C PÂQUES 07 JEAN 17,20-26 (9)
Chimay : 29.05.2022
Frères et sœurs, entre l’Ascension et la Pentecôte, la Parole de Dieu nous invite à la prière. Le but de la prière, c’est de nous mettre en état de réceptivité au don que Dieu veut nous faire. C’est la seule attitude qui convient à des disciples qui attendent la venue de l’Esprit Saint. L’Évangile nous montre Jésus qui prie pour nous, pour l’unité des chrétiens, qu’il présente comme la condition de l’efficacité de la mission de l’Eglise. « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi… pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21-23).
Le livre des Actes des apôtres (Ac 7,55-60) nous montre la prière d’Étienne, le premier martyr, à un double titre : témoin de la résurrection du Christ et témoin de son pardon pour les bourreaux. Il a suivi Jésus jusqu’au bout sans renoncer à sa foi, même devant la menace. Il n’a pas renié le Christ. Sa prière est pour nous un modèle de confiance. Il meurt en contemplant la gloire du Christ au ciel et en pardonnant à ses meurtriers. Mais les témoins poussent de grands cris et se bouchent les oreilles pour ne pas l’entendre. Bien plus, un jeune homme, Saul, est le boy qui surveille les vêtements des meurtriers. Quand Tertullien dit que le sang des martyrs est semence de chrétiens, il faut le croire. Saul deviendra saint Paul ! En écoutant ce témoignage, pensons aussi aux très nombreux martyrs d’aujourd’hui. Leur vie et leur mort nous interpellent : qu’avons-nous fait de notre baptême ? Le Seigneur nous rejoint pour nous combler de son amour ; mais trop souvent, nous sommes ailleurs.
Avec le livre de l’Apocalypse (22,12-20), nous avons une deuxième prière. C’est celle de toute l’Église au Christ vainqueur de la mort et du péché : « Amen ! Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22,20). Nous avons là un message d’espérance adressé à des chrétiens persécutés. Quoi qu’il arrive, rien ni personne ne peut empêcher le Christ de vouloir nous associer à sa victoire : « Moi, dit Jésus, je suis l’étoile resplendissante du matin » (Ap 20,16). Avec lui, c’est un monde nouveau qui est en train de naître, un monde rempli de l’amour qui est en Dieu. Il faut que cette bonne nouvelle nous remplisse de joie et de confiance malgré les épreuves de la vie. Jésus est à jamais vivant. Si nous le supplions : « Viens » (Ap 22,17), il vient sans tarder, et cette prière est déjà exaucée. Mais elle ne le sera pleinement que dans la gloire du Royaume.
Avec l’Évangile, nous avons une troisième prière. C’est une prière qui nous fait entrer dans l’intimité de Jésus avec son Père. Tout au long des Évangiles, nous voyons que le Christ a régulièrement éprouvé ce besoin de se retirer pour prier, pour être avec le Père. Il y passait de longues heures, surtout au moment des décisions les plus importantes. Sa mission, son enseignement, sa vie donnée et la gloire de sa résurrection avaient ce but : transmettre aux hommes le lien qui l’unit au Père pour que nous puissions vivre à notre tour de son amour.
Pour Jésus, l’amour et l’unité sont indissociables. Cette fraternité concerne en premier lieu le groupe des disciples. Mais aujourd’hui, le lien qui l’unissait aux Douze de son vivant s’étend à tous ceux qui croient en lui. À leur tour, ceux-ci lui rendent témoignage dans la communion fraternelle car il n’existe aucune autre manière de glorifier le Dieu qui nous rassemble. Avant de régner partout sur la terre, Jésus sait bien qu’il lui faut conquérir le cœur de l’homme. Fraternité et vérité se rencontrent dans le Christ, car son amour accomplit parfaitement le désir d’unité du Père.
Mais sa prière d’aujourd’hui a une intensité particulière. Jésus prie pour tous les hommes qu’il est venu sauver : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi » (Jn 17,20). Il est presque parvenu au terme de sa mission. Dans quelques heures il entrera dans sa Passion. Il sera arrêté, condamné et mis à mort sur une croix. Sa prière d’aujourd’hui vient ressaisir tout ce qu’il a fait pour le remettre entre les mains du Père. C’est tous les hommes du monde entier qu’il porte dans ses mains pour les offrir au Père. Il s’agit des apôtres, des premiers chrétiens, de vous et de moi. À travers ses paroles, on sent que Jésus veut prendre soin, encore, de l’humanité. Il veut qu’elle soit unie dans l’amour qu’il est venu inaugurer. La prière de Jésus est une prière vraiment universelle parce qu’elle englobe tous les hommes de tous les temps. Elle est aussi universelle que sa mission de sauveur, mission qu’il a confiée à ses disciples et à nous aujourd’hui.
Jésus confie d’abord au Père ses apôtres. Sa Passion sera pour eux une difficile épreuve, un difficile combat de la fidélité. Il prie pour eux et pour ceux qui recevront leur témoignage : « qu’ils soit UN en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 20,23). Des communautés divisées sont un contre-témoignage qui dit le contraire de Dieu.
Cette insistance de Jésus sur l’unité entre les hommes qu’il aime est très importante. Le projet de Dieu est de faire de nous un seul peuple. Le désir de Jésus n’est pas seulement pour ceux qui auraient été baptisés mais bien pour la multitude pour laquelle il a versé son sang. C’est un appel à faire grandir la fraternité, le partage, la solidarité. Nous sommes tous des enfants de Dieu. Sa gloire n’est pas d’être admiré mais de rassembler des femmes et des hommes qui lui ressemblent. Toute atteinte à la communion blesse ce salut qui nous est offert. Ceux qui ne partagent pas notre foi nous regardent vivre. Comment témoigner d’un Dieu amour s’il n’y a pas cet amour dans notre vie ? Nos divisions entre chrétiens nous apparaissent encore plus intolérables lorsque nous entendons cette parole du Christ : « Que tous soient Un » (Jn 17,21). Ce chemin est le chemin de la croix, mais c’est sur cette croix que se manifeste la gloire du chrétien et la gloire de Dieu : « Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire » (Jn 17,24).
Il semble donc bien que suivre Jésus de Nazareth m’engage à sortir de mes étroitesses. Parce qu’il n’est pas ici, il est ressuscité, il nous précède en Galilée. « Le Christ a franchi la porte que nous avions verrouillée par peur des autres. Il a franchi le mur dont nous nous sommes entourés. Il a ouvert un espace dont l’ampleur et l’étendue nous donnent le tournis » (Tomàs Halik).
Le cardinal Jorge Mario Bergoglio a reconnu cela dans un mot décisif prononcé devant le Conclave, la veille de l’élection qui le choisirait comme évêque de Rome. Après avoir cité le passage de l’Apocalypse où Jésus dit qu’il est à la porte et qu’il appelle, il a affirmé : « Je pense à toutes les fois où Jésus frappe depuis l’intérieur pour que nous le laissions sortir ».
Tout au long de ces derniers jours qui nous préparent à la Pentecôte, l’heure est donc à la prière. Le Christ nous veut tous avec lui. Il compte sur nous pour adhérer à son désir qui est aussi celui du Père. Tournons-nous vers lui en ouvrant nos mains et nos cœurs. Viens Seigneur Jésus ! Envoie-nous ton Esprit Saint ! Qu’il vienne affermir notre foi, notre espérance et notre charité. Qu’il vienne nous faire vivre de l’amour du Père.