Homélie pour l’Ascension 2014
Les apôtres virent Jésus « s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. » Voici donc ce que nous dit saint Luc au commencement du Livre des Actes. Et il ajoute qu’ils restaient là à fixer le ciel et que « deux hommes en vêtements blancs » leur disaient : « pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » En langage plus moderne, mais aussi moins châtié, nous pourrions dire qu’ils étaient littéralement scotchés, et je crois que nous le serions nous aussi si nous étions témoins d’un tel évènement. Or, nous le sommes ! Oui, ce qui saisit les apôtres, ce n’est pas une prouesse physique de Jésus, mais la grandeur du mystère face auquel ils se trouvent, auquel ils sont associés, et nous avec eux.
Je vous propose donc quelques pistes de compréhension et de méditation pour nous aider à vivre davantage de ce mystère.
L’Ascension est d’abord le retour du Fils auprès du Père, mais retour qui se fait en son incarnation. L’humanité de Jésus est donc désormais en Dieu. Or cette humanité, c’est la nôtre. C’est notre condition humaine, notre condition quotidienne, qui, après avoir été assumée par le Christ lors de l’incarnation, est dorénavant assumée en Dieu, élevée pour vivre dans la divinité. Oui, notre humanité, avec toutes ses fragilités et infidélités, est déjà accueillie en Dieu. L’Ascension est donc une nouvelle fois la réalisation de la promesse de Dieu à notre égard, celle d’un Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur. Ce mystère est une des nombreuses expressions de l’amour de Dieu pour nous, ainsi que celle de notre espérance en la vie éternelle.
Nous comprenons alors aisément que l’Ascension fait partie du mystère pascal. Il s’agit bien ici de la victoire du Christ sur ce qui entrave l’œuvre de Dieu ; il s’agit de notre salut puisque nous sommes libérés pour accéder à la vie divine. Nous sommes ici dans l’achèvement, la réalisation de la Création, c’est-à-dire l’ascension de notre humanité à la divinité et ainsi à sa pleine humanité.
Cette ascension à notre véritable humanité n’est possible que par un seul chemin : le Christ. C’est lui qui, individuellement et communautairement, nous mène au Père. Il nous faut donc nous attacher à lui pour emprunter ce chemin et, les uns avec les autres, devenir « l’Eglise qui est son corps », comme le dit saint Paul dans la 2e lecture. Oui, frères et sœurs, que nous le voulions ou non, c’est tous ensemble que le Christ nous sauve, et nous ne pouvons donc pas vivre comme si l’autre n’était pas, lui aussi, important. Nous n’avons jamais suffisamment conscience combien Dieu nous aime, combien je suis aimé de Dieu. Mais nous avons encore moins conscience combien Dieu aime notre prochain, notre voisin, surtout quand il nous est si difficile, voire impensable, de l’aimer ! Le mystère de l’Ascension est peut-être alors pour nous l’occasion d’élever notre humanité et celle de nos frères et sœurs, au dessus de tout ce qui la rabaisse, au dessus de nos idoles, pour nous attacher au seul vrai Dieu et nous élever avec lui par la charité.
Pour faire ce chemin, nous pouvons compter sur celui qui, désormais à la droite du Père, est « établi - comme le dit saint Paul - au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent », celui à qui - saint Matthieu - « tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre ». Cet être si puissant, apparemment si inaccessible, voire mythique, est en réalité celui qu’il nous a été donné de rencontrer tout au long des évangiles : ce Jésus proche des pauvres et des petits, qui guérit, qui aime et qui, parfois, pleure ; celui qui nous promet d’être « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Oui, celui qui s’est abaissé pour pouvoir nous rencontrer, qui s’est humilié pour pouvoir nous sauver, est rempli de puissance et de gloire pour pouvoir, encore et toujours, nous rencontrer, nous sauver, en intercédant pour nous et en nous donnant son Esprit.
L’Ascension du Seigneur, c’est encore l’espérance de son retour : « il reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller». Un retour non pas à appréhender comme une terrible catastrophe ou encore comme un jugement impitoyable, mais comme la victoire définitive du bien sur le mal, comme l’achèvement, l’Ascension de notre humanité dans la divinité.
A quelques jours de la Pentecôte, dans le désir d’accueillir l’Esprit, réentendons ces paroles de Jésus : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples » Dans la lumière du mystère de l’Ascension, forts de la présence à nos côtés du Seigneur de toute chose, nous qui sommes son corps et qui sommes donc revêtus et investis de sa force, nous sommes invités à rejoindre nos frères pour leur communiquer notre espérance, pour renverser le mal, pour élever notre monde à la hauteur de son appel.