C PENTECÔTE JEAN 14,15-16.23b-26 (13)
Chimay : 05.06.2022
Frères et sœurs, en ce jour de la Pentecôte, nous arrivons à la fin du temps pascal. C’est le début du temps de l’Église. Les apôtres se trouvaient réunis tous ensemble au Cénacle. Tous étaient assidus à la prière avec Marie, la mère de Jésus et quelques proches. Cette présence de la Vierge Marie devait être plus qu’une mince consolation pour les apôtres depuis les quelques apparitions du Ressuscité qu’ils avaient vécues. C’était certainement une présence lumineuse au sein de l’Eglise naissante. C’est une invitation discrète à accueillir la Vierge Marie dans notre Cénacle. C’est là qu’intervient l’événement de la Pentecôte. Saint Luc nous le décrit dans un langage très imagé : il nous parle d’un violent coup de vent et de « langues qu’on aurait dites de feu » (Ac 2,3). Alors « tous furent remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2,4).
Désormais tout est changé dans la vie des disciples. Ils n’ont plus peur de ceux qui ont fait mourir Jésus sur la croix ; bien au contraire, ils sortent au-devant de la foule ; ils se mettent à proclamer « les merveilles de Dieu ». Et bien sûr, la première des merveilles, c’est l’annonce de Jésus ressuscité. La grande nouveauté de ce jour c’est que tous les groupes humains peuvent accueillir cette Bonne Nouvelle selon le génie de leur culture et de leurs traditions. Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité, Alléluia !
Saint Luc nous montre cette foule rassemblée devant les apôtres. Chacun les entend dans sa langue maternelle. L’Évangile est pour tous les peuples du monde entier ; il doit être annoncé à tous, enfants, jeunes et adultes, malades et bien portants. Nous sommes poussés à sortir « sur les places et sur les parvis » pour y chercher tous les amis de Dieu. C’est une priorité absolue. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. C’est pour tous que Jésus a livré son Corps et versé son Sang sur une Croix. Que chacun puisse entende proclamer dans sa langue maternelle les merveilles que Dieu fait pour lui, telle est la mission de l’Eglise que l’Esprit lui donne d’accomplir. Notre mission n’est pas de « faire croire » mais de témoigner de cette Bonne Nouvelle. Beaucoup le font jusqu’au martyre.
Nous avons entendu que dans cette foule, chacun les entend dans sa propre langue maternelle. Ce nouveau langage c’est celui de l’amour. Il se traduit spontanément dans toutes les langues, et tout le monde le comprend sans nécessiter d’explications. Au matin de la Pentecôte, les apôtres sont remplis de l’Esprit Saint. L’amour qui est en Dieu les a envahis. Il en est de même pour tout chrétien baptisé et confirmé. Notre capacité d’amour est habitée par l’amour même de Dieu. Nous sommes créés à l’image de Dieu et appelés à lui ressembler de plus en plus.
Mais cette image de Dieu est trop souvent abîmée par notre péché et celui du monde : la violence, le racisme, la rancune et l’égoïsme sont bien présents. Dans ce cas, notre vie devient un contre-témoignage. Mais c’est là, quand tout va mal que nous devons nous tourner vers le Seigneur : nous le supplions de nous envoyer son « Esprit qui renouvelle la face de la terre » (Ps 103). Cet Esprit d’amour vient nous rappeler que le mal n’aura pas le dernier mot. C’est le feu de l’amour qui vaincra la mort et le péché.
C’est cette Bonne Nouvelle que nous rapporte l’apôtre saint Paul dans l’épître aux Romains (Rm 8,8-17), évoque, dans un premier temps, le sort dramatique de l’homme pécheur. Mais grâce à la présence de l’Esprit Saint, tout change : si nous nous laissons conduire par lui, nous sommes vraiment des fils de Dieu. Trop souvent, nous sommes esclaves de nos tendances mauvaises. « Mais l’Esprit saint nous en libère et nous aide à pratiquer le bien. C’est ainsi que nous devenons vraiment libres », écrit saint Paul aux Galates (Ga 5,1). C’est l’Esprit de Jésus Christ qui est désormais agissant en nous : il nous conduit, il lutte avec nous, il prie en nous, il atteste que nous sommes enfants de Dieu.
Dans l’Évangile de ce jour, nous avons entendu les paroles de Jésus au soir du Jeudi Saint. Il annonce à ses disciples qu’il ne les laissera pas orphelins (Jn 14,18). Il leur enverra l’Esprit Saint. Mais avant toute chose, il leur demande de l’aimer et de garder ses commandements. Quand il parle de « commandements », il ne s’agit pas de contraintes mais de paroles qui sont celles « de la vie éternelle ».
L’Esprit Saint envoyé par le Père au nom de Jésus tient son rôle auprès de ceux qui l’aiment. Son rôle c’est « d’enseigner » toute chose. Il vient nous rappeler tout ce que le Christ a dit et fait. Mais ce n’est pas seulement un « aide-mémoire ». Le plus important, c’est de prendre conscience de la portée des paroles et des gestes de Jésus pour notre monde d’aujourd’hui.
Pour nous qui sommes envoyés pour annoncer l’Évangile, il n’est pas question de répéter un message appris par cœur. Nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé. L’Esprit Saint est là pour nous inviter à le rejoindre dans ce monde-ci. Il vient nous rappeler que ce qui est premier ce n’est pas la recherche du confort, ni de l’argent mais la personne. Dans un monde meurtri par les guerres et les violences, il vient faire de nous des artisans de paix, de réconciliation et de communion fraternelle.
La Pentecôte nous invite à nous ouvrir à cet Esprit qui nous fait devenir des témoins et des messagers du Christ et de son message d’unité et de paix. C’est ce que nous dit la Séquence de la fête d’aujourd’hui : « Viens, Esprit Saint en nos cœurs… Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid. Rends droit ce qui est faussé ».
Le feu de l’Esprit Saint a embrasé tout Jérusalem. Le message de Jésus a rejoint chacun dans sa propre langue et pénétré au plus profond des cœurs. Un grand vent a soufflé sur la barque de l’Église. Elle a pu prendre le large et répandre la Bonne Nouvelle. Embrasés comme des flambeaux, les disciples ont porté la vraie lumière. Ils sont devenus les apôtres et les évangélisateurs que l’on sait.
Cette fête de la Pentecôte nous ramène aussi à notre baptême. Ce jour-là, chacun a été plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Les graines de l’Évangile sont à ensemencer dans l’eau de notre vie renouvelée. Puissions-nous être des semeurs du Royaume toujours à la recherche de nouvelles terres. L’Esprit Saint a la puissance de vaincre la peur et de dilater les cœurs.
Si l’Esprit Saint transforme nos cœurs, il guide également l’Église. Celle-ci célèbre aujourd’hui l’accomplissement du temps pascal et rend grâce pour les merveilles de Dieu. Par lui, nous sommes devenus des frères et des sœurs dans le Christ Jésus. Loin de nous diviser, le don de l’Esprit Saint nous enrichit de nos différences et crée l’unité à partir de nos diversités. Enfin, la Pentecôte ne fait pas de nous un groupe de privilégiés ni le petit reste d’un peuple isolé du monde. L’Esprit Saint est missionnaire. Avant de nous disperser sur toute la terre, Jésus nous offre le lien qui l’unit au Père. En lui, nous sommes en communion avec l’humanité toute entière.