Vendredi Saint - Mars 2018
Frères et sœurs, la liturgie du Vendredi saint est sobre, dépouillée et il règne, en ce jour, une atmosphère silencieuse, austère voire pesante. Nous venons de réentendre le récit de la Passion qui, après la trahison, la violence et la mort, se termine par cette mise au tombeau qui nous plonge comme devant un vide, une absence, une attente. Alors oui, bien sûr, l’atmosphère devrait être lourde. Pourtant, nous le savons, chaque fois que nous perdons un être cher, sa mort apporte comme une lumière sur sa vie, sur le fil de sa vie que nous lisons et comprenons enfin : voilà qui il était et c’était beau, et c’était bon. C’est à cette même lumière que nous pourrions relire la mort de Jésus, sa mort éclairant sa vie et sa vie éclairant sa mort.
Ce que Jésus vit et dit lors de la Passion n’est rien d’autre que ce qu’il a vécu et dit tout au long des évangiles, et c’est cela que nous célébrons aujourd’hui et non pas le souvenir d’un enterrement. Aujourd’hui, Jésus nous redit combien il nous a aimés jusqu’au bout, partageant notre vie, nous rejoignant jusqu’à la souffrance et la mort. Nous l’avions vu s’approcher, guérir, toucher, enseigner, libérer, mais nous découvrons soudain combien non seulement il nous rejoint dans notre condition mortelle, mais encore combien il marche devant nous, combien il nous précède, au point que nous pouvons reconnaître que ce n’est peut-être pas tant lui qui assume notre condition, mais nous qui sommes appelés à l’assumer pleinement, à l’incarner en lui. Aussi bas que la vie pourra nous emmener – dans la souffrance, la mort, les enfers – il sera déjà-là, au-devant, au-delà de nous ; il nous précède, nous le suivons.
Oui, frères et sœurs, aujourd’hui nous sommes appelés à redécouvrir et à célébrer la fidélité de Dieu pour nous, pour chacun d’entre nous ; ce Dieu qui nous ouvre toujours le chemin de la vie. Et en Jésus, l’homme trouve sa réponse à cette fidélité. Jésus, au cœur de cette épreuve, ne désespère pas de Dieu, et se fait réceptivité totale, coupe, tabernacle, en se remettant dans les mains du Père, confiant, libre, Serviteur et Seigneur. Obéissant jusqu’à la mort, parce que sûr et aimant de celui en qui il a mis sa foi, il nous rend notre dignité d’homme en nous engendrant comme fils qui vivent enfin de l’écoute de leur Père. La mort du Christ, et avec elle toute mort, est rédemptrice parce qu’il l’a convertie en mort filiale.
Alors, dans nos épreuves, nos échecs et nos morts, demandons au Fils d’illuminer nos croix pour que nous ne perdions pas de vue Celui qui nous appelle, qui nous attire à lui, et qui nous donne, en se donnant lui-même, jusque dans la mort, de naître à la vie.