B 13 MARC 05,21-43 (13)

Chimay : 27.06.2021

Frères et sœurs, les lectures de ce dimanche sont une hymne à la vie : Dieu n’a pas fait la mort ; il est le Dieu de la vie. Toute la création nous montre que le projet de Dieu sur les hommes est un projet de vie. C’est ce qu’écrivait déjà l’auteur du livre de la Sagesse, un juif d’Alexandrie du ier siècle avant notre ère : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » (Sg 1,13). Si la mort est entrée dans le monde, c’est par la jalousie du démon. C’est lui qui introduit à la tentation et au péché ; cette rupture avec Dieu entraîne la mort ; mais l’amour de Dieu est bien plus fort que toutes les forces du mal. « L’amour est plus fort que la mort » (Cq 8,6).

 

Face aux drames de la vie, certains s’emportent : « Ton Dieu, à quoi sert-il ? Lui qui permet les guerres, laisse mourir des enfants, n’empêche pas le malheur ? Et tu voudrais que je croie en lui ? » Ces reproches sont bien douloureux à entendre. Mais il faut écouter la révolte et respecter la souffrance. Ce n’est qu’au-delà des larmes et avec délicatesse que nous pourrons risquer une parole de consolation, une parole de foi. Celle-ci suppose de rétablir la vérité : « Dieu n’a pas fait la mort », même si son propre Fils n’en fut pas épargné. Comment comprendre alors ce qui semble un paradoxe, puisque tout ce qui existe, y compris la finitude biologique, a été créé par Dieu ? Si notre mort est une certitude, rien ne nous permet de dire qu’elle soit un mal en soi. La mort fait partie intégrante de notre condition humaine dénaturée par le péché, mais elle est surtout un passage vers l’autre rive, vers la Vie en plénitude auprès de Dieu.

Dieu ne veut pas la mort mais la vie. C’est pourquoi le Christ s’est chargé de tous nos péchés, et les a fait mourir avec lui sur la Croix pour nous donner la Vie. Connaissez-vous la tradition franciscaine ? Chaque fois qu’un franciscain entre dans une église, il fait cette prière : « Nous te louons et nous te bénissons, ô Christ, ici et dans toutes les églises de la terre, car tu as racheté le monde par ta passion et par ta croix, et par ta résurrection ». N’oubliez jamais la résurrection, c’est le plus important. Le mal et la mort sont vaincus, c’est-à-dire la mort du cœur, la mort de l’âme, causée par le péché auquel nous consentons. La joie chrétienne est une joie de victoire. Les miracles en sont les signes annonciateurs mais savez-vous que de tous les miracles déclarés dans les sanctuaires, l’Eglise catholique n’en reconnaît à peu près qu’un ou deux pourcents ? Ça veut dire qu’il s’en passe des miracles mais ils ne se comprennent que dans la foi : foi de la femme aux pertes de sang, foi de Jaïre pour sa fille, foi de l’aveugle Bartimée, foi de la Cananéenne pour sa fille, foi de l’officier royal pour son esclave, foi du grabataire depuis 38 au bord de la piscine probatique, foi de l’homme à la main desséchée, foi de tous les saints et saintes, foi de nos parents et grands-parents, etc. Jésus révèle un Dieu qui ne veut pas voir l’être humain affaibli, exclu, couché, malade. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant », disait saint Irénée. Alors Jésus guérit, Jésus relève, Jésus redonne vie, Jésus fait remonter de l’abîme. Jésus nous fait connaître « le Seigneur de la danse » (Sydney Carter, poète, dans Danis Bois, Le Seigneur de la danse, Les Editions Trédaniel, 1990, 144 p.) donnant sa joie en abondance, et séchant nos pleurs.

C’est vrai, Dieu nous veut vivants. C’est pour cette raison qu’il nous invite inlassablement à rejeter le péché. L’Évangile nous montre Jésus qui a rejoint « l’autre rive », celle du monde païen ; dès son arrivée, il y rencontre des gens qui sont frappés par le désespoir, la souffrance et la douleur ; c’est d’abord Jaïre qui vient le supplier : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive » (Mc 5,23).

