B 33 MARC 13, 24-32 (10)

Chimay : 14.11.2021

Frères et sœurs, une fois de plus, la liturgie nous propose des passages d’Évangile qui nous parlent de catastrophes et de guerres. Ce sont exactement le genre de textes bibliques que les prophètes de malheur utilisent pour attiser les peurs et alimenter les angoisses. En fait, il ne faut pas lire ces textes comme une annonce de catastrophes mais comme un appel à l’espérance en période de catastrophes. Il y a des signes que le Christ est proche et qu’il est à notre porte, et ce ne sont pas seulement ceux de la fin des temps.

 

Cependant la peur nous guette quotidiennement : peur de la maladie, du chômage, de la guerre. Le monde dans lequel nous vivons tend à miner notre confiance en Dieu. Il est facile de s’attacher aux choses de ce monde, bien que ces choses-là passent, disparaissent, et nous donnent seulement un plaisir passager ou une sécurité temporaire. Puisque notre cœur est fait pour Dieu, pour l’infini, quand nous nous attachons à quelque chose d’autre, nous nous retrouvons forcément face à nos peurs. La crainte de l’avenir, de l’inconnu nous envahit. Mais avec Dieu, nous connaissons la fin de l’histoire ; nous savons ce qui nous attend. « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Mc 13,31). Tout ce que nous voyons et que nous apprécions autour de nous passera, tout sauf la promesse du Christ, à savoir la promesse de la vie éternelle – du paradis. Ne craignons pas de mettre notre espoir en Dieu car « l’espérance ne sera pas déçue » (Rm 5,5).

C’est de cette espérance que témoigne le livre de Daniel (Dn 12,1-3). Il s’adresse à un peuple persécuté. Vers 160 avant Jésus Christ, le prince de Syrie, Antiochus Épiphane, voulait obliger les juifs à renier leur foi. Beaucoup sont morts martyrs. Le prophète leur annonce que le mal n’aura pas le dernier mot. Après cette escalade du mal, viendra le temps du salut pour ceux qui seront restés fidèles. L’auteur introduit la foi en la résurrection des morts dans le contexte plus général du combat cosmique entre Dieu et les forces du mal dont la persécution d’Antiochus n’est qu’un des symptômes historiques. Quant aux martyrs, ils s’éveilleront pour vivre avec Dieu. Le prophète Daniel n’entrevoit pas la fin des temps comme une catastrophe, mais comme le jour du salut pour tout le peuple. Comment ne pas penser aux chrétiens d’aujourd’hui qui sont persécutés ou tournés en dérision à cause de leur foi ? Leur témoignage ne peut nous laisser indifférents.

C’est aussi ce message d’espérance que nous lisons dans la lettre aux Hébreux (Hb 10,11-14.18). Les chrétiens d’origine juive sont invités à découvrir la supériorité du sacerdoce du Christ sur celui de l’ancienne alliance. En lui, les péchés sont pardonnés ; les hommes sont déjà près de Dieu. Mais tout n’est pas encore accompli. Le mal et le péché continuent à faire des ravages, les hommes ne sont encore qu’en route vers la perfection, en accueillant la grâce du pardon qui les rend saints. Mais la promesse divine est assurée de s’accomplir : un jour toutes les forces du péché seront vaincues et définitivement piétinées. Notre priorité doit être de nous laisser conduire par le Christ, par sa Parole et par ses sacrements.

Enfin l’Évangile nous rapporte un discours de Jésus à Jérusalem. Il nous parle de guerres, de famines et de catastrophes naturelles : « Le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa clarté et les puissances des cieux seront ébranlées » (Mc 13,24-25). Il faut savoir qu’à l’époque de Jésus, le soleil, la lune et les étoiles étaient des dieux auxquels on rendait un culte. Avec Jésus, c’est fini. Il nous est proposé en ce dimanche de regarder vers le ciel. Mais pour y voir quoi ? Des signes apocalyptiques de fin du monde, qui semblent fasciner notre époque assombrie par des changements climatiques violents et incontrôlables ou par des crises sanitaires imprévisibles aux conséquences humaines et économiques désastreuses ? Ou pour voir plus haut, plus loin, pour nous décentrer de nous-mêmes et de nos peurs viscérales, afin de percevoir comme un murmure ténu à travers les tendres feuilles du figuier qu’évoque Jésus ?

En effet, le point central de ce discours c’est la personne même de Jésus, sa mort, sa résurrection et son retour à la fin des temps. Un jour viendra où nous nous trouverons face à lui. Nous n’attendons pas un temps ou un lieu ; nous allons vers la rencontre de la personne même de Jésus. Nous nous y préparons chaque jour en vivant le présent et en construisant notre avenir avec sérénité et confiance. Il est hors de question d’avoir peur. Dans un monde bousculé qui vit des situations de détresse, le Seigneur nous assure de sa présence. Il a vaincu le mal. « Rien ne peut nous séparer de son amour » (Rm 8,38).

Cette promesse de Jésus vient raviver notre espérance. Nous ne sommes pas abandonnés. Le Christ est toujours là bien présent, mais trop souvent, c’est nous qui sommes ailleurs. Nous sommes aveuglés par nos problèmes personnels et ceux de notre monde. Nous oublions que Jésus est avec nous, qu’il est notre force. C’est lui qui est à notre porte. Il est notre présent et notre avenir. N’oublions pas ces paroles immortelles du saint pape Jean-Paul ii : « N’ayez pas peur… Ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ».

Oui, n’ayons pas peur car le Seigneur est là à nos côtés. Il nous accompagne toujours. Il s’élève contre les faux prophètes, contre les voyants qui prévoient proche la fin du monde. Il est à nos côtés et il marche avec nous. Il n’a jamais cessé de nous aimer. Il veut nous détourner de la curiosité pour les dates, les prévisions, les horoscopes. Ce qui est premier, c’est d’accueillir la présence de Dieu et de nous laisser guider par son Évangile.

Nous vivons une époque qui connaît beaucoup de catastrophes naturelles et morales. On se lamente beaucoup mais cela ne sert pas à grand-chose. C’est vers le Christ qu’il nous faut regarder. Il est la Lumière qui guide et encourage nos pas. C’est auprès de lui que nous retrouverons la force d’aimer et de servir nos frères. Qu’est-ce qui nous empêche de mettre toute notre confiance en Dieu et de croire à ses paroles de tout notre cœur ? C’est tout simplement l’orgueil qui nous empêche de nous convertir. Et pourtant, comme nous le rappelle la liturgie de ce dernier dimanche de l’année, il n’y a pas une minute à perdre : les temps sont courts : le Seigneur est proche.

Avec ce récit Jésus nous invite à vivre en plénitude le temps présent et à attendre son retour avec espérance. Nous ne devons pas nous préoccuper du jour et de l’heure mais plutôt de le trouver maintenant, dans notre vie de tous les jours. Jésus est ressuscité et il habite au milieu de nous. Nous ne sommes pas en train d’attendre qu’il revienne parce qu’en réalité il n’est jamais parti. Ce que nous attendons c’est sa venue dans la gloire, soit l’entrée du Royaume dans l’histoire et dans toute la création. Nous sommes donc invités à annoncer par notre vie ce qu’il a annoncé : la bonne nouvelle du Royaume de Dieu.

Au cours de cette eucharistie, nous sommes venus puiser à la source de cet amour qui est en Dieu. Nous entrons dans la prière du Christ qui veut que chacun de ses enfants reçoive sa part de vie, de dignité et d’amour. Notre monde est fragile ; et pourtant, chaque matin, le seigneur vient nous dire : « Je crois en toi » ; « N’aie pas peur » ; « Je suis avec toi ». Que la Vierge Marie nous aide à avoir confiance en lui et à persévérer avec joie dans son amour.