B 23 MARC 07,31-37 (14)

Chimay : 05.09.2021

« Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu. C’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il va vous sauver » (Is 35,4). Frères et sœurs, voilà le message que nous avons entendu dans la première lecture (Is 35,4-7a). Mais de quoi le Seigneur veut-il nous sauver ? La réponse nous est donnée dans l’Évangile : « Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler » (Mc 7,32). L’Église amène et présente au Seigneur les sourds-muets que nous sommes et supplie Jésus de poser la main sur nous.  Comprenons bien, cette revanche de Dieu, c’est celle de son amour. Il ne prend pas sa revanche contre nous, mais contre le mal qui nous atteint et nous abime. Sa revanche, c’est de supprimer le mal, c’est de faire en sorte que les aveugles voient et que les sourds entendent. La Bonne Nouvelle, c’est que Dieu nous aime plus que tout être au monde. Notre vie connaît souvent des humiliations physiques et morales. Mais le Seigneur est là ; il vient pour nous libérer et nous sauver. Avec lui, le mal ne peut avoir le dernier mot. Dieu vient sauver son peuple, et sa venue fait passer un souffle de vie sur tous nos handicaps physiques et spirituels.

 

Dans la seconde lecture (Jc 2,1-5), saint Jacques nous rappelle ce que doit être la réponse de la communauté chrétienne. Les considérations de personnes n’y ont pas leur place. La tentation de ménager les riches et les puissants reste toujours bien présente. Ce comportement est incompatible avec l’Évangile. Dieu a choisi les pauvres et les a faits riches de sa pauvreté (2 Co 8,9). Il en a fait les héritiers du Royaume. Voilà une mise au point très forte pour notre société ambiante de surconsommation. Les discriminations y sont toujours bien présentes. Nous pensons à la montée du racisme, au rejet de l’étranger. On évite de fréquenter celui qui n’est pas de notre monde. La mise au point de saint Jacques s’adresse aussi à nous aujourd’hui. Une assemblée chrétienne qui ne serait pas accueillante aux pauvres trahirait le Bonne Nouvelle annoncée par Jésus aux pauvres.

L’évangile de saint Marc nous montre qu’avec Jésus, c’est accueil de l’étranger. Aujourd’hui, nous le voyons en territoire païen, en territoire de la Décapole, et non en territoire d’Israël. Sa mission n’est pas réservée à son peuple. Elle s’ouvre à tous. C’est là qu’il va guérir un sourd-muet. Cet homme représente tout un monde pratiquement fermé à la Parole de Dieu et incapable de la transmettre. Ce monde païen est incapable de proclamer les merveilles de son Créateur. Il est sourd à la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Sa rencontre avec Jésus devient quelque chose d’extraordinaire. Un mot résume bien toute l’action du Christ : « Effata » : « Ouvre-toi ». N’est-ce pas que nous aussi Jésus a besoin de nous ouvrir à Dieu, aux autres, à tous les autres ?

Cet homme handicapé nous ressemble. Même si nous entendons et parlons correctement, il peut nous arriver de nous enfermer sur nous-mêmes. Nous pensons à tous ces hommes, ces femmes, ces jeunes qui sont bouclés dans leur solitude. Ils sont incapables de communiquer avec les autres. Ils vivent repliés sur eux-mêmes, sans relation, sans ami, sans travail, sans conversation. Rien ne les intéresse en dehors de leur moi. Nous vivons dans un monde super médiatisé, mais beaucoup continuent à vivre dans l’individualisme. Ils ne communiquent qu’avec un écran d’ordinateur ou un téléphone portable. Chacun y cherche à tout prix à ménager ses intérêts et ses privilèges. Cette attitude nous rend sourds aux drames de ce monde et au bien commun.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui nous découvrons cette rencontre vraiment touchante de Jésus avec cet homme sourd qui a des difficultés à parler. Nous voyons Jésus le prendre à part pour l’éloigner de la foule. N’est-ce pas là le vrai sens de la démarche de la prière ? Dans la prière, Jésus me prend à part pour passer un moment seul à seul avec moi. Il m’invite à m’éloigner du bruit et de l’agitation de mes activités. Il veut passer un moment de qualité avec moi. Il veut me parler personnellement. Il veut m’entendre lui dire mes joies et mes peines. Je peux moi aussi répondre à cet appel : aller à l’écart avec Jésus.

À travers cet évangile, saint Marc s’adresse non pas uniquement aux païens de la Décapole, mais aussi aux chrétiens de tous les temps. Il vient nous montrer ce qui se passe quand nous sommes sourds à la Parole de Dieu. À cause de cette surdité, nous ne pouvons que bégayer un témoignage que le monde ne peut comprendre. Mais Jésus est là comme toujours. Il fait sans cesse les premiers pas vers nous. Comme au sourd-muet, il continue à nous dire « OUVRE-TOI ». C’est avec lui et par lui que se réalise en nous l’ouverture du cœur, des yeux, des oreilles et de la bouche. C’est Jésus seul qui établit notre communion avec Dieu. Il est le médiateur qui nous permet d’entrer en conversation avec Dieu. Toutes les guérisons qui nous sont rapportées dans l’Évangile nous révèlent la guérison profonde que Jésus vient réaliser en nous par ses gestes ou par ses paroles.

Nous avons tous nos fragilités physiques mais aussi nos fragilités spirituelles. Jésus connaît notre faiblesse. Il n’a pas peur de s’y confronter. Il nous aime tels que nous sommes. Il touche les lépreux, les fiévreux, les infirmes. Cet homme sourd et muet aurait pu refuser de se faire ainsi ausculter de façon aussi intrusive, mais il choisit de faire confiance au Seigneur. Il s’abandonne entre ses mains. Il le laisse faire et voilà que son acte de foi et de confiance permet à Jésus de le guérir. Je peux aussi poser cet acte de confiance en Jésus aujourd’hui.

Laissons-nous surprendre, car la manière d’agir de Dieu est parfois très étonnante, voire à première vue repoussante. Qui d’entre nous aurait envie d’être soigné par de telles méthodes ? « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue » (Mc 7,33). Le malade, lui, se laisse faire, il fait confiance.

La deuxième partie du récit a de quoi nous étonner également. Pourquoi Jésus interdit-il à cet homme de proclamer les merveilles de Dieu ? Afin qu’il goûte plus intérieurement et plus profondément la bonté et l’amour de Dieu pour lui avant d’en témoigner ? À moins que Jésus ait tout simplement un autre et meilleur plan pastoral ! Ce qui est certain, c’est que pour nous, ce n’est plus cette interdiction qui résonne. Mais ceci : « Allez, proclamez l’Évangile à toute la création » (Mt 28,19).

De la même manière que Dieu a créé tout ce qui existe par la puissance de sa Parole : « Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gn 1,26). Jésus recrée cet homme par sa parole toute-puissante en prononçant « Effata ». Chaque étape de la création du livre de la Genèse se termine par un bilan positif : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon » (Gn 1,31). De la même façon, ce passage de l’Évangile se termine par une louange de la part des témoins de ce miracle : « Il a bien fait toutes choses » (Mc 7,37)

En ce jour, frères et sœurs, demandons pour nous-même et pour les autres, des oreilles qui écoutent la Parole de Dieu, un cœur attentif aux inspirations de l’Esprit Saint, et des lèvres qui proclament les merveilles de Dieu, afin de rendre gloire à Dieu notre Père.  Amen.