B PÂQUES O1 JEAN 20,01-09
Abbaye de Chimay :04.04.2021
Homélie
Frères et sœurs, en ce jour de Pâques, nous célébrons la victoire de la vie. La nature se met au diapason avec l’éclatement du printemps. Les pelouses reverdissent. Les pissenlits apparaissent. Il y a un bromelia devant les fenêtres de mon bureau qui en a profité pour fleurir hier soir. Quand on en a plusieurs, les cloches sonnent à toute volée. Il y a comme une rumeur de renouveau. « Voici le jour que fit le Seigneur, jour d’allégresse et jour de joie » (Ps 117,24). Chaque année, la fête de Pâques nous offre de commencer une vie nouvelle, de nous laisser transformer par la joie simple et confiante du vivant, Jésus ressuscité.
La Semaine Sainte qui précède et Pâques nous relancent dans l’aventure de la foi. C’est ce qui s’est passé pour Marie Madeleine quand elle s’est rendue au tombeau de Jésus. Il faisait sombre dans son cœur ainsi que dans celui des apôtres. Pendant trois ans ils avaient suivi Jésus. Ils avaient écouté ses paroles porteuses d’espérance. Ils avaient vu ses miracles. Ils avaient mis tout leur amour et toute leur confiance en lui. Ils comptaient sur lui pour être le libérateur d’Israël, diront les disciples d’Emmaüs (Lc 24,21). Ce serait un nouveau départ pour un monde de justice et de bonheur. Mais voilà que tout s’est arrêté au soir du vendredi. Jésus venait d’être arrêté, condamné et mis à mort sur une croix. C’était la fin d’une belle aventure. Une immense déception.
Il fait souvent sombre dans notre cœur et celui des hommes et des femmes de notre temps. Nous pensons aujourd’hui à tous ceux et celles qui vivent une situation dramatique à cause de la pandémie. Nous pensons également à toutes les victimes de la haine et de la violence. Chaque jour, les médias nous en donnent de dramatiques témoignages. Quand tout va mal, on se dit que cela ne sert à rien de continuer et on a envie de tout abandonner. C’est le désarroi.
Mais voilà qu’au matin de Pâques quelque chose de nouveau est en train de se produire. Le linceul est toujours là bien rangé, mais le corps supplicié de Jésus n’y est plus. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il peut y avoir plusieurs explications. Marie Madeleine semble ne retenir qu’une solution, la plus dramatique : « On a enlevé le corps du Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis » (Jn 20,2). Jésus n’est plus là. Elle court crier sa détresse aux disciples et eux aussi courent vers le tombeau.
Cette course, de grand matin, alors qu’il fait encore sombre, est bien à l’image de leur cœur rempli de tristesse, d’inquiétude mais aussi d’espoir secret. Ils ne pensent pas aux paroles que Jésus leur avait dites à plusieurs reprises quand il leur annonçait sa mort et sa résurrection. Ces paroles, ils n’avaient pas su les entendre, ni les comprendre. Ce qu’il leur disait ne leur semblait pas possible. « Dieu t’en garde, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera pas » (Mt 16,22), répliquait saint Pierre. Nous aussi, nous sommes parfois comme eux. C’est notre cas lorsque, devant les difficultés, nous nous mettons à broyer du noir. Nous avons tous besoin de demander au Seigneur qu’il vienne réveiller et de raffermir notre foi, mais nous n’y croyons pas vraiment.
Et c’est vrai que pour témoigner du Christ ressuscité, il faut la force de l’Esprit Saint. C’est ce qui s’est passé le jour de la Pentecôte. Les apôtres n’ont plus peur d’aller au-devant de ceux-là même qui avaient fait mourir le Christ. Ils ont l’audace d’annoncer : « Jésus est vivant… Dieu l’a ressuscité… Il a été exalté… Il est monté au ciel… » (Ac 13,32s.). Et plus tard, saint Paul ajoutera : « Il vit par la puissance de Dieu » (2 Co 13,4). Quand ils écriront les récits des apparitions, ils emploieront des mots différents, mais ce sera toujours avec la même conviction : « Jésus est vivant ». Ils témoigneront sans crainte de leur foi en Jésus Christ ressuscité. Rien ne pourra les en empêcher, ni la persécution, ni la torture, ni la condamnation, ni la mort.
Nous, chrétiens d’aujourd’hui, nous croyons à la résurrection du Christ parce que de nombreux disciples y ont cru. Nous faisons confiance à leur témoignage. Leur vie et celle de millions de chrétiens a été totalement bouleversée et transformée par cet événement. C’est une grande joie pour chacun de nous et pour tous les chrétiens d’entendre que la mort n’a pas le dernier mot (Hymne du 2 novembre). En ce matin de Pâques, nous sommes tous invités à nous associer à cette joie et à la chanter. Oui, « Seigneur Jésus, tu es vivant, en toi la joie éternelle » (J 16 Marie-Martine Andreu Pollet).
Cette joie que le Christ ressuscité met en nous, il nous faut la rayonner et la communiquer autour de nous. Comme les apôtres et de nombreux témoins qui ont suivi le Christ tout au long des siècles, nous sommes envoyés pour annoncer cette bonne nouvelle dans le monde entier. Le Seigneur compte sur nous pour être porteurs de vie et de joie. Ils sont nombreux ceux et celles qui luttent contre la maladie, la souffrance physique ou morale, le désespoir. Ils ont besoin de nous pour retrouver le goût de vivre. Notre attention et notre amitié ne doivent pas oublier ceux et celles que la vie écrase. Un accueil, un pardon donné, une main tendue pour remettre debout peuvent provoquer un miracle de renaissance. Certaines personnes ne nous demandent pas de décrocher la lune, mais leur simple présence fait briller les étoiles. Et, à travers tout cela, une parole qui témoigne de notre foi aide à rencontrer le Christ ressuscité.
Oui, fais de nous, Seigneur des ressuscités, des témoins de la Vie que tu donnes en plénitude (Jn 10,10). Donne-nous ta force et ta joie pour révéler aux plus pauvres la grandeur de ton amour.