nom de Dieu.  Il a donc pleine autorité sur ses disciples et il les envoie, tout comme le Père l’avait envoyé. « Allez donc ». 

          Leur mission est « de faire des disciples de toutes les nations, les baptisant et leur apprenant à garder tous les commandements qu’Il leur avait donnés ».  Comment feront-ils cela. Essentiellement en étant ses témoins à travers leur vie.  C’est ce que nous avons entendu dans le texte des Actes : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. »

          Où trouveront-ils la force de remplir cette mission ? Dans la simple promesse que leur fait Jésus : « Je suis (non pas « je serai », mais « je suis ») avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

          Cette mission transmise aux disciples est aussi la nôtre.  Quelle que soit notre vocation particulière au sein de l’Église – que nous soyons personne mariée, moine, prêtre, etc. -- nous sommes tous appelés à être les témoins du Christ ressuscité à travers notre vie chrétienne.  Demandons donc au Seigneur au cours de cette Eucharistie, d’être toujours fidèles à cette mission, forts de la certitude qu’il est toujours avec nous – présent dans notre monde, dans notre Église et en chacun de nos cœurs.

Armand VEILLEUX