32ème dimanche 2023
Nous venons d’entendre la parabole bien connue des 10 vierges. Elle raconte l’histoire de ces cinq vierges sages et cinq vierges insensées qui devaient se tenir prêtes ensemble pour accueillir un nouvel époux afin de l’escorter dès son arrivée. Cette parabole trouve son inspiration dans les coutumes palestiniennes d’autrefois, lorsqu’il était convenu qu’au cours des mariages des jeunes filles devaient aller à la rencontre de l’époux pour le conduire jusqu’à l’épouse afin que le mariage soit célébré. Mais ce substrat ici est transposé, nous sommes prévenus dès le départ, qu’il s’agit ici d’une parabole donc un récit d’un genre bien particulier qui doit nous aider à entrer dans la compréhension du « royaume des cieux »
Cette parabole est plus précisément du genre allégorique. C’est-à-dire que les personnages mis en scène renvoient à une signification autre que l’on doit discerner. Il n’est pas difficile de voir dans l’époux que l’on doit attendre, le Seigneur Jésus qui doit venir à la fin des temps et par conséquent dans les dix vierges une représentation de l’Eglise, composée de chrétiens plus ou moins sérieux dans leur conformité avec l’évangile. Quant à l’huile des lampes, elle peut symboliser, comme nous le verrons, bien des choses.
Le but de Mathieu l’évangéliste qui reprend cette histoire sans aucun doute de la prédication de Jésus lui-même est de nous dire qu’il faut nous préparer à recevoir le Christ qui arrivera à l’improviste comme il le dit clairement dans la conclusion : « Veillez donc,
car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».
Mais la pointe de la parabole, comme on dit pour signifier son intention ultime, c’est de nous dire que non seulement il arrivera à l’improviste mais qu’il faut prévoir qu’il pourrait bien tarder. Cette parabole se situe dans un ensemble de textes qui précède le récit de la passion et dont le thème majeur est le jugement de la fin des temps qui adviendra lors de la parousie du Seigneur. On peut situer la rédaction du texte après la destruction du second temple de Jérusalem qui eut lieu en l’an 70. C’est ce qui explique l’actualité de la question du jugement pour cet ensemble de textes. Juifs comme judéo-chrétiens de la communauté matthéenne sont dans l’effervescence. Les « signes des temps » semblent parler très forts et il y a avait particulier, dans la communauté chrétienne, d’une part des chrétiens assez excités pour qui la venue devrait être imminente, ce qui leur faisait négliger leurs responsabilités vis-à-vis de leur prochain, et d’autre part, il y en avait pour qui finalement le Seigneur ne reviendrait pas de sitôt et qui dès lors relâchaient leur ferveur au point de même devenir carrément mauvais. C’est plutôt à la seconde catégorie que s’adresse cette parabole. Il s’agit donc, comme la parabole suivante des talents le dira clairement, de les réveiller. Il s’agit de ne pas perdre son temps et de gérer sérieusement les dons que l’on a reçus, car au jugement dernier, comme le dernier texte de cet ensemble le dit clairement, il ne suffira pas d’avoir connu le Seigneur superficiellement en lui disant « Seigneur, Seigneur » mais il s’agira d’avoir porté du fruit en le servant au jour le jour dans les inconnus qui se présentaient à nous sans même que nous nous en rendions compte. Car c’est seulement en ayant accompli des œuvres de miséricorde que l’on peut être accueilli dans le Royaume.
Voilà donc comment nous pouvons désormais comprendre la signification de l’huile dans cette parabole. Les vierges sages, en femmes prévoyantes, ont apporté avec elle de l’huile pour leur lampe au cas où l’époux tarderait à venir, les autres dans leur folle imprévoyance se sont contentées d’apporter leur lampe. Quand le cri retentit au milieu de la nuit qui les réveille toutes de leur sommeil, les vierges folles essaient de négocier pour obtenir des sages un peu de leur huile pour accueillir l’époux elles aussi mais c’est trop tard et leur tentative d’aller en acheter au dernier moment est vouée à l’échec. En effet, pendant qu’elles vont courir éperdument voilà que l’Epoux arrive. Il fait alors entrer les vierges sages et ferme la porte. Quant aux vierges imprudentes, quand elles reviendront de leur course, il se contente de dire ces paroles terribles « je ne vous connais pas ».
L’huile dès lors peut très bien se rapporter à ce que nous entendions dimanche dernier au sujet du commandement le plus important. Le commandement unique aux deux facettes de l’amour de Dieu et du prochain. Il ne suffit pas d’un attachement sentimental au Seigneur mais il s’agit que cet amour porte du fruit par des œuvres. Le salut n’est pas automatique mais il doit nous faire devenir un homme et une femme « pour les autres ». C’est-à-dire d’une vie centrée sur soi-même il s’agit de passer à une vie où autrui à la priorité et m’oblige à une disponibilité permanente.
Dans le fond, ce qui caractérise la stupidité des vierges imprévoyante, c’est qu’elle ne mesure pas le temps dans lequel nous sommes. Elles ne savent pas lire « les signes des temps » ou les lisent à l’envers en se disant : « jouissons car demain nous mourrons ». Elles ne se rendent pas compte que le temps est précieux. Il nous est donné, comme le dit la règle de saint Benoît, non seulement pour nous amender de nos vices passés mais aussi pour l’utiliser à bon escient pour l’accomplissement jour et nuit des bonnes œuvres.
Enfin nous pouvons voir dans l’huile pour les lampes une image de la sagesse dont le texte de la première lecture nous parlait. Une huile qui sert à éclairer notre chemin dans les ténèbres de ce monde. Huile parfumée, symbole de joie dont le psaume nous dit aussi qu’elle coulait sur la tête d’Aaron. Huile qui, nous le savons, figure de l’Esprit Saint, ne cesse aussi de couler sur tout le Corps du Christ. Huile, enfin, qui ruisselle sur L’Epoux divin Lui-même, onction messianique d’allégresse qui le rend incomparable parmi ses compagnons.
Puissions-nous sans tarder aller acquérir cette huile, elle nous sera donnée gratuitement au cours de ce banquet eucharistique où l’Epoux déjà s’unit à l’Eglise, son Epouse bien-aimée. Oui, c’est déjà le moment anticipé des noces pour lesquelles l’Epouse se prépare en veillant avant qu’elle n’apparaisse au dernier jour, « vêtue d'un fin lin, éclatant et pur et ce le lin ce sont les oeuvres justes des saints. »