B CHRIST ROI JEAN 18,33b-37 (13)

Chimay : 20.11.2021

Frères et sœurs, l’Église nous invite à célébrer aujourd’hui le Christ Roi de l’univers. L’histoire du monde s’achèvera par le règne définitif et éternel du Christ. « On verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire » (Lc 21,27). Les trois lectures de cette messe nous parlent de ce règne.

 

Nous avons tout d’abord entendu un texte du prophète Daniel (7,13-14). Il s’adresse à un peuple qui vit une situation désespérée. Nous sommes alors vers 165 avant J.-C. ; le pays est occupé par l’armée grecque ; c’est vraiment la catastrophe ; beaucoup se posent des questions : « Où est-il notre Dieu ? Que fait-il ? » C’est en réponse à ce doute que le prophète intervient pour annoncer une bonne nouvelle : Dieu enverra un « fils d’homme » (Dn 7,13), c’est-à-dire un homme pour relever son peuple et lui redonner toute sa place parmi les nations. Écrasé et persécuté, le peuple se voit assuré de triompher grâce à Dieu. Mais cette royauté était depuis longtemps promise au Messie, descendant de David (2 Sm 7,16). Plus tard, les chrétiens comprendront que ce titre de « Fils de l’homme » désignait la royauté de Jésus.

La deuxième lecture est extraite de l’Apocalypse de saint Jean (1,5-8). Ce livre a été écrit bien après la résurrection du Christ. Il s’adresse à des chrétiens persécutés. L’empereur de Rome, Néron, est très dur pour eux. C’est dans ce monde hostile et violent que saint Jean annonce le triomphe de Celui qui est l’Amour. Par sa mort et sa résurrection, il a vaincu la mort et le péché et il veut nous associer tous à sa victoire. Le Christ qui fut affronté à la persécution et à la mort – comme le sont actuellement beaucoup de croyants à travers le monde en Syrie, au Soudan et dans de nombreux pays – le Christ triomphe par sa résurrection. Cette vision doit réconforter les chrétiens dans leur combat. Mais surtout, ce même Jésus vient continuellement à la rencontre de ceux qu’il aime pour les conduire près de Dieu. Les Béatitudes nous parlent du Royaume parce qu’il est au-dedans de nous : « Bienheureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux leur appartient » (Mt 5,1). Dans sa lettre aux Romains, saint Paul nous dit que « rien ne peut nous séparer de son amour » (Rm 8,38).

Ces deux premières lectures sont une bonne nouvelle pour notre monde d’aujourd’hui. De nombreux dictateurs y règnent en maîtres. Ils font peser leur pouvoir sur les plus faibles. Dans de nombreux pays, les chrétiens sont victimes de la haine et de la violence des hommes. Mais un jour, les dictatures finissent par tomber. C’est arrivé en Russie, en Yougoslavie, au Chili, aux Philippines, et dans combien d’autres pays ? Il n’est pas question de vengeance : cela ne ferait qu’ajouter de la violence à la violence. Ce n’est pas par la force des armes qu’on peut obtenir la victoire contre le mal mais par celle du dialogue et surtout celle de l’amour.

C’est précisément ce que nous montre l’Évangile de ce jour : Nous sommes à un moment dramatique de la vie de Jésus. Il vient d’être arrêté. On le conduit devant Pilate pour en finir avec lui. On lui reproche d’être un homme dangereux qui s’oppose à l’autorité de l’empereur. Quand Pilate lui demande s’il est le roi des Juifs, il ne cherche pas à se défendre. Pour lui, ce qui est le plus important, c’est la mission que le Père lui a confiée : « Rendre témoignage à la vérité » (Jn 18,37).

« Es-tu le roi des juifs ? » (Jn 18,33). C’est la question de Pilate. Chaque jour nous formons des jugements innombrables. Souvent ils se fondent davantage sur ce que d’autres nous ont dit plutôt que sur ce que nous savons. Souvent les médias, le gouvernement et même nos amis nous disent ce qu’il faut penser. Pilate était l’un de ceux dont le jugement était fondé sur ce que les autres avaient dit. Il interrogeait Jésus comme un fonctionnaire ; non pas comme quelqu’un qui cherchait sincèrement la vérité. Jésus a senti cette faiblesse et il l’a confrontée. Il lui répond par une autre question : « Dis-tu cela de toi-même ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » (Jn 18,34). C’est aussi chacun de nous que Jésus interroge : la réponse apprise au catéchisme ou dans les livres sérieux ne suffit pas. En nous renvoyant à cette question, Jésus fait appel à notre foi. Si nous croyons en la royauté universelle du Christ, il nous faut le mettre au centre de notre vie. Il ne demande qu’à être le « Roi des cœurs ». « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). L’excuse de Pilate était que, n’étant pas juif, il ne pouvait pas connaître la vérité. Un jour nous serons jugés sur la façon dont nous avons jugé : à quel point avons-nous été justes, sincères et vraiment concernés par le bien des autres ?

Il faut bien avouer cependant que Jésus est un roi pour le moins déconcertant : un roi né dans une étable, un roi apprenti menuisier ou charpentier, un roi qui n’a pas une pierre pour reposer sa tête, un roi qui s’agenouille devant ses disciples, un roi que l’on humilie, que l’on bafoue et que l’on met à mort comme un esclave en le crucifiant, un roi enfin qui n’a même pas dix sujets pour l’accompagner lors de son trépas, un roi proclamé tel par un écriteau de dérision placé au-dessus de sa croix, un roi qui meurt entre deux bandits. Et pourtant Jésus est bien Roi. Dans son Royaume se regroupent tous ceux qui sont pour la vérité. « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix » (Jn 18,37). Quelle est la vérité pour laquelle Jésus accepte de mourir ? C’est la révélation de l’amour de Dieu pour tous les hommes, quelles que soient leur race, leur classe sociale et leurs opinions politiques. Cette vérité qui révèle que tous les hommes sont égaux doit inspirer la politique de tous les royaumes de la terre, même si elle n’a rien à voir avec un pouvoir politique.

« Ma royauté ne vient pas de ce monde » (Jn 18,36) nous dit encore le Christ. Jésus ne va pas s’opposer à l’empereur César. La vraie royauté du Christ est celle du serviteur qui se met à genoux pour laver les pieds de ses disciples. Il est le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis. Il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus.  Il porte sur chacun un regard rempli de tendresse et d’amour. Son Royaume passe d’abord par une véritable conversion de ceux qui désirent y entrer. Si nous voulons que Dieu règne sur nous, nous devons entendre les appels à la conversion qu’il nous adresse. Il nous est demandé de suivre son exemple, de nous mettre à son écoute et au service de nos frères : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Alors la joie que nous promet le Christ peut nous combler dès ici-bas, et nous accompagner tout-au-long de notre chemin de vie.

Le prophète Ézéchiel et le livre de l’Apocalypse sont là pour nous appeler à l’espérance. Le mal et la violence n’auront pas le dernier mot. Encore une fois, c’est l’Amour qui triomphera. Le Christ ressuscité n’est plus visible à notre regard, mais il est avec nous jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). Il compte sur nous pour témoigner inlassablement de l’amour qui est en lui. C’est avec lui que nous pourrons construire un monde plus juste et plus fraternel, un monde conforme à l’esprit des béatitudes, un monde qui commence dans notre cœur, autour de nous.

En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous nous tournons vers toi Seigneur. Donne-nous d’écouter ta voix et de faire la Vérité sous l’impulsion de ton Esprit. Amen.