C AVENT 02 LUC 03, 01-06 (17)
Chimay : 05.12.2021
Frères et sœurs, Noël c’est pour bientôt et je crois bien que personne ne l’oublie, surtout pas les enfants. Ça se prépare très activement dans les familles. Nous voulons tous que ce soit une belle fête. Cependant les textes bibliques de ce dimanche sont là pour nous ramener au vrai sens de cet événement. Nous y trouvons des appels à l’espérance et à la joie. Et pourtant, à l’époque du prophète Baruc (5,1-9), la situation était catastrophique. Une puissance étrangère avait soumis le pays ; Babylone avait balayé Israël. Elle avait emporté ses prêtres, ses fonctionnaires et ses artisans pour son service, ses biens ; le temple de Jérusalem avait été détruit ; le peuple Hébreux vivait en exil. La catastrophe !
C’est dans ce contexte douloureux que le prophète lance un appel à la joie et à l’espérance : « Quitte ta robe de tristesse et de misère et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours » (Ba 5,1). Ce sera bientôt le retour triomphal des exilés de Babylone. La gloire du Seigneur, sa justice et sa miséricorde vont rayonner définitivement sur Jérusalem : à la misère, à l’esclavage succéderont le bonheur et la liberté, à l’humiliation, la fierté retrouvée, à la tristesse, la joie. Dieu a décidé d’abaisser lui-même toutes les barrières et de combler tous les fossés pour permettre ces retrouvailles entre lui et son peuple.
Ce message d’espérance nous rejoint aujourd’hui. Nous vivons dans un monde pollué par la violence, l’injustice, la haine, et j’ajouterais la maladie : cette fameuse pandémie ne vient à bout : ni les scientifiques, ni les médecins, ni les politiciens. Mais le Seigneur est là et il veille sur les siens : avec lui, le mal ne peut avoir le dernier mot. L’Avent c’est le temps de la venue de Dieu dans notre vie. Il est hors de question de rester prostrés dans la tristesse. Dieu est là pour le salut de tous les hommes.
Dans la seconde lecture (Ph 1,4-6.8-11), saint Paul nous rappelle précisément que le salut de Dieu pour tous les hommes est réalisé en Jésus Christ. Bien qu’il soit en prison, enchaîné, l’apôtre nous fait part de sa joie et il nous invite à la confiance. Ce n’est plus le missionnaire qui parcourt le monde, mais le prisonnier, privé de liberté, et bientôt exécuté. Et pourtant il rend grâce au Seigneur pour cette Église de Philippe qu’il a fondée et qui reste en pleine communion avec lui dont la parole est fort limitée mais qui fait encore du bruit. Car le principal acteur de cette évangélisation c’est Dieu lui-même ; c’est lui qui agit dans le cœur des hommes et qui y fait naître la charité. C’est grâce à lui que l’Évangile peut porter du fruit.
L’Évangile justement nous ramène à une situation bien précise de l’histoire. Le peuple d’Israël vit sous une nouvelle occupation : romaine cette fois. Beaucoup souffrent de la famine et de l’oppression. Il fallait lutter pour survivre. Une époque difficile, tendue, dans une Judée sous domination romaine, avec à sa tête un préfet autoritaire, Pilate, qui n’hésite pas à réprimer dans le sang les tentatives de rébellion nationaliste. Souvenez-vous de l’occupation du pays par une armée étrangère lors des deux guerres mondiales. C’est précisément là que Dieu intervient. Il ne s’adresse pas aux dignitaires qui vivent dans le temple ou dans les palais richement dorés mais à un homme tout simple. Il s’appelle Jean et il vit dans le désert. Il vit de manière austère dans la région du Jourdain, se nourrit peu, de miel sauvage et de sauterelles (Mt 3,4) ; il s’habille sobrement, ne se coupe ni les cheveux ni la barbe comme tout nazir donné à Dieu. Aujourd’hui c’est le contraire : on nous enlève tout ce qui nous reste. Et il crie dans le désert, ce prophète tonitruant, pour qu’on l’entende, pour que l’on accourt, pour que l’on se convertisse. Ses paroles sont dures, ses auditeurs les connaissent bien puisqu’elles sont des citations des Écritures, des prophètes d’antan comme Isaïe ou Baruch. Mais ses paroles sont vraies, et le peuple ne s’y trompe pas. Jean Baptiste reçoit la mission d’inviter ses contemporains à saisir l’importance de l’événement : la Bonne Nouvelle va bientôt retentir. Que chacun ouvre son cœur, car le message s’adressera à tous les hommes, afin de les sauver tous.