Jésus se met donc en route. Mais voilà que dans cette atmosphère bruyante, une femme atteinte d’hémorragies, s’approche de lui pour être guérie. Jésus ne lui dit pas : « Tu es guérie » mais : « Tu es sauvée » (Mc 5,34). Ce n’est pas l’impureté de l’hémorroïsse qui se propage, mais la force de vie de Jésus. Il se retourne le premier pour la chercher, et l’amener à lui, l’amener à la foi. Elle pourra donc être réintégrée dans sa communauté et y retrouver toute sa place. Le Christ se présente à elle comme celui qui sauve et qui relève. Son premier geste lui a donné un répit dans son mal physique. Mais désormais grâce à son chemin de foi, c’est le salut que cette femme reçoit.

Puis c’est l’arrivée chez Jaïre. On lui annonce que sa fille vient de mourir et que ça ne sert plus à rien de déranger le Maître. Mais Jésus l’invite à un acte de foi lui aussi. « Ne crains pas. Crois seulement » (Mc 5,36). C’est une phrase qu’on devrait se répéter souvent : chaque fois qu’on se sent perdu, qu’on ne sait plus quoi faire. La fille de Jaïre dort et il va la réveiller et la relever. Jésus entre dans la maison. Il fait sortir tout le monde. Il ne garde que le père et la mère de l’enfant et quelques disciples : Pierre, Jacques et Jean ; ils seront aussi les compagnons de Jésus au jour de la Transfiguration (Mc 9,2-13). Jésus ne fait pas sur la jeune fille un geste particulier de guérison. Il lui saisit la main et lui dit : « Lève-toi » (Mc 5,41). Dans le langage du Nouveau Testament, le verbe « se lever » est synonyme de ressusciter. Le geste de Jésus de prendre la jeune fille par la main fait penser à cette fameuse image où Dieu tend la main à Adam pour lui donner la vie.

C’est ainsi que Jésus se révèle au monde comme le Sauveur de tous. S’il est venu dans le monde, c’est pour que tous les hommes aient la vie en abondance (Jn 10,10). Dimanche dernier, nous avons compris que Jésus est parti vers l’autre rive pour rejoindre le monde païen. Il nous fait comprendre aujourd’hui que l’amour de Dieu est sans frontières. Il n’accepte pas de discrimination. Plus tard, Jésus enverra ses apôtres dans le monde entier (Mt 28,19). C’est pour répondre à cet appel que des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs ont quitté leur famille, leur pays pour annoncer Jésus Christ à ceux qui ne le connaissent pas. Avez-vous déjà eu la joie de faire connaître Jésus Christ à quelqu’un qui ne le connaissait pas ?

Pensons aussi à toutes ces rencontres avec des personnes éprouvées par la maladie, les infirmités et la solitude. C’est aussi cette préoccupation que nous retrouvons dans le Service Évangélique des malades et les aumôneries des hôpitaux et des maisons de retraite et différents autres mouvements du monde de la santé. Beaucoup n’ont plus la force de prier. Ces nuits qui n’en finissent pas, c’est très éprouvant. Alors on comprend qu’il ne suffit pas de prier pour les malades mais au nom de ceux qui n’ont plus la force de prier. À ce moment-là, nous sommes comme Jaïre qui vient supplier Jésus pour sa fille (Mc 5,22-23). La plupart des gens considèrent leurs épreuves et tourments comme une punition de Dieu. Si seulement on pouvait comprendre que rien de ce qui nous arrive n’est négatif ! Que tout est un cadeau ! (Élisabeth Kubler-Ross) pour que nous soyons solidaires les uns des autres.

Il y a dans cet Évangile une parole de Jésus qui risque de passer inaperçue : « Il leur dit de la faire manger » (Mc 5,43). Oui, bien sûr, elle a besoin de reprendre des forces. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que le Seigneur est venu nous ressusciter dans la foi. Il nous remet debout. Mais si nous voulons vivre de sa vie, nous devons nous nourrir de sa Parole et des sacrements. Si nous ne le faisons pas, la faiblesse reprendra le dessus et nous retomberons.

Le grand désir du Seigneur, c’est que nous soyons réveillés de notre médiocrité, de notre égoïsme et de notre désespérance. Il veut tous nous associer à sa mission. En nous nourrissant de sa Parole et de son Eucharistie, il veut nous donner le dynamisme qui transforme les « sauvés » en « sauveurs ». Avec lui, nous pourrons entraîner les malades vers la Source de Vie. Et comme lui, nous tendrons les mains vers les endormis pour les aider à se lever et à marcher. Ils pourront ainsi aller à la rencontre de Celui qui est la vie et la résurrection.