Pentecôte

(Jn 14, 15-16.23b-26)

                                                                 Juin 2022

Frères et Sœurs, depuis plusieurs jours les textes de la liturgie font référence à l’Esprit Saint et nous ont ainsi préparés à cette fête de la Pentecôte. Un extrait a retenu mon attention. Dans les Actes des Apôtres, au chapitre 19, nous apprenons que Paul « arrive à Ephèse où il trouva quelques disciples. Il leur demanda : ‘Lorsque vous êtes devenus croyants, avez-vous reçu l’Esprit Saint ?’ Ils lui répondirent :’Nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint. » (2). Si je retiens ce texte, c’est pour nous poser la même question. Lorsque nous sommes devenus croyants, avons-nous reçu l’Esprit Saint ? Alors d’emblée, évidemment, oui. Nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Et de plus, nous avons été confirmés dans l’Esprit Saint. Oui, nous l’avons reçu, mais est-il à l’œuvre en nous et avec nous ? Est-ce que nous l’invoquons ? Est-ce que nous reconnaissons sa présence dans notre vie, dans notre communauté, dans notre monde ?

Pour discerner si nous avons réellement « entendu dire qu’il y a un Esprit Saint », j’aimerais reprendre là encore ce que la liturgie nous a proposé cette semaine, à travers un chant, un tropaire ; les trois versets de ce tropaire.

« Tu es la vie de toute vie », dit le premier verset. L’Esprit, reçu du Père, est cet Esprit qui planait sur les eaux au premier chapitre de la Genèse ; cet Esprit, ce souffle de vie, que Dieu met en Adam, que Dieu met en tout homme, en toute femme, pour donner vie. Invoquer l’Esprit Saint, le demander au Père, au Fils, c’est recevoir, accueillir en soi, la vie de Dieu ; c’est s’ouvrir à la vie que Dieu veut pour nous. Une vie qui n’est pas faite de morale, d’obligations, de restrictions, mais, comme le dit la suite du verset, de « la jeunesse qui renouvelle tout ». L’Esprit nous ouvre à la nouveauté, à ce qui vient, à Celui qui vient. L’Esprit permet à la vie d’éclore sans cesse, sans jamais ni se répéter, ni se figer.

Le mot hébreu - ruah – nous dit que l’Esprit crée de l’espace. Un espace qui est à la fois élargi, et donc où l’on se sent moins à l’étroit, moins coincé, moins confiné ; et un espace qu’il ouvre devant nous, qui permet le mouvement, la marche, l’allégresse de la course. Cet espace donne à la vie de se déployer, de s’étendre, de s’entendre.

« Tu es le cœur du monde, qui bat le rythme de l'amour », dit le deuxième verset. Le cœur du monde, contrairement à ce que voudrait nous faire croire l’actualité, c’est bien l’amour. C’est lui qui en est l’origine ; le but et le terme ; le chemin ; la promesse et la récompense. Et cet amour au cœur du monde, au cœur de notre cœur, c’est l’Esprit qui le répand, c’est l’Esprit qui nous l’apprend. Cet amour, c’est celui de Dieu, celui qui se vit en Dieu Trinité, et celui que Dieu veut pour nous. Nous n’avons pas à l’inventer, à le construire, mais à l’accueillir, le découvrir, l’incarner, et battre, vivre, à son rythme.

Enfin, troisième verset, « Tu es l'allégresse de l'espérance qui nous emporte vers le Père ». L’Esprit est allégresse, joie, dynamisme ; légèreté d’un mouvement heureux. L’Esprit ouvre à l’espérance, ouvre sans cesse un lendemain, parce qu’il est, comme nous l’avons dit, vie, nouveauté de la vie. Et l’Esprit nous emporte, nous conduit pour découvrir Celui que nous cherchons.

L’Esprit Saint est pour nous en quelque sorte l’incarnation du Fils, la présence de Dieu aujourd’hui parmi nous. Si nous voulons, comme les apôtres, marcher avec Jésus, à sa suite, il nous faut être à l’écoute de cet Esprit. Entendre la vie qu’il veut nous donner, l’espace qu’il veut élargir dans nos vies, l’amour qu’il nous invite à vivre, l’espérance qu’il offre à notre monde. Alors, avons-nous « entendu dire qu’il y a un Esprit Saint » ? C’est-à-dire, sommes-nous à son écoute ? Sommes-nous attentifs aux signes, aux paroles que Dieu met dans nos vies ? Et surtout, avons-nous fait l’expérience de cette allégresse, de ces espaces qui s’ouvrent, de la vie qui jaillit ? C’est seulement si nous sommes animés par cet Esprit que, comme les apôtres, nous aurons quelque chose, quelqu’un à dire au monde. C’est alors seulement que chacun pourra nous entendre dans sa propre langue, pourra être rejoint dans ce qu’il est.

L’Esprit est vie, source de la vie, mais il l’est aussi parce que se mettre à son écoute, découvrir le chemin, le processus qu’il ouvre, c’est peut-être finalement cela, la vie. Parce que l’Esprit est la lumière de Dieu sur le monde, sur nos vies ; celui qui éclaire ce qu’il y a à voir, à aimer, à espérer. Celui qui nous montre la face du frère, qui nous révèle le visage de la sœur, pour nous rassembler, pour faire de nous un seul peuple dans la diversité.

Alors en cette eucharistie, demandons l’Esprit, invoquons-le. Laissons-le s’infiltrer, s’insuffler en nous, entre nous. L’Esprit nous parle, à chacun, à chacune, et nous ne pouvons pas faire, pas vivre comme si nous n’avions « même pas entendu dire qu’il » est là, disponible, au cœur du monde.