1 février 2023 – Mercredi de la 4ème sem. ordinaire
Heb 12, 4-7.11-15; Marc 6, 1-6
H O M É L I E
La loi juive, à l’époque de Jésus permettait à n’importe quel adulte masculin de lire l’Écriture dans la Synagogue et d’ajouter quelques mots de commentaire. Personne, à Nazareth, ne nie ce droit à Jésus. Leur problème c’est que Jésus, pour les quelque trente premières années de sa vie a été un villageois comme les autres. Et donc, lorsqu’il commence à émettre des paroles de sagesse et à accomplir des guérisons, ils se demandent : « D’où cela lui vient-il ? » Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? D’où lui vent ce pouvoir ? Nous le connaissons, il est l’un d’entre nous. C’est le fils du charpentier. Nous connaissons tous les membres de sa famille qui vivent encore parmi nous. – N’ayant pas le courage de déduire les conclusions des faits qu’ils observent, ils rejettent ces faits et tout ce que Jésus a réalisé parmi eux.
Nous le savons, Jésus n’a jamais cherché le pouvoir. Il a même refusé toute forme de pouvoir. Par ailleurs il a agi avec autorité. Ce qui est tout différent. Il n’a jamais fait des signes ou des miracles pour prouver quoi que ces soit. Il y a eu des temps, dans l’histoire, où l’Église a essayé d’utiliser le pouvoir pour imposer le message de Jésus. Chaque fois, les résultats furent catastrophiques. La fidélité à sa vraie mission conduit au contraire l’Église à privilégier la méthode de la faiblesse ; ce qu’elle peut faire par la pratique d’un amour universel. Comme le firent les martyrs d’Algérie qui ont été béatifiés il y a quelques années et Madeleine Delbrel. Le roi David a voulu se donner la sensation agréable du pouvoir en comptant son peuple, et cela lui a coûté cher – à lui et à son peuple.
Dans la tradition d’Israël, il y avait trois personnages importants : le grand prêtre, le roi et le prophète. Jésus n’est venu ni comme grand prêtre, ni comme roi. Il est venu comme un prophète – le dernier des prophètes, revêtu d’une autorité radicale et transmettant les paroles de Dieu de la bouche même de Dieu. Depuis sa mort et sa résurrection, son autorité, qui appartient à l’ensemble du peuple de Dieu, est exercée par des êtres humains ordinaires et faibles, chargés de remplir divers services au sein du Peuple.
Le récit évangélique que nous venons de lire dit que Jésus s’étonna du manque de foi de ses co-villageois. Une chose qui est frappante de nos jours, c’est que nous vivons dans une civilisation de pouvoir. Nous pensons facilement que nous pouvons changer le monde – ou en tout cas les personnes qui nous entourent, en utilisant des formes de pouvoir.
En même temps, nous avons souvent de la difficulté à accepter toute forme d’autorité. Et l’une des autorités qui est la plus difficile à accepter est celle des faits. L’autorité de la réalité qui nous confronte. En définitive, nous arrivons facilement à nous accommoder de l’autorité d’une personne, d’un supérieur. Mais nous ne pouvons ni manipuler ni faire plieur la réalité qui est là devant nous. Cette réalité, qui est la création de Dieu, avec toute son admirable complexité, nous rappelle sans cesse que personne d’entre nous n’est toute la réalité créée. Nous n’en sommes qu’une toute petite portion. Et l’obéissance radicale de la foi, consiste à nous mettre à l’écoute de la réalité qui nous entoure et qui est une expression de la voix de Dieu
Cette obéissance fondamentale à la réalité peut prendre des formes très diverses. Dans un dialogue communautaire, par exemple, accepter de considérer honnêtement tous les aspects d’une situation, tous les aspects d’un problème, avant de proposer, ou d’accepter ou de refuse une solution, est une forme d’obéissance à Dieu, puisque c’est lui qui a créé tout ce qui existe. Cette écoute de la réalité est une forme authentique de contemplation.
Si j’ai ce profond respect pour la réalité objective en dehors de moi, il me sera facile d’accepter que toute forme de vie commune, dans quelque groupe humain que ce soit, civil ou religieux, requiert une certaine structure, et donc une certaine autorité.
Écouter – écouter la réalité – est le premier commandement. Lorsqu’on demande à Jésus quel est le premier commandement il répond : « Écoute, Israël ». Écouter est le premier commandement. Et si on écoute la parole de Dieu on l’aimera de tout son cœur et on aimera son prochain.
Et nous, moines et moniales, nous savons que le premier mot de la Règle de saint Benoît est aussi « Écoute »… « Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître… »
Nous venons d’écouter la Parole de Dieu dans les deux lectures que nous avons entendues. Écoutons aussi celle qu’il prononce en chacun de nos cœurs.