7e dim de Pâques A

 Au début du 4e évangile, à la question des deux disciples de Jean-Baptiste – « Rabbi…où demeures-tu ? » - Jésus répond : « Venez et voyez ». L’évangéliste ajoute qu’ « ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là. » Et il en est ainsi chaque jour, tout au long de la vie de Jésus. A chaque page d’évangile, il nous révèle où il demeure, pour nous emmener peu à peu avec lui, au centre, à la source.

Ainsi, en ce 17e chapitre de Jean, « l’heure (étant) venue », Jésus fait entrer encore davantage ses disciples dans sa demeure, dans ce lieu d’où il vient et où il retourne. En levant les yeux au ciel et en priant devant eux, il répond à leur question de la manière la plus limpide : « Rabbi…où demeures-tu ? » : dans le Père.

 

Qu’est-ce que demeurer dans le Père ? Par toute sa vie, et particulièrement à l’heure de sa mort, Jésus nous montre que demeurer dans le Père c’est accomplir sa volonté en y consentant et en s’y abandonnant dans la confiance. Demeurer dans le Père, c’est aussi le connaître, et en langage biblique, connaître c’est aimer. Demeurer dans le Père, c’est recevoir de lui sa gloire : non pas la gloire humaine gonflée de vanité, mais la gloire là encore dans son sens biblique, c’est-à-dire ce qui a du poids, de la valeur, de la consistance. Alors, quand Jésus demande au Père de le glorifier, ce n’est pas pour recevoir sa récompense, mais parce qu’il va révéler toute sa valeur, sa véritable identité, en réalisant pleinement le projet du Père, et cela passe par l’humiliation de la croix. La seule gloire possible, La seule que nous ayons à désirer, c’est l’amour. Or, en traversant la Passion, Jésus révèle tout le poids d’amour de Dieu. Être glorifié, c’est pour Jésus manifester combien il vit de cet amour, combien il est totalement donné à cet amour, combien il est amour. Et cette gloire se révèle ultimement dans la réponse du Père à son Fils : la résurrection, signe de cet amour indéfectible pour le Christ et pour les hommes. Nous comprenons alors que la gloire n’est pas d’abord la manifestation de la puissance de Dieu, mais la révélation de son amour, de cet amour éternel entre le Père et le Fils, amour qui nous est donné. Et c’est seulement à partir de cet amour que nous pouvons parler de ‘puissance’ de Dieu, car sa seule puissance, c’est son amour.

Jésus associe ses disciples à cette gloire quand il prie devant eux et pour eux. Nous sommes invités, à notre tour, à vivre de cet amour, à vivre dans cet amour. La glorification du Fils, c’est-à-dire la manifestation de l’amour, ne peut s’achever que dans les disciples que nous sommes. Saint Pierre est ici pour nous un exemple de cette vie dans l’amour. Lui qui abandonnera son maître dans la nuit de la Passion, s’abandonnera à la gloire de Dieu lors de sa propre passion : « puisque vous communiez aux souffrances du Christ, – nous dit-il dans la 2e lecture – réjouissez-vous ». Il lui est désormais possible de parler ainsi, moins parce qu’il a été renversé par ce qu’il a vu, que parce qu’il a été saisi par Quelqu’un, présence d’amour qu’il a accueilli et qui demeure en lui.

Et c’est ici le 2e volet de la réponse de Jésus : « Rabbi…où demeures-tu ? » : en vous ! Le Christ, notre médiateur, vient demeurer en nous pour que nous puissions demeurer en Dieu. Le Fils veut nous donner le meilleur de ce qu’il a, de ce qu’il est : l’amour du Père.

Et c’est pourquoi « ce n’est pas pour le monde (qu’il) prie, mais pour ceux que tu m’as donnés ». Non pas qu’il rejette le monde – toute sa vie l’a montré – mais parce que maintenant il donne au Père ceux qui vont vivre sa propre mission, ceux qui vont accomplir l’œuvre du Père.

Oui, frères et sœurs, cet Esprit de Pentecôte que nous attendons et désirons, c’est l’Esprit même du Fils, c’est l’amour du Père et du Fils, que nous devons à notre tour répandre dans le monde. C’est lui qui nous rassemble en un seul corps, et qui fait de nous un peuple de prêtres qui agit et prie « in persona Christi ». Le Christ ne prie pas ici pour le monde, puisque finalement c’est à nous qu’il demande de le faire, et de le faire en lui, en mémoire de lui au sens eucharistique.

Alors, frères et sœurs, où demeurons-nous ? Demeurons-nous nous aussi dans cette communion d’amour du Père et du Fils ? Demeurons-nous nous aussi dans nos frères, c’est-à-dire dans un véritable amour pour eux ? Et qui laissons-nous demeurer en nous ? Qui accueillons-nous ? Pour nous permettre de réaliser notre appel, de découvrir et de révéler notre véritable identité, d’entrer à notre tour dans la gloire du Père, confions-nous à la prière et à l’amour de l’unique grand prêtre, Celui qui, de l’extérieur, frappe à notre porte pour demeurer en nous, et qui, de l’intérieur, frappe à notre porte pour jaillir de nous.