Le même Dieu nous adresse sa parole aujourd’hui. Mais pour l’entendre, il nous faut, nous aussi, aller dans le désert ; ce désert, ce n’est pas le Sahara : aller au désert c’est sortir de l’agitation ou du bruit du monde pour trouver des lieux de silence ; c’est prendre du recul par rapport à toutes ces campagnes publicitaires qui nous envahissent chaque jour. C’est dans le silence et le recueillement que nous reconnaîtrons la voix du Seigneur.
Seconde étape en notre Avent : l’incontournable désert. Nul n’accueille le Messie sans se désencombrer. Le fils de Zacharie sait comment rendre droits les passages tortueux. Il est le Précurseur. Il tressaillit en Elisabeth dès la Visitation de Celle de qui Jésus naîtrait. Jean sait (de l’intérieur même de cette relation la plus intime) qui est le Fils de l’homme. Il ne peut nous égarer. Nous pouvons nous fier à ce guide. « Tout homme verra le salut de Dieu » (Lc 3,6) est son témoignage. L’Avent est une retraite. Le Baptiste prêche la conversion. Les humbles l’ont compris. Nous n’avons point trop d’une vie pour devenir hôtes de Jésus.
Une voix qui crie dans le désert. Le ministère de Jean le Baptiste était un élément important du plan de Dieu pour préparer le monde à la venue du Messie. Il était connu et il a ouvert beaucoup de cœurs à la repentance et à la foi. Donc, il est quelque peu ironique de constater que l’expression « crier dans le désert » fait généralement référence à un effort noble mais futile. Ce qui, malheureusement, pourrait être le cas aujourd’hui, si je permettais aux inspirations de l’Esprit Saint de mourir dans le désert de mon égocentrisme.
Ce que nous entendons aujourd’hui, c’est l’appel de Jean Baptiste : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis… » (Lc 3,4-5). Ce chemin du Seigneur, nous avons à le préparer dans notre vie, notre paroisse, notre monde. Et pour y parvenir un grand déblayage s’impose. Sur les chantiers, on utilise un bulldozer. Notre bulldozer à nous, c’est la prière. C’est elle qui nous ouvre à Dieu et aux autres.
Il y a urgence à préparer la route du Seigneur. C’était vrai au temps de Jean Baptiste. Ça l’est encore plus aujourd’hui. Ses appels vigoureux à la pauvreté préparaient les esprits à savourer le message des béatitudes (Heureux les pauvres de cœur, les doux, les artisans de paix… Lc 6,20-23). C’est vrai aussi pour nous aujourd’hui. Dans le chaos de nos vies, nous avons à ouvrir une route au Seigneur.
Une route, ça se construit avec des tunnels et des ponts. Hâtons-nous de raser les montagnes de notre orgueil, de nos préjugés et de notre vanité, les ravins de notre indifférence, de notre passivité. Jetons des ponts vers ceux qui nous entourent. Creusons des tunnels pour rejoindre ceux dont tout nous sépare. Autrement dit, il s’agit de faire œuvre d’unité, de paix et de réconciliation. Il s’agit de tout faire pour nous rapprocher de ceux qui nous entourent.
Une route enfin – pour demeurer dans le ministère de la voirie – ça se goudronne. Par notre amour sans cesse renouvelé, nous allons dérouler le tapis rouge et fleuri pour le Seigneur qui vient à nous pour nous combler de son amour. Il vient à nous par cette Parole de l’Évangile qui est une Bonne nouvelle. Il est présent dans cette Eucharistie qui nous rassemble. Il veut aussi nous rejoindre dans notre vie de tous les jours, tout spécialement à l’approche de Noël. Alors oui, disposons-nous à vraiment l’accueillir avec tout notre amour. C’est à ce prix que « tout être vivant verra le salut de Dieu » (Lc 3,6).