Noël 2021
(Lc 2, 1-14)
Frères et Sœurs, l’année dernière, à cause du confinement, nous avons fêté Noël sans pouvoir vous accueillir. Votre présence, c’est d’abord chacun, chacune d’entre vous, bien sûr, mais c’est aussi, à travers vous, le monde, l’humanité, qui se joint à notre prière, qui y trouve hospitalité, qui nourrit notre quête et notre requête. Oui, dans cette période de pandémie, ce qui nous manque le plus, à nous tous, c’est le lien, c’est cette relation que nous avons avec les autres, principalement nos proches, mais aussi tous les autres. Si nous avons besoin de solitude, si parfois nous nous risquons à l’aimer, nous ne sommes pas des êtres solitaires, nous avons besoin des autres.
Mais ce lien qui nous unit est aussi fragile, parfois coupant, blessant. Il arrive aussi qu’il s’effiloche, se casse ou devient inexistant. Nous sommes des êtres de relation, et pourtant il nous est trop souvent difficile d’être en relation.
Eh bien cette nuit, c’est le lien qui est au cœur de ce que nous avons entendu, qui est au centre de ce que nous vivons dans cette eucharistie. Dieu veut entrer pleinement en relation avec nous et, par-là, il vient non seulement accomplir cette relation, mais aussi celle que nous avons entre nous, en nous montrant le chemin, comment nous y engager, nous y incarner. Cette nuit, nous sommes invités à naître et renaître à la relation.
D’abord, Dieu vient rétablir la relation qu’il a avec nous, ou plutôt, il vient accomplir la promesse, nous redire que l’alliance est fidélité. Et pour cela, il ne vient pas du haut de sa superbe, mais il vient comme nous, comme nous sommes, à partir de ce que nous sommes. Inutile de nous rêver plus beaux ou de croire notre monde meilleur, nous n’y trouverions pas le Christ ; il n’est pas « dans la salle commune » mais « dans une mangeoire ». La pauvreté de cet enfant dit quelque chose de la nôtre, mais pour la relever. Dans une de ses homélies de Noël, le pape François disait : « Si tes mains te semblent vides, si tu vois ton cœur pauvre d’amour, cette nuit est pour toi ». Et il ajoutait : « Cette nuit, nous nous rendons compte que, tandis que nous n’étions pas à la hauteur, Il s’est fait pour nous petitesse ; tandis que nous allions à nos affaires, Il est venu au milieu de nous. Noël nous rappelle que Dieu continue d’aimer tout homme, même le pire ». Dieu s’engage dans la relation, quoi qu’il lui en coûte. Et pour cela, il s’incarne, il se confie à nos mains. Il nous redit ainsi que toute relation est dépendance. Et si Dieu dépend de nous, a fortiori, tout homme, toute femme, dépend de nous. Quand Dieu se donne à nous, il nous dit combien nous sommes solidaires les uns des autres.
En cette nuit de Noël, Dieu vient à nous. Mais la manière avec laquelle il le fait montre qu’il n’a jamais cessé de venir à nous, qu’il n’a jamais cessé d’être à nos côtés, et c’est ce que n’ont jamais cessé de répéter les prophètes comme nous l’entendions avec Isaïe en première lecture : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Il ne s’agit pas tant à Dieu de venir à nous, que nous de venir à lui, que d’accueillir, découvrir, celui qui vient. Noël, c’est en quelque sorte être disponible, ouvert à la relation, être en attente et accueillir comme savent le faire les enfants.
Marie et Joseph ont su accueillir cette présence de Dieu dans leur vie. Et alors que Luc nous dit que Marie « emmaillota [son fils premier-né] et le coucha dans une mangeoire », nous pouvons à la fois imaginer les gestes concrets, simples, de la vie, et en même temps tout le mystère qui entoure cette scène, tout ce qui les unissait alors à Dieu à travers cet enfant, et tout ce qui les unissait tous les deux, tous les trois. Et nous aussi, rassemblés, convoqués, dans cette église. A la fois nous vivons cette messe de Noël comme nous en avons déjà vécu tant d’autres, peut-être avec les mêmes voisins. Et à la fois, comme un groupe d’enfants devant une crèche, nous sommes face au même mystère, que nous contemplons ensemble, liés les uns aux autres, portés les uns par les autres.
Et c’est ce qui arrive aux bergers. Là encore, des hommes disponibles à entrer en relation avec Dieu, de par leur travail de veille et de par leur humble condition. Et si avec Marie et Joseph, nous pouvions entrer dans un profond silence, une contemplation, avec les anges et les bergers, c’est toute la magie de Noël qui s’opère. Oui, le ciel s’illumine et éclate en cris de joie, parce que derrière « le signe qui est donné [aux bergers…] : un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire », « vous est né un Sauveur ». Derrière ce signe si fragile, l’espoir, l’espérance, peuvent renaître. Dieu n’oublie pas d’être fidèle. Dieu n’oublie pas d’être en relation, et de nous mettre en lien entre nous, même au-delà de la nuit de la mort. Alors, avec les anges, avec le monde et pour le monde, chantons « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »