Epiphanie 2022

(Mt 2, 1-12)

Frères et sœurs, vous connaissez probablement la Rue du Bac à Paris, avec la chapelle de la Médaille Miraculeuse. Il y a là-bas une belle atmosphère de piété populaire, une piété simple mais vraie, touchante, qui dit quelque chose de la présence de Dieu dans nos vies. Et puis, il y a ces personnes qui viennent des quatre coins du monde, de toutes les nations – souvent des femmes -, des rois mages à leur façon. Oui, dans ce lieu, comme dans bien d’autres, nous sommes comme plongés dans la solennité d’aujourd’hui, où le salut que Dieu veut nous donner dans un enfant, est destiné à tous, sans exception ; où ce salut, où cet enfant, disent que Dieu entend nos plaintes, nos attentes, notre quête.

 

Dans cette même Rue du Bac, quelques dizaines de mètres plus loin, il y a une autre maison religieuse, celle des Missions Etrangères de Paris. Chaque année, le jour de l’Epiphanie, c’est la fête dans cette maison où sont réunis des missionnaires pour l’Asie et l’Océan Indien. Fête, parce que l’Epiphanie symbolise cette annonce à tous et à chacun. Mais fête aussi, parce que ces missionnaires ont conscience qu’ils ne vont pas en Asie avec le Christ dans leurs bagages, mais qu’ils y viennent pour le découvrir au milieu même de ces peuples à qui ils sont envoyés l’annoncer. Ce n’est qu’en le découvrant là-bas, incarné dans ces personnes et ces cultures, qu’ils peuvent l’annoncer, qu’ils peuvent avoir quelque chose, Quelqu’un à dire. Car l’annonce du Christ, la proclamation du salut, ne peuvent être qu’une épiphanie, c’est-à-dire une manifestation, une révélation de ce qui est déjà là, de Celui qui est déjà là au milieu de nous. Dieu présent dans notre monde, dans notre vie, qu’il nous faut chercher et patiemment ou soudainement découvrir, reconnaître, rencontrer.

L’Epiphanie est l’histoire d’une quête, d’une recherche, d’un désir ; l’histoire d’une question : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » Où est le Messie, le Salut, Celui que mon cœur aime ? Où est Celui que je ne cesse de rechercher à travers tout ce qui compose mon quotidien, à travers tout ce que je fais de mon quotidien ? Finalement, où est la Vie ? Ma vie ? Notre vie ? Où est cet amour que je pressens, que je désire et sans lequel je ne peux vivre ? L’évangile d’aujourd’hui, une nouvelle fois, nous invite donc à nous mettre en route à la suite de ces questions ; « Viens et suis-moi ».

Les missionnaires que je viens d’évoquer ne sont pas comme « les grands prêtres et les scribes » dont nous parle saint Matthieu, qui savent, eux, où doit naître le Christ, et qui pourtant ne bougent pas de leur piédestal, de leur position à Jérusalem, pour aller à sa rencontre. Non, ces missionnaires sont de ceux qui, après avoir entendu la question des mages venus d’Orient, se laissent interroger par la quête de ces non-croyants, et se mettent en route avec eux, pour découvrir et adorer. Toutes nos certitudes, tout notre savoir, tout notre pouvoir, ne doivent avoir d’utilité que pour oser nous aventurer dans ce que nous ne savons pas, nous permettre de poser le pas supplémentaire, le pas nécessaire dans l’inconnu de Dieu, de l’autre, de la vie. Les prêtres et les scribes, eux, sont enfermés dans un savoir dont ils se repaissent mais qui ne nourrit plus leur vie. De même Hérode, lui, est prisonnier de son pouvoir. Et cette inertie des prêtres, des scribes et d’Hérode, c’est le risque qui peut également nous guetter, nous qui scrutons l’Ecriture. Ce risque, cet enfermement, c’est de la lire, l’entendre, l’écouter, simplement pour qu’elle vienne confirmer ce que nous croyons savoir, ce que nous voulons savoir ; c’est la lire sans attendre, sans vouloir, sans chercher à ce qu’elle nous déplace et nous mette en route. Je lisais dernièrement ces quelques mots : « Ce à quoi nous tenons n’est pas forcément ce qui nous fait tenir ».

Par contre, l’exemple des mages peut nous éviter cet écueil et nous guider. Ils ont perçu les signes des temps, eux qui ont su voir se lever une « étoile à l’orient ». Et ce signe, ils ont cherché à le lire à la lumière de l’Ecriture, d’où ce détour par Jérusalem. Et surtout, ils se sont mis en route, sans jamais s’arrêter, sauf pour se prosterner devant l’enfant. Un appel pour nous à être attentifs aux signes des temps, à percevoir ce qui se vit, ce qui se joue autour de nous et dans notre monde. Ces signes, c’est dans la prière et l’écoute de l’Ecriture qu’il nous faut les relire, les comprendre, les porter. Il nous faudra probablement consentir à être déplacés dans nos certitudes en parcourant tout un chemin pour aller vers l’Autre, vers les autres. Mais alors, il nous sera donné de découvrir le Christ, présent, agissant, souverain, au milieu de notre vie et de notre monde. Et nous pourrons, comme les mages, nous « réjouir d’une très grande joie. » Dieu présent, voilà notre joie, notre foi ; qu’en cette année qui débute, qu’il nous soit donné de percevoir son épiphanie.