4e dimanche de Pâques B (Jn 10,11-18) - Avril 2018
Frères et sœurs, tout au long de l’histoire d’Israël, Dieu a veillé sur son peuple en le confiant à des hommes pour le guider sur le bon chemin, celui qui mène à la vie : il y a eu Moïse et Josué ou encore David, Salomon et leurs descendants. Mais il y a eu aussi le schisme entre les tribus d’Israël et de Juda, la prise de Jérusalem livrée aux flammes et au pillage, et la déportation, la dispersion du peuple de Dieu, parce que ces pasteurs n’ont pas écouté la voix du Seigneur.
Je vous invite alors à lire ou relire le beau chapitre 34 du prophète Ezéchiel qui s’en prend à ces prétendus bergers d’Israël : ils sont bergers pour eux-mêmes et non pour les brebis, profitant de tous les avantages que peut leur donner leur position ; ils ne leur apportent aucun soin, et pire, ils sont durs et violents avec elles ; finalement ce sont eux les véritables loups. Et c’est pourquoi, poursuit Ezéchiel, le Seigneur déclare : « Me voici… moi-même je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles… j’irai les délivrer… je les rassemblerai… » (10….11…13), et plus loin le Seigneur conclut : « je susciterai à leur tête un seul berger » (23). L’évangile d’aujourd’hui nous dit que les temps sont accomplis, cette promesse est réalisée en Jésus : « le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis » (11) est désormais au milieu de son peuple pour prendre soin de nous et pour cela, pour nous, il est allé jusqu’à traverser l’abandon, la souffrance et la mort.
Le terme grec « bon » pourrait se traduire par « beau », « le bon berger » étant « le beau berger », la beauté mettant peut-être davantage en valeur la gratuité, le don et la grâce de la bonté, contrairement à la vénalité du mercenaire. Un beau berger comme pour attirer nos regards vers lui. Et justement, en l’écoutant, en le contemplant, nous découvrons que l’intensité de sa relation avec nous réside dans son intimité avec le Père, et que c’est vers cette même relation, dans ce vert et riche pâturage qu’il veut nous guider. Jésus est notre berger, non pas parce qu’il aurait une besogne à accomplir, non plus parce qu’il s’identifierait à une fonction, mais parce qu’il vit et s’engage dans une relation, dans une relation de connaissance et d’amour avec le Père. Et nous sommes aimés parce que le Christ nous prend avec lui dans son intimité avec le Père, et ce lien est indestructible. Le bon berger ne peut pas fuir et nous abandonner face à la menace car, comme il est lié au Père, il s’est lié à nous ; nous faisons partie de lui pour l’éternité parce qu’il l’a voulu, parce qu’il nous a voulus ainsi. Et dans cet évangile, Jésus cherche moins à se révéler comme Roi ou Seigneur, que comme Fils nous révélant l’amour du Père pour nous y faire entrer.
C’est cette beauté de l’amour, cette gratuité, cette liberté que nous devons contempler afin qu’elle vienne nous imprégner. Nous devons enraciner en nous, faire nôtre, nous laisser toucher, habiter par le souci, la connaissance, l’amour que le Fils a pour le Père, pour nous et pour les autres. Si, comme le disait le pape François, les bergers doivent avoir l’odeur des brebis, nous devons, en sens inverse, avoir l’odeur du berger, nous laisser habiter par ce qui l’anime, nous laisser mettre en mouvement par cette dynamique de vie, c’est-à-dire son amour du Père qui s’exprime ici dans cet amour de chacun ; revêtir les sentiments du Christ. Et à la fin de l’évangile de Jean, quand Jésus ressuscité confie à Pierre son Eglise, ses brebis, il lui pose la question essentielle, le seul curriculum vitae qui ait du poids : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (21,17), m’aimes-tu comme je t’aime, m’aimes-tu comme je les aime ? Le Père est la source et la fin de l’action de Jésus, et c’est notre lien à lui qui doit être la source et la fin de notre action véritable, qui doit lui donner son poids, son amour, sa beauté.
Frères et sœurs, nous le voyons, cet évangile nous dit qui sont le Père et le Fils et ce qui les unit, mais il parle aussi de nous. Alors oserons-nous dire que nous sommes des disciples, des brebis, qui écoutent la voix du berger, qui le connaissent et qui le suivent ? Croyons-nous vraiment qu’il nous guide sur le chemin de la vie ? Reconnaissons-nous comme vital et vivifiant d’appartenir au troupeau que le berger rassemble et constitue en Eglise ? Sommes-nous prêts à donner notre temps, notre amour, notre vie pour celles et ceux que le Seigneur nous confie ? Oui, nous avons tous encore du chemin à parcourir avant de devenir de bonnes brebis, un beau troupeau. Mais croyons que Jésus travaille, développe, invite jour après jour, marche après marche, notre libre consentement, notre désir de le suivre, notre amour pour lui et pour nos frères. Écoutons sa voix qui nous appelle, qui nous stimule, lui qui est à la fois notre chef et notre compagnon de route. Et à notre tour, choisissons la liberté de nous engager à sa suite, et demandons-lui la liberté d’aimer